PREMIERE COMPARUTION D'UN BELGE DEVANT UN TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL
par Gérald Papy
La Libre Belgique, jeudi 14 août 1997
"L'événement" est essentiellement d'ordre administratif et aura surtout valeur de symbole : avec la comparution ce jeudi de Georges Ruggiu devant le Tribunal pénal international sur le Rwanda (TPR) à Arusha, c'est la première fois qu'un citoyen belge sera déféré devant une juridiction internationale.
ARRETES A NAIROBI
Il le sera en compagnie de Jean Kambanda, Premier ministre du gouvernement autoproclamé le 8 avril 1994 au moment du génocide, de Hassan Ngeze, journaliste au périodique extrémiste Kangura, de Sylvain Nsabimana, ancien préfet de Butare, du colonel Gratien Kabiligi, ex-officier à l'Etat-major des Forces armées rwandaises et du commandant Aloys Ntabakuze. Tous ont été arrêtés A Nairobi les 18 et 20 juillet à la requête du TPR dans une démarche ouvrant une nouvelle forme de collaboration de la part des autorités kenyanes. Confirmation de celle-ci est encore venue avec l'annonce de l'arrestation dans la nuit de lundi à mardi, à Mombassa la cité balnéaire, de Samuel Manishimwe, un ancien lieutenant de l'armée rwandaise, commandant militaire de la préfecture de Cyangugu entre avril et juillet 1994.
L'AVOCAT AOUINI
Le Tribunal qui verra comparaître les six personnes arrêtée précédemment devra statuer sur la prorogation de leur maintien en détention pour une période de 30 jours. Lors de l'audience, devraient être précisées les préventions retenues contre eux. Georges Ruggiu avait espéré, dans un premier temps, s'adjoindre les services de Me De Temmerman, l'avocat de la famille Habyarimana. Celui-ci étant déjà le conseil d'un autre prévenu, c'est l'avocat tunisien Me Mohammed Aouini, connu pour avoir une grande expérience des juridictions internationales, indique-t-on à Arusha, qui défendra le Verviétois. Lorsqu'il avait lancé un mandat d'arrêt international à l'encontre de Georges Ruggiu, le juge d'instruction belge Damien Vandermeersch avait appuyé sa requête sur l'article 66 du Code pénal qui stipule que "seront punis comme auteurs de crimes ceux qui par des discours publics les auront provoqués directement", sur l'article 1er, de la loi de 1891 réprimant la provocation à commettre un crime ainsi que sur l'article 7 d
u titre préliminaire du Code d'instruction criminelle relatif aux poursuites en Belgique pour crimes commis hors du pays. A Arusha, on indiquait seulement mercredi que les préventions retenues s'orienteraient sans doute autour de "l'incitation aux meurtres". Georges Ruggiu était arrivé au Rwanda au dernier trimestre 1993 pour "animer" la Radio des Mille Collines, financée par l'entourage extrémiste du président Habyarimana. L'antenne était devenue dans les mois quiprécédèrent le génocide et au moment des massacres un véritable vecteur de la machine génocidaire.