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Conferenza Emma Bonino
Partito Radicale Maurizio - 8 novembre 1995
Le temps du Maghreb et du Moyen Orient

Pêche. Les négociations entre Rabat et Bruxelles ont été particulièrement difficiles. A la veille du renouvellement de l'accord le Commissaire européen chargé du dossier s'est confié à Jeune Afrique.

EMMA BONINO: "LE MAROC A BIEN JOUÉ, L'EUROPE AUSSI!"

La signature de l'accord de pêche entre le Maroc et l'Union européenne n'est plus qu'une question de jours. Jugé "bon" par les deux parties, il devrait remplacer l'accord de 1992, dénoncé unilatéralement par les Marocains en mai 1994, deux ans avant son expiration, en raison de la surexploitation des ressources halieutiques du royaume par les pêcheurs espagnols et portugais.

Le nouveau compromis garantit donc aux flottes européennes, espagnoles et portugaises notamment, à quai depuis 6 mois, la poursuite de leurs activités dans les eaux marocaines pendant une période de quatre ans, mais avec une réduction substantielle de leurs prises de 40% pour les poulpes et les calamars, et de 34% pour les crevettes.

Les Marocains ont, pour leur part, obtenu, outre des compensations financières (1 million d'Ecus par an) que 30% des tonnages soient débarqués dans les ports du Royaume.

Emma Bonino, le Commissaire européen chargé du dossier, revient dans l'entretien qu'elle a accordé à Jeune Afrique, sur un an et demi d'âpres négociations.

Jeune Afrique, page 38/39, avec photo Bonino

propos recueillis par Jean-Pierre Lenôtre

Jeune Afrique : Quelles ont été les principales difficultés auxquelles vous avez dû faire face avant de parvenir à un accord?

Emma Bonino : Le texte final ne se réduit pas à des problèmes de chiffres. Il manifeste d'abord une évolution de la philosophie de nos relations. C'est particulièrement clair sur la question du débarquement des prises dans les ports marocains. Cela a nécessité un travail très important. L'accord insiste sur le fait que, même si les Espagnols pêchent dans cette zone depuis des siècles, il s'agit d'eaux territoriales marocaines. Le droit international est formel et incontestable : ces côtes sont marocaines. Ma seconde préoccupation a été de mettre en place, sur une période de quatre ans, un système conciliant l'obligation faite à la petite pêche andalouse de réduire le volume des prises et le choix économique des Marocains de développer leur propre flotte.

Quel a été le point sur lequel l'accord a été difficile à obtenir?

Il y en a eu deux. D'abord celui du repos biologique. Nos amis marocains demandaient la mise en place d'une règle à deux vitesses. Ils exigeaient que des contraintes soient imposées aux pêcheurs marocains, auxquelles eux-mêmes n'entendaient pas se soumettre. Ensuite s'est posé le problème du débarquement et celui, qui lui est lié, des clauses de sauvegarde*.

J'ajoute que les Marocains demandaient, au départ, que la totalité des prises soient débarquée dans leurs ports, alors qu'ils ne disposent pas actuellement d'infrastructures adaptées. Il a également fallu tenir compte de la question du poisson frais, dont le marché se situe en Europe. En effet, si on débarque le poisson au Maroc, une fois rendu en Europe, il n'est plus frais et l'opération cesse d'être intéressante pour nous.

Enfin, il y avait le contexte plus général des relations entre l'Union européenne et le Maroc. Des questions liées à la pêche, mais également à l'agriculture et qui doivent déboucher prochainement sur un accord d'association. Il est indéniable, à cet égard, que le sommet qui s'est tenu à Cannes, en juin dernier, a représenté un tournant important de la politique européenne. Pour la première fois, les pays de la Méditerranée se sont rendu compte que l'aide aux pays du Sud était une réalité et qu'il y avait un budget pour la mettre en oeuvre (4,7 milliards pour cette zone, contre 6 milliards d'écus pour les pays de l'Est). Cela a indubitablement entraîné une évolution des relations entre le Maroc et l'Espagne.

Votre prédécesseur, Manuel Marin aujourd'hui chargé des relations avec la Méditerranée, est espagnol. On a le sentiment que ses relations avec les Marocains n'ont pas toujours été très harmonieuses...

Lorsque j'ai repris le dossier, j'ai vraiment eu le sentiment d'intervenir dans une relation conflictuelle. Je ne l'ai d'ailleurs pas caché aux uns et aux autres. Quand vous parlez aux Marocains, ils font sans cesse référence à certains épisodes du passé, et quand vous évoquez les mêmes faits avec les Espagnols, ils vous en donnent une version très différente.

On a été surpris de vous voir débarquer au Maroc, un jour de septembre 1995, sur un aéroport militaire....

Je suis arrivée ce jour-là avec l'avion du roi. Le 28 août, à la suite de la rupture des négociations, j'ai demandé que l'on fasse une pause pour réfléchir aux perspectives globales de nos relations. Certes, il y avait la question des fleurs coupées, des tomates et de la pêche, mais le problème dépassait ces aspects particuliers. C'est à ce moment-là que le ministre marocain de la Pêche m'a appelé pour m'annoncer que Hassan II souhaitait me voir. La rencontre a été fixée au 15 septembre. Or, ce jour-là, dans l'après-midi, je devais être à Naples. On m'a alors proposé de venir me chercher avec l'avion de Sa Majesté Hassan II et de me conduire ensuite à Naples. C'était plus pratique pour moi, mais j'y ai également vu un geste de la part du souverain.

On a le sentiment que le roi est beaucoup intervenu dans ce dossier

C'est tout à fait clair.

On a également l'impression que le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères marocain ont été quelque peu tenus à l'écart de ce dossier.

En juillet dernier, Abdel Filali, que je n'avais rencontré qu'à deux reprises auparavant, s'est rendu à Bruxelles pour rencontrer Jacques Santer, le président de la Commission, Manuel Marin et moi-même. J'ai eu le sentiment qu'il était assez sceptique quant à l'avenir de nos relations. C'est à partir de là que le dossier a été directement pris en main par Hassan II.

Vous avez donc rencontré le roi du Maroc. Comment négocie-t-on avec un souverain?

Je m'attendais à une rencontre très protocolaire. Elle l'a été, en effet, mais le roi a usé avec moi d'un langage très direct. Ce qui m'a mise à l'aise. Le courant est bien passé entre nous.

Précisément sur quoi a porté l'intervention du roi?

Il a très clairement manifesté son intérêt pour l'établissement d'une relation équitable et forte entre l'Union européenne et le Maroc.

Quel rôle a joué la France?

Son rôle a été fondamental lors du sommet de Cannes. Il faut bien voir que de nombreux membres de l'UE sont avant tout préoccupés par la sécurité de l'Europe de l'Est; l'Europe du Sud est pour eux secondaire. Pour les convaincre, la France a certainement dû mener un effort diplomatique important.

L'accord prévoit-il des compensations pour les pêcheurs espagnols?

Pas au titre de l'accord, en tout cas. En revanche, la Commission pourra utiliser une partie de ce que nous appelons les fonds structurels pour indemniser les armateurs et les pêcheurs contraints de rester à quai.

Une partie importante des prises européennes va désormais être débarquée dans les ports marocains, qui ne sont pas tous équipés pour traiter de telles quantités de poissons. Que va-t-il se passer?

Cela se passera comme avec la Guinée, la Gambie ou le Sénégal, avec lesquels nous avons des accords qui nous obligent à débarquer chez eux une partie de nos prises. Les Marocains ont fini par accepter que le poisson frais ne soit pas débarqué chez eux. En revanche, les céphalopodes (poulpes et calamars) seront congelés sur place.

Par ailleurs, aucun débarquement ne sera obligatoire la première année. Pour les trois suivantes, la mise en oeuvre de l'accord sera progressive. Des aides structurelles pour le développement des infrastructures portuaires et l'amélioration des techniques du froid sont prévues. C'est au Maroc de nous présenter les projets. Il est également possible que les Marocains aient besoin d'infrastructures routières et aéroportuaires. Ce peut être nécessaire compte tenu du fait que 80% des céphalopodes pêchés sont destinés au marché japonais.

L'accord d'association à venir est-il susceptible de modifier les termes de celui qui vient d'être signé sur la pêche?

Non, je ne le crois pas. L'accord avec le Maroc reprend le schéma de celui qui a été signé avec la Tunisie et qui doit bientôt l'être avec Israël. Seuls les chiffres diffèrent. L'accord d'association, lui, prendra en compte d'autres questions. Je tiens quand même à préciser que l'accord conclu avec le Maroc, qui est l'un des plus importants jamais signés par la Communauté, est également, il faut le savoir l'un des moins coûteux pour nous. Les accords traditionnels du genre "on pêche, on paye et on s'en va" sont aujourd'hui dépassés. Nous devrons faire l'effort de trouver des schémas différents.

Vous avez toujours affirmé qu'il n'y aura ni gagnant ni perdant.

Les Marocains ont bien joué cette partie, mais nous aussi. De plus, au-delà de la question pêche, il y a là un moyen d'engager une relation stable -en tout cas moins conflictuelle - entre les deux parties.

* Un bateau de pêche européen censé débarquer au Maroc, pourra, par exemple, dans des circonstances exceptionnelles, se détourner sur un autre port sans que les quotas en soient affectés.

 
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