Par Marco PannellaSOMMAIRE: Notes historique, politique et juridique sur la situation en Italie.
(Texte de l'exposé de Marco Pannella lors du colloque sur "Blasphème et liberté" qui s'est tenu à Bruxelles en février 1990 à l'initiative de "L.A.B.E.L." - Ligue pour l'Abolition du Blasphème) constituée à la suite de l'affaire Rushdie)
Le concept de blasphème a subi d'importantes transformations au cours des 150 dernières années en Italie, tant sur le plan de l'acceptation générale du terme par le public, que dans la manière dont il a été régi par la législation pénale.
Cette évolution est le fruit des différents systèmes politiques qui se sont succédés systèmes qui s'inspiraient de valeurs et de principes sur lesquels la présence et l'influence de l'Eglise catholique ont agi dans des mesures diverses. Pour s'en convaincre, il suffit de rappeler l'exemple de Rome où, de 1850 à nos jours, se sont exercés tout d'abord le pouvoir de l'Etat pontifical après sa restauration, puis celui de la monarchie des Savoie jusqu'à l'avènement du régime fasciste et, après l'effondrement de celui-ci, de l'Etat républicain.
Il faut en réalité remonter bien au-delà, si l'on veut retracer l'historique du blasphème, et notamment jusqu'à l'adoption par l'Empire romain de la religion chrétienne comme religion officielle. Depuis lors, et jusqu'au siècle passé, c'est-à-dire jusqu'à l'émergence de l'Etat unitaire sous la monarchie des Savoie et jusqu'à la laïcisation qui en a resulté, les délits contre la religion et, tout particulièrement, le blasphème, étaient sanctionnés par des peines extrêmement sévères, pouvant aller dans certains cas jusqu'à la peine capitale. Le plus souvent, des peines corporelles étaient de rigueur, comme le fouet ou même la mutilation.
L'activité des tribunaux de l'Inquisition au Moyen Age a déjà fait l'objet de suffisamment d'écrits pour qu'on ne s'y attarde ici. Jusqu'au siècle dernier, la situation en Italie était donc très nette: le balsphème était puni non seulement par la justice de l'Etat, mais aussi par celle de l'Eglise. Le prince, c'est à dire l'Etat, a le devoir de défendre la religion contre les outrages du blasphème par des peines très sévères.
Jusqu'en 1875, 1877 ou 1882, selon les Etats, il existe une législation - que ce soit dans le Royaume de Sardaigne ou bien entendu dans les Etats Pontificaux, mais exception faite pour le Grand-Duché de Toscane - qui réprime le blasphème ou l'injure à la religion, considérés comme des offenses à des Etats de droit divin.
La législation pénale du Royaume de Sardaigne prévoyait à cet effet de lourdes peines pour tous ceux qui, d'une quelconque façon, portaient offense à la religion catholique. Cette religion catholique que les Statuts fondamentaux de Charles-Albert du 29 mars 1848 définissaient à l'article premier comme étant "la religion unique de l'Etat". Immédiatement après l'unification italienne et parallèlement à la montée de l'ideologie libérale, les principes de l'"incompétence" de l'Etat en matière de religion et d'égalité des cultes devant la loi, finissent par s'imposer également en droit pénal.
Dans le code Zanardelli, articles 140 et 143, une peine de détention pouvant aller jusqu'à 3 mois et une amende attendent quiconque empêche ou dérange le déroulement de cérémonies "de cultes reconnus par l'Etat" ou insulte publiquement un ministre d'un de ces cultes ou des objets du culte, ou enfin, quiconque détériore ou souille des objets religieux dans des lieux de culte.
Avec l'avènement du fascisme en 1922, les rapports entre l'Etat et l'Eglise changent radicalement. Le Concordat de 1929, signé entre Mussolini et le Cardinal Gaspari, réintroduit la notion de religion d'Etat dans la législation répressive et avec elle le délit/crime d'outrage à la religion.
En effet, pendant une longue période, les rapports entre l'Etat et l'Eglise catholique s'étaient inspirés des principes du libéralisme, s'appuyant donc sur une séparation nette entre l'Etat et l'Eglise. Avec le fascisme c'est toute une nouvelle structure politique et sociale à caractère autoritaire qui apparaît et qui, après quelques années, aboutira inévitablement à une "resacralisation" de l'Etat, avec la stipulation en 1929 des Pactes de Latran dont l'article 1er proclame une nouvelle fois la religion catholique "religion de l'Etat".
Le délit de blasphème est récupéré avec beaucoup d'autres. Le souci idéologique du fascisme est aussi dans ce cas de ramener le tout à un problème d'ensemble de droit commun.
Le nouveau code pénal fasciste édicté par le Ministre Rocco modifie et durcit la réglementation pénale en matière de délits contre la religion. Les articles 402 à 406 du code pénal accroissent en effet la durée des sanctions pour outrage à la religion catholique en introduisant, à l'art. 402, le concept d'"outrage à la religion d'Etat". L'art. 724 du code pénal rétablit quant à lui, après de nombreuses années, le délit de blasphème (le code Zanardelli avait en effet aboli toute possibilité de poursuites pénales à quelque titre que ce soit, sanctionnant le comportement du "blasphèmateur") en le plaçant entre les contraventions "relevant de la police des moeurs" et un ensemble hétérogène regroupant les outrages à la pudeur, les mauvais traitements envers les animaux et les manifestations d'outrage envers les défunts.
Si le code Zanardelli s'inspirait, en matière de protection pénale des cultes, du principe de la défense de la liberté de culte des citoyens "uti singuli", dans le code ROCCO en revanche l'objet juridique que l'on cherche à garantir n'est plus la liberté de culte, mais le "sentiments religieux" au sens large en tant que patrimoine idéologique et religieux de la société dans son ensemble.
Avec le fascisme, c'est une vision objectiviste de la "religion", en tant que bien juridique protégé par les règles du code pénal, qui s'affirme. Un ensemble de règles destinées à assurer une protection sévère et rigoureuse de la religion catholique en tant que "bien social" est mis en place.
Avec cet ordre pénal et plus particulièrement avec l'art. 402 (outrage à la religion), la jurisprudence s'oriente vers une interprétation intensive jusqu'à en faire un instrument plus puissant de restriction et enfin de répression de la liberté de propagande religieuse des cultes non catholiques.
La magistrature italienne au cours des deux décennies fascistes est persuadée de répondre ainsi, à travers cette jurisprudence extensive, à la volonté du régime et de la hiérarchie ecclésiastique. Cette interprétation continuera du reste à exercer son influence même après l'effondrement du fascisme et l'instauration de la république constitutionnelle.
Ce qui est moins connu, c'est que le code ROCCO, reste en effet en vigueur en Italie même après l'adoption de la Constitution et ce jusqu'à nos jours malgré les attaques continuelles que l'on a portées à l'encontre d'une telle situation.
Jusque dans les années septante, c'est aussi une certaine lecture jurisprudentielle qui persistera. Cela malgré la contradiction manifeste existant entre ces règles et les libertés garanties par les articles 7 et 8 de la Constitution.
Un exemple précis de cette application inflexible des articles 402 et suivants du code nous est donné par un arrêt de 1967 de la Cour de Cassation confirmant la condamnation d'un missionnaire d'une église protestante qui avait distribué des tracts critiquant l'église catholique et ses dogmes.
L'interprétation plus extensive et traditionnelle des règles en matière d'outrage et de blasphème avait également été légitimée par la Cour Constitutionnelle qui, à cette époque, en affirmait dans de nombreux jugements la légitimité constitutionnelle, en se fondant sur l'universalité de la tradition et des sentiments catholiques dans la vie du peuple italien (C. Cost. 30.12.58 n·79). Cependant, le "sentiment religieux collectif des catholiques" en tant qu'objet de protection pénale n'est plus, dès cette époque, qu'un concept en désaccord, si pas en contradiction totale, avec la place qui est réservée dans la Constitution à l'élément religieux.
En effet, cette jurisprudence se trouve ainsi contredite une première fois par la magistrature romaine qui, en 1964, acquitte l'écrivain et metteur en scène Pier Paolo Pasolini, qui comparassait en justice pour une scène d'un de ses films. Ce jugement commence à poser en termes nouveaux le problème des rapports entre la liberté d'expression (qui englobe également la liberté d'expression artistique) et le respect des principes de la religion catholique;
A la fin des années '60, on assiste en Italie à une rapide mutation des rapports entre l'Etat et l'Eglise. Ce changement est le fruit aussi d'une évolution de la pensée catholique après le Concile Vatican II. Toutefois, une des influences décisives dans le processus de sécularisation et de laïcisation de la société italienne est à inscrire à l'actif du mouvement des droits civils qui, à l'initiative et par le biais de l'action du Parti radical et de la Ligue Italienne pour le Divorce, réalise au cours de ces années une série d'initiatives politiques, comme par exemple l'introduction du divorce, qui suscitent au sein de l'opinion publique une attention nouvelle pour des thèmes jusqu'alors négligés par la classe politique.
C'est une nouvelle Italie qui voit ainsi le jour, une Italie laïque et consciente de ses droits, une Italie tolérante. Sur le plan doctrinal également, on commence à se mouvoir le long de nouvelles lignes directrices en matière de protection, c'est ainsi que le délit de blasphème est considéré davantage comme un comportement indécent tenant de l'impolitesse, que comme une manifestation d'impiété, ce qui marque une modification importante dans le concept de blasphème.
Cette tendance "laïque" de l'interprétation du blasphème recouvre aussi de plus en plus le délit d'outrage.
En 1970, le loi instituant le divorce prévue par la constitution italienne existait depuis un an, mais la majorité tardait beaucoup à la réglementer.
A partir de cette époque, se succèdent une série d'initiatives référendaires. La première de ces initiatives date de 1970 et elle est l'oeuvre de "Magistratura Democratica". Cette association de magistrats et de démocrates prend l'initiative du référendum populaire et propose par le biais d'une question unique, d'abroger une centaine d'articles du code ROCCO, et parmi ceux-ci les articles 402-403-404. Par ce référendum, "Magistratura Democratica" entendait dénoncer devant le pays la "contradiction honteuse entre les réglementations fascistes qui continuent à être appliquées au nom du peuple souverain et les principes de liberté et de démocratie proclamées par la Constitution républicaine". L'initiative sera cependant vouée à l'échec: ces magistrats et le Parti radical qui s'était joint à eux, n'ont pas obtenu le niveau prescrit de 500 000 signatures devant notaire, nécessaires pour obtenir la convocation d'un référendum. Après l'adoption de la loi sur le divorce et l'éclatante victoire de l'Italie laïque lor
s du référendum organisé par les intégristes catholiques dans le but d'endiguer le développement de la conscience laïque, les radicaux reproposent en 1977 le référendum pour l'abolition des délits d'opinion, et notamment des délits contre la religion et atteignent le nombre de signatures nécessaires. Mais la Cour constitutionnelle, avec le premier d'une longue série d'arrêts honteux par lesquels elle essaiera en vain de vider de toute substance l'institution même du référendum, jugera irrecevable la question posée parce que portant sur des matières non homogènes.
Elle a établi que l'on ne pouvait pas mettre en vote référendaire non seulement l'ensemble des codes pénaux, mais même un chapître entier tel que celui des délits d'opinion sous prétexte que ces délits étaient des plus différents, certains paraissaient encore compatibles avec le nouvel état démocratique, d'autres pas.
D'où pas de référendum. Tenant compte de la motivation du rejet de la part de la Cour constitutionnelle, en 1980, le Parti radical repropose, non sans avoir modifié la formulation de la question, le référendum sur les délits d'opinion, en incluant une fois encore au nombre des normes à abroger les articles 402-403-404 du code pénal.
Cette dernière tentative n'a pas été non plus couronnée de succès, la Cour constitutionnelle ayant déclaré irrecevable la question. Et malgré le nombre important de propositions de lois présentées depuis lors et visant à abroger ces dispositions le titre IV du code pénal ROCCO est toujours en vigueur en Italie. Il en résulte qu'en 1990, l'Italie est encore régie par des lois fascistes alors que les majorités sont composées de 95% d'antifascistes.
Avec l'émergence de différentes formes de terrorisme, on assiste à une aggravation sous beaucoup d'aspects des codes fascistes. En 1984 par exemple, la possibilité d'une détention préventive de 12 années renouvelables existait toujours. Ce qui montre le souci que l'on doit avoir d'explorer la démocratie réelle et de bien la connaître.
Mais celà dit, la société a quand même progressé. Par les diverses initiatives de référendums, notamment celle relative au divorce, on a assisté à un affrontement au cours duquel les idéaux laïques ont quand même triomphé: personne en Europe n'aurait imaginé que ce fût possible en Italie.
Nous avons beaucoup insisté sur une demande d'abrogation du Concordat de 1929. Plus de 500 000 signatures ont été recueillies. Mais là aussi la Cour Constitutionnelle a refusé notre demande de référendum.
En 1984, l'Etat italien et l'Eglise ont conclu un nouvel accord de révision du Concordat du Latran qui abolit le concept de "religion d'Etat".
Là, une reconnaissance formelle de ce que les parlementaires italiens avaient affirmé à plusieurs reprises a été acquise, à savoir, que la prééminence accordée à la religion catholique n'était plus compatible avec l'esprit de la nouvelle Constitution de l'Etat italien.
La Cour de cassation qui, quoique conservatrice, se trouvait beaucoup plus à gauche, est intervenue. Petit à petit ce qui concernait les délits relatifs à l'offense religieuse ou au blasphème a été "rongé".
Il y a eu une abolition de fait grâce à l'intervention de la Cour de cassation.
Le point 1 du Protocole additionnel de l'Accord du 18 mars 1984, rendu exécutoire par la loi du 25 mars 1985, n·121, déclare que "le principe", invoqué par les Pactes du Latran, et qui fait de la religion catholique la seule religion de l'Etat italien, n'est plus d'application".
Dans les années '80, la sensibilité de la société à l'égard du blasphème s'est considérablement atténuée. Les années '50 et '60 avaient vu foisonner les "Associations sociales de lutte contre l'immoralité et le blasphème". Celles-ci opéraient de façon dynamique en alimentant et en déterminant les réactions sociales, assurémment plus importantes lorsque la religion catholique était en cause.
Aujourd'hui en revanche, de toutes ces associations, seules quelques-unes sont encore en activité et leurs interventions se font de plus en plus rares, le "seuil d'irritabilité" de l'opinion publique à l'égard du blasphème s'étant sensiblement renforcé. Celles qui sont restées actives se sont essentiellement mobilisées récemment contre des oeuvres littéraires ou des films réputés "blasphématoires". Un des derniers épisodes s'est déroulé à l'occasion de la première du film "Je vous salue Marie" du cinéaste suisse Jean-Luc Godard, en 1985(?), pour lequel d'aucuns avaient envisagé la possibilité d'appliquer l'article 402 du code pénal pour outrage à la religion catholique.
Cette diminution de la réaction sociale s'accompagne également d'un autre phénomène; le nombre de comportements blasphématoires dans les lieux publiques poursuivis par l'autorité judiciaire s'est considérablement réduit. Les cas d'application de l'article 724 (blasphème) et des articles contenus sous le titre IV se font de plus en plus rares. Sans nul doute, cette évolution est également le résultat d'un certain processus d'indifférence et de plus grande tolérance du système pénal à l'égard de conduites qui étaient réputées punissables il y a quelques dizaines d'années encore.
Je ne crois plus que l'on puisse parler de beaucoup d'intolérance surtout au niveau religieux ou au niveau confessionnel. Il y a beaucoup de corruption à d'autres niveaux, il y a beaucoup de "marchands du Temple", que ce soit dans le Temple de l'Etat ou celui de l'Eglise. C'est un problème qui doit intéresser la classe politique italienne.
Mais le problème du blasphème et la survivance du code pénal fasciste restent des choses honteuses, même si cela n'a plus force de loi.
Il est toujours dangereux d'avoir des lois écrites non appliquées parce que dépassées. On ne sait jamais si un jour elles ne seront pas remises en vigueur.
CONCLUSION :
Le processus de sécularisation du pénal, la non-application des règles pénales sur les délits contre le sentiments religieux a, dans les faits, permis de réaliser un pas décisif dans le sens d'une suppression de ces règles qui sont en contradiction manifeste non seulement avec les principes de la Constitution mais aussi avec le contenu du nouvel accord entre l'Etat et l'Eglise qui marque la fin du concept de religion d'Etat. Nous connaissons donc pour l'instant une phase d'incertitude qui voit le concept de blasphème se transformer rapidement, avec la disparition du principe fondamental (la religion d'Etat) sur lequel s'étayait la protection pénale.
Le législateur, inattentif comme d'accoutumée, n'a pas su corriger ces contradictions. Il faut dès lors une réforme qui, corrigeant l'inconstitutionnalité certaine de ces dispositions, rétablisse l'égalité de traitement et de protection pour les citoyens pratiquant un culte quel qu'il soit et pas seulement le culte catholique. Il faut donc abroger les dispositions en matière de blasphème (un concept qui échappe désormais à l'entendement non seulement du citoyen mais aussi du juge).
C'est donc à une réforme laïque et rationnelle à laquelle il convient de s'atteler et non pas seulement à un simple rapiéçage constitutionnel. Il s'agit d'éffacer de notre ordre juridique toutes les dispositions, et pas seulement celles se rapportant au blasphème qui, en limitant la liberté d'expression et d'opinion, constituent le dernier héritage d'un système anti-libéral et autoritaire.
__________________
Mais une nouvelle urgence apparaît : on doit s'attaquer aux nouveaux blasphèmes. Si l'ancien blasphème, en quelque sorte, reste inscrit dans le Code, il manque de force, mais il y a de nouveaux blasphèmes qui doivent être pris en considération.
L'intolérance due à des religions qui ne sont pas majoritaires dans l'Etat apparaît de façon visible. L'intolérance au Moyen-Orient : on n'en parle jamais, on n'évoque que les crimes d'Israel. Mais des sociétés qui bafouent nos grands principes démocratiques, on n'en parle pas. On se contente d'une stratégie défensive, alors que la laïcité devrait aller à l'attaque.
Le nonviolent est toujours à l'attaque, pas comme le pacifiste. Là se réalise la tolérance occidentale, la force de l'esprit de cette tolérance qui existe de façon plus fondamentale, plus intègre. La je crois que la suffisance avec laquelle un tiers ou deux tiers de l'humanité est sous l'emprise de l'intolérance du blasphème, de ses crimes. Au Moyen-Orient je suis considéré comme un agent des services secrets israeliens.
Mais j'ai l'honnêteté intellectuelle de faire remarquer que l'on ne parle jamais de ce qui se passe ailleurs qu'en Iran, c'est-à-dire en Irak, en Syrie.... Tout le monde réagit avec autant d'hypocrisie que les Chancelleries l'ont fait avec les Pays de l'Est avant les adaptations qui viennent de se faire récemment. Cette nouvelle forme de blasphème divisera probablement les participants au colloque.
Il s'agit de ce que l'on pourrait appeler le blasphème fasciste et raciste, de ce que j'appellerais le code antifasciste, intolérant car il ne tolère pas que l'on soit attaqué dans nos croyances de ce qui nous est laïquement sacré, nos convictions, nos histoires, nos lares, nos pénates, nos sacrifices, nos holocaustes.
Et je regrette de dire que depuis 30 ans, moyennant un certain maccarthysme, qui a joué sur un certain front notamment en Allemagne, il y a un certain fascisme de l'antifascisme qui d'ailleurs risque de donner une grande force, une grande vigueur aux nouveaux fascismes.
Je mets les pieds dans le plat.
Lorsque dans le cas "DURAFOUR CREMATOIRE", un calembour par ailleurs de très mauvais goût qui fait résonner chez nous la corde de la douleur et de la crainte, sans que M. Durafour ne porte plainte selon les critères inscrits dans le Code pénal français, l'Etat lui bouge et le Parlement européen lève l'immunité parlementaire de M. LE PEN avec une violence anormale, je dis qu'il y a danger.
J'ai tenu à le dire aux parlementaires européens: la démocratie c'est le droit au blasphème. Tout simplement.
J'ai voulu me prononcer sur le fond: ce qui nous est sacré ne peut pas être défendu par le délit de blasphème ou l'équivalent. Je cite notamment le cas de Céline, les autodafés qu'on a faits et qu'on continue à faire.
Avec des gens qui raisonnent comme ceux du Front National, voilà qu'à nouveau on a récupéré la notion du démon. On tente de l'exorciser en essayant de l'écraser. Et cela nous amène des majorités impportantes comme à Dreux. Les 60% qui votent pour les blasphémateurs à la LE PEN ne votent pas parce qu'ils sont d'accord avec ces thèses grossières, dangereuses, sans aucune force.
Voilà l'essentiel de ce que je croyais devoir rappeler. Cela me fait peur. il s'agit d'un nouveau démon "clérical".
Comme conclusion, on ne peut qu'être tolérant face à la montée de cultures intolérantes.
On doit affirmer constamment la primauté du respect des droits de l'individu face aux pouvoirs publics, mais aussi vis-à-vis des pouvoirs familieux, communautaires, des pouvoirs locaux, enfin de tous les pouvoirs. Sinon, chaque fois que l'on affirme la primauté de tout droit sur les droits individuels, c'est l'illusion de pouvoir faire l'économie du droit de l'individu sous prétexte que cela apporterait ou faciliterait l'atomisation de la société.
Il n'en est rien.
On a l'atomisation d'une société là où des prétendus droits collectifs condamnent à l'isolement, au silence, à la solitude tant des individus que des masses que composent ces individus.
Evidemment, à ce moment, on n'a plus affaire à des individus, mais à des atomes qui ne sont plus sujets de droit ni de devoir.