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Berthelemy Jean-Claude, Girardin Eric - 9 luglio 1991
(3) Les nouvelles stratégies d'allégement de la dette des pays en voie de développement

New strategies for developing countries debt relief (3)

Jean-Claude Berthélemy

OCDE centre de développement

Eric Girardin

Université de Bordeaux 1 LARE

Revue d'Economie Politique 101

(Les opinions exprimees par Ics auteurs le sont sous Ieur seulc responsabilité, et n'engagent en aucune maniere les institutions auxquelles ils appartiennent.

Cet article a bénéflcié de discussions aux Journées AFSE-GRECO EFIQ de mai 1990 à Bordeaux et au CESEFI Université de Paris 1, dont les participants sont ici remerciés.)

SOMMAIRE: Alors que de progrès semblent avoir été faits depuis le plan Brady en matière de résolution de la crise de la dette, il est bon de passer en revue la mesure dans laquelle les progrès de l'analyse économique ont participé à ce mouvement.

Cet article resitue dans un premier temps les nouvelles stratégies d'allègement de la dette dans leur contexte historique, empirique et analytique. La notion de surendettement des pays en voie de développement joue un rôle central dans ce contexte. L'examen des solutions de marché montre ensuite qu'un rachat peut engendrer un gain pour le débiteur au détriment des créanciers et ne peut être Pareto-améliorant que dans des situations de surendettement prononcé. Des stratégies concertées sont également étudiées dans cet article qui débouche ainsi sur une analyse des menus d'options mis en place dans le cadre du plan Brady.

ABSTRACT: While progress seems to have been made with the Brady plan concerning a solution to the debt crisis, it is useful to review the extent to which progress in economic analysis has shared in this move.

This paper first puts the new debt relief strategies in their historical, empirical and analytical context. The debt overhang of developing countries plays a major role here. The study of market solutions shows that a buy-back can generate a gain for the debtor at the expense of the creditors and can only be Pareto-improving in sharp debt-overhang situations. Concerted strategies are also examined in this paper which thus leads to an analysis of option-menus established within the Brady plan.

TABLE DES MATIERES

Introduction

1. Le contexte historique et empirique

1.1 Historique

1.2 Les nouveaux instruments de marché

1.3 Les solutions d'allègement concerté

2. Les fondements analytiques de la littérature récente

2.1 Les modèles de répudiation

2.2 La prévention du défaut et l'opportunité d'apport de

nouveaux prets

2.3 La notion de surendettement

2.3.1 L'intuition de départ: l'analyse de Sachs

2.3.2 L'effet du surendettement sur les efforts

d'ajustement: l'analyse de Corden

2.3.3 L'effet du surendettement sur l'investissement:

l'analyse de Helpman

2.3.4 La courbe de Laffer de la dette

3. Les solutions de marché

3.1 Le rachat de la dette au marché secondaire dans un jeu à

somme nulle

3.1.1 La thèse de Bulow et Rogoff: un effet négatif pur le

débiteur

3.1.2 La critique de l'hypothèse de Bulow et Rogoff sur le

coefficient de captation

3.1.3 L'application de la thèse de Bulow et Rogoff au cas

bolivien

3.2 Les rachats dans des modèles de jeu à somme variable

3.2.1 L'introduction de gains d'efficacité liés à la

réduction de la dette

3.2.2 Les gains d'efficacité en l'absence de problèmes

d'information

3.2.3 Introduction d'une asymétrie d'information

3.2.4 Introduction de l'aversion pour le risque

3.3 Echange de dette contre actifs

3.3.1 Le principe d'équivalence avec un rachat

3.3.2 Le prix de rachat de la dette dans une opération

d'échange contre actifs

3.3.3 Les effets sur la structure des paiements futurs

3.3.4 Les effets maaoéconomiques

3.4 La titrisation (bons de sortie)

3.4.1 Les gains potentiels de la titrisation pour le

débiteur

3.4.2 Les difficultés de mise en oeuvre

4. L'allégement concerté

4.1 L'équivalence réduction volontaire solution de marché

4.2 Allégement de la dette et nouveaux prets

4.2.1 L'argument de la capacité d'investissement

4.2.2 La combinaison optimale: apport de liquidités et

remise de dette

4.3 L'approche des menus d'options

4.3.1 L'analyse de la mécanique des menus

4.3.2 La clause de novation

4.3.3 Application à l'évaluation de l'accord mexicain de

1990

4.4 Une facilité internationale

4.4.1 L'analyse de Corden

4.4.2 La critique de la facilité par Bulow et Rogoff

4.5 La modification des règles du jeu

4.5.1 La transformation de la nature des contrats

4.5.2 L'indexation des contrats

Annexe 1: les incitations réglementaires et fiscales

Conclusion

Bibliographie

3 - LES SOLUTIONS DE MARCHE

On appelle solution de marché toute solution de réduction de la dette qui comporte un accord volontaire entre le créanciers et leur débiteur, sans qu'il soit nécessaire de faire intervenir un mécanisme de coordination ou une quelconque coercition de la part des gouvernements ou des institutions financières multilatérales. Dans certains cas, ces solutions de marché peuvent être associées à un financement public, comme par exemple à l'occasion du rachat par la Bolivie en 1988 d'environ la moitié de sa dette commerciale à long terme. On étudiera successivement le rachat pur sur le marché secondaire, les échanges de créances contre actifs et l'émission de bons de sortie. En première analyse, on pourrait penser que le rachat de la dette avec décote sur le marché secondaire, ou toute solution équivalente, représente un gain pour les débiteurs au détriment des créanciers. Une grande partie de la littérature sur ce sujet montre en fait que cette intuition est fausse: en dehors de situation où le rachat apporte

un gain collectif, ce sont plutôt les créanciers qui en bénéficieront.

3.1. Le rachat de la dette au marché secondaire dans un jeu à

somme nulle

3.1.1 - La thèse de Bulow et Rogoff: un effet négatif pour

le débiteur

Le point de départ de la litterature récente sur la question des conséquences, pour le pays débiteur et ses créanciers, d'un rachat de dette sur le marché secondaire, apparaît dans l'article de Bulow et Rogoff (1988). Ces auteurs montrent dans cet article pourquoi, en l'absence d'effet du rachat de dette sur l'efficacité de l'économie, un rachat de dette effectué aux conditions du marché secondaire ne peut en général pas être favorable aux pays endettés, même si le prix des titres de créance sur le marché secondaire est très inférieur à leur valeur faciale.

L'intuition de départ de cet article est que l'absence d'effet indirect sur l'efficacité de l'économie conduit à un contexte dans lequel l'opération de rachat de la dette constitue, pour le débiteur et son créancier, une situation de jeu à somme nulle. Dans de telles circonstances, les créanciers et les débiteurs ne peuvent pas tous deux gagner dans l'opération de rachat de la dette. Dans la mesure où les créanciers ne peuvent pas y perdre (sinon ils n'auraient pas intérêt à accepter le rachat de dette), les débiteurs ne peuvent pas y gagner.

La démonstration précise repose sur le fait que la valeur marginale de la dette est inférieure à sa valeur moyenne. La valeur movenne de la dette est définie comme le prix du marché secondaire auquel le pays opère son rachat. C'est en effet à ce prix que les créanciers seront indifférents entre vendre et garder leurs créances, et que le marché pourra par conséquent être en équilibre. Ce prix peut aussi, dans un premier temps de l'analyse, être considérée comme le coût financier que doit supporter le débiteur pour effacer une partie de sa dette. En fait, et nous reviendrons plus loin sur ce point, le coût supporté par le pays débiteur peut être inférieur au prix du marché secondaire de sa dette, parce que les actifs qu'il utilise pour payer son rachat auraient pu alternativement être saisis par la suite, en totalité ou en partie, par ses créanciers en cas de défaut de paiement.

La valeur marginale de la dette représente, en l'absence d'effet du rachat de dette sur la capacité de remboursement, l'économie future de paiement de charges de la dette que réalise le débiteur du fait de son rachat. La valeur d'un actif est, d'une façon générale, égale à l'espérance du flux (actualisé) de paiement auquel cet actif donnera lieu, pour peu que le marché secondaire des titres de créance fonctionne de manière efficiente. Cette valeur marginale est égale à 1 la probabilité de défaut. En effet, toute unité supplémentaire de dette n'a d'effet sur la valeur du stock d'actif détenu par les créanciers que dans la mesure où le débiteur ne fera pas défaut sur cette dette dans l'avenir.

La valeur marginale de la dette est inférieure à la valeur moyenne, parce que cette dernière tient compte non seulement de la probabilité de défaut, mais aussi du fait que, en cas de défaillance du débiteur, les banques pourront toujours le forcer à payer quelque chose, même si la somme payée ne couvre pas l'intégralité des charges de la dette. Cette somme n'aura en principe pas de rapprt avec la valeur faciale du stock d'endettement, et sera plutot liée à la capacité de transfert de l'économie endettée. De telle sorte la somme en question apparait bien dans le calcul de la valeur moyenne de la dette mais pas dans celui de sa valeur marginale.

Pour montrer cela autrement, on peut remarquer que le rachat augmente le prix de la dette au marché secondaire (ceci est directement lié au fait que la valeur moyenne de la dette dépasse sa valeur marginale), de telle sorte que toute réduction de la valeur faciale de la dette accroît le prix de marché de l'ensemble. Par conséquent les créanciers gagnent à l'opération de rachat, dans la mesure où celle ci se traduit en fin de compte, pour eux, par une valorisation plus favorable de leurs titres de créance. Il en résulte immédiatement, dans l'hypothèse d'un jeu à somme nulle, que les débiteurs ne peuvent que perdre à une opération de rachat sur le marché secondaire.

Une certaine forme de généralisation de cette analyse peut être apportée concernant des opérations de rachat de dette échelonnées dans le temps, plutôt que instantanées. Rodriguez (1989) a montré, dans un modèle à anticipations parfaites, qu'un flux continu de rachat anticipé par les créanciers peut conduire instantanément à un cours tes titres de créance au marché secondaire égal à leur valeur faciale, qui correspond aussi à l'état du marché en régime d'équilibre stationnaire. Ceci apparaît quand les charges de la dette impayées sont capitalisées, de telle sorte que les créanciers peuvent anticiper que toute dette sera finalement payée, pour peu que l'on parvienne à terme à un équilibre stationnaire. Si les charges impayées font l'objet d'une remise de dette plutôt que d'être capitalisées, un flux de rachat de dette anticipé provoque encore initialement une augmentation de leur valeur au marché secondaire, mais ce cours ne rejoint le pair qu'à l'état stationnaire de long terme. Ainsi, de manière assez

générale, une opération de rachat de dette, même échelonnée dans le temps, aura un effet positif important sur les cours au marché secondaire, ce qui est a priori favorable aux créanciers. Seule une hypothèse de myopie des créanciers quand au flux futur de rachat de dette peut supprimer cet effet.

Bulow et Rogoff (1988a) amendent leur premier modèle dans la suite de leur article, en introduisant le fait que les ressources utilisées pour payer le montant correspondant au rachat sont prélevées sur les réserves financières du pays, et que ces ressources auraient de toute façon été en partie saisies par les créanciers en cas de défaut de paiement (en l'absence de rachat). Par conséquent, le paiement qui est effectué par le débiteur représente plus que le coût net pour lui de cette opération de rachat: une partie de la somme payée n'est à terme pas un coût pur lui, et cette partie est proportionnelle à la probabilité de défaut.

De manière plus précise, si l'on appelle v'(D) la valeur marginale de la dette (égale, compte tenu de ce que l'on a indiqué plus haut à 1 p, où "p" est la probabilité de défaut) et "q" la proportion des ressources nationales qui peut être captée par les créanciers en cas de défaut de paiement du débiteur, le coût du rachat d'une unité de dette n'est pour celui ci égal qu'à:

[1 q (1 v'(D) ) ] v(D) / D

plutôt qu'à v(D)/D. Par conséquent, l'opération de rachat de la dette est intéressante pour le débiteur si et seulement si:

1 q [1 v'(D)] < D v'(D) / v(D)

En supposant que le coefflcient de captation "q" est égal à zéro, on retrouve le raisonnement précédent, selon lequel le caractère non rentable du rachat est lié au fait que la valeur marginale de la dette est inférieure à sa valeur moyenne.

Par contre, si "q" est égal à 1, on voit immédiatement que le rachat est rentable pour peu que la valeur du marché secondaire soit inférieure à la valeur faciale. Ce cas est analysé par Bulow et Rogoff comme typique de la situation dans laquelle se trouverait une entreprise face à des créancier nationaux, mais pas de celle d'un Etat souverain. Les systèmes légaux nationaux permettent en général aux créanciers de saisir la totalité des actifs d'un débiteur défaillant; par contre, et ceci est fondamentalement à l'origine des crises d'endettement international, les systèmes légaux ne permettent pas, dans le cas d'un contrat de dette international, de bénéficier d'une telle protection.

Plus précisément, Bulow et Rogoff considèrent que l'on peut mesurer le paramètre "q" d'intensité des possibilités de saisie par les créanciers en observant la part maximale du PIB qui a pu être transférée historiquement par les pays débiteurs défaillants. Le pouvoir de saisie dont disposent les créanciers n'est donc pas déterminé par des considérations légales, mais par la capacité de transfert, et de pouvoir de négociation, des pays débiteurs. Ils considèrent plus précisément que cette proportion est relativement faible, de l'ordre de 5% du PIB au maximum, et que par conséquent les conclusions de leur premier modèle restent valables de manière très générale.

3.1.2 Critique de l'hypothèse de Bulow et Rogoff sur le

coefficient de captation

La mesure proposée par Bulow et Rogoff de la capacité de saisie des actifs d'un pays débiteur est toutefois, nous semble t il, excessivement pessimiste. En effet, la capacité de transfert à partir du flux de revenu national peut être sensiblement plus réduite que celle sur les actifs financiers en devises détenus par le débiteur. Or, quand celui ci effectue son rachat, c'est nécessairement avec des devises convertibles, qu'il doit avoir initialement à sa disposition, plutot qu'avec une partie indifférenciée de son revenu national. En d'autres termes, en analysant de la sorte la capacité de transfert du débiteur, Bulow et Rogoff ignorent complètement les enseignements traditionnels de la théorie des transferts. (1) Si l'on mesure le coefflcient de captation "q" par la valeur historique maximale des paiements effectués par un pays débiteur rapportée à ses réserves de change (ce qui, on en convient, serait excessif dans l'autre sens), le résultat avancé par Bulow et Rogoff peut être facilement inversé.

Cette critique n'est pas gratuite: plusieurs auteurs, en particulier Krugman (1989) et Dooley (1988b), supposent quant à eux que, en cas de défaillance des débiteurs, les banques ont la possibilité de saisir l'ensemble de leurs actifs financiers. Par conséquent, si le rachat de dette est payé avec les réserves de change du pays débiteur, ce sont bien autant d'actifs en moins qui seront saisis en cas de défaillance. Certes, les réserves de change, qui sont détenues pour l'essentiel auprès des banques des pays développés, ne peuvent pas légalement être saisies par celles-ci, même en cas de rupture des négociations avec un débiteur défaillant. Mais le niveau des réserves disponibles est un indicateur de la capacité effective du pays débiteur à honorer ses engagements. Ainsi, même si les réserves de change ne sont pas effectivement saisies, leur niveau peut constituer une limite aux paiements réalisés par le débiteur en dessous de laquelle les banques n'auront pas intérêt à négocier. Sous cette hypothèse,

on arrive bien entendu à montrer, ce qui est en accord avec le modèle de 8ulow et Rogoff (pour q=1), que le rachat d'une partie de la dette à un cours inférieur à sa valeur faciale peut être favorable aux pays endettés, et défavorable à ses créanciers.

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(1) Voir par exemple sur ce sujet Berthélemy (1990), chapitre 3.

Dans un modèle un peu plus général, Froot (1989) insiste sur le fait que le gain que les créanciers peuvent retirer de l'opération de rachat dépend du caractère plus ou moins additionnel des fonds utilisés pour celui ci: si le rachat est effectué par le débiteur sur ses ressources propres, qui serviraient au paiement des charges de la dette en cas de défaillance de paiement, alors le gain réalisé par les créanciers est incertain, contrairement au cas où les ressources utilisées sont additionnelles.

3.1.3 L'application de la thèse de Bulow et Rogoff au cas

bolivien

Le cas bolivien est un bon exemple de rachat fait à l'aide de ressources additionnelles, puisque ce rachat a été financé par des donneurs d'aide bilatéraux. Le gain pour les banques est donc certain mais, si l'on en croit Bulow et Rogoff, seules celles ci, et pas la Bolivie, auront gagné quelque chose dans l'opération.

La discussion sur la valeur du coefficient de captation rend quelque peu problématique l'application que font Bulow et Rogoff au cas du rachat effectué par la Bolivie en mars 1988. Bulow et Rogoff indiquent en effet que la valeur de la dette de la Bolivie a sensiblement monté apres le rachat massif réalisé par ce pays (en utilisant de l'aide de plusieurs pays développés), de telle sorte que ce pays a consacré 34 millions de dollars pour racheter 46 % de sa dette (soit 308 millions de dollars). Cette opération a ainsi permis à ce pays de faire passer la valeur de marché de sa dette de 40,2 millions de dollars à 39,8 millions de dollars, soit une réduction de seulement 400.000 dollars, tandis que sa valeur faciale passait de 670 à 362 millions de dollars.

Si l'on suppose que l'évolution du cours de la dette bolivienne pendant l'opération de rachat est imputable en totalité à cette même opération de rachat, on peut alors essayer d'évaluer, avec la formule de Bulow et Rogoff, l'intéret pour la Bolivie de cette opération de rachat. La difficulté de l'exercice réside dans l'appréciation que l'on peut faire de la valeur marginale de la dette à partir du peu d'informations dont on dispose: comme le rachat a été effectué d'un seul coup, on ne connait que la valeur moyenne de la dette avant et après l'opération de rachat. Si l'on suppose une relation linéaire entre la valeur de la dette au marché secondaire et sa valeur faciale entre ces deux points d'observation, les données de l'opération bolivienne indiqueraient une valeur marginale de la dette égale à 0.13 % de la valeur faciale. (2) Selon la formule précédente, le rachat de la dette n'aurait par conséquent été intéressant pour la Bolivie que pour une valeur de "q" supérieur ou égale à 98,9 %. Toutefois,

la courbe de valorisation de la dette au marché secondaire ne peut pas être complètement linéaire: on sait que par ailleurs que cette courbe doit passer par l'origine des axes. Si l'on pose par exemple une approximation quadratique de cette courbe, l'observation des trois points connus de la courbe (pour une dette égale à 0,362 et 670 millions de dollars) conduit à évaluer la valeur marginale de la dette au moment du rachat à environ 5,1 %, de telle sorte que l'opération de rachat aurait été rentable pour la Bolivie pour des valeurs de "q" supérieures à 56 %. La discussion de la valeur du coefficient de captation devient dans ces conditions pertinente pour l'analyse de l'opération bolivienne.

Une différence entre cet exemple d'application et le modèle théorique de Bulow et Rogoff est toutefois que le rachat étudié n'est pas marginal: il concerne près de la moitié de la dette bolivienne. Ceci modifie l'effet du rachat, de nouveau en défaveur du débiteur, dans la mesure où le rachat doit s'effectuer au nouveau cours constaté après le rachat, et non pas au cours initial. En effet, des créanciers rationnels anticiperont l'effet du rachat sur le cours au marché secondaire, et fonderont par conséquent leurs décisions sur la nouvelle valeur de leurs actifs, une fois l'opération de rachat effectuée, plutot que sur son ancienne valeur (soit, si X est le montant du rachat,

v(D X)/(D X) au lieu de v(D)/D).

On trouve une application de ce raisonnement notamment dans les articles de Dooley (1988a et b).

3.2. les rachats dans des modèles de jeu à somme variable

Dans son commentaire sur l'article de Bulow et Rogoff (1988a), Sachs (1988) montre que leur argumentation peut être insuffisante pour rejeter, du point de vue des débiteurs, une solution de rachat, si le jeu dans lequel on se place n'est pas à somme nulle. Il évoque à cet égard un certain nombre d'arguments, qui tiennent en particulier à l'idée selon laquelle, en raison du surendettement, une réduction de la dette permettrait la réalisation de gains d'efficacité chez le débiteur. Cette analyse a depuis été développée et généralisée dans un certain nombre de contributions, que l'on va étudier dans la présente section.

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(2) calculée comme (ó70 362) / (40,2 39,8) = 0,0013 .

3.2.1 L'introduction de gains d'efficacité liés à la

réduction de la dette

Jusqu'à présent, nous nous sommes placés dans l'hypothèse d'un jeu à somme nulle, le fait que les débiteurs puissent gagner au rachat de dette devant conduire les créanciers à y perdre, et réciproquement, à moins bien entendu que la perte soit prise en charge par les contribuables des pays créanciers, comme dans le cas de la Bolivie. Mais dans ces conditions, l'un au moins des intervenants aura intéret à refuser l'opération, et celle ci ne pourra pas être réalisée comme solution d'équilibre de marché. Les créanciers qui cèdent leurs titres de creances ne peuvent en effet pas y perdre, puisqu'ils le font sur une base volontaire. Dans le cadre d'une solution de marché, les banques qui ne cèdent pas leurs créances peuvent éventuellement enregistrer une perte (nonobstant le problème du renoncement aux clauses de partage): cette perte éventuelle sera associée à une diminution de la valeur des créances restantes, comme conséquence de la disparition des réserves financières du débiteur. Mais dans ce cas, ces

banques auraient intéret à participer eux aussi à l'opération en vendant leurs titres de créances, ce qui ferait baisser les cours du marché secondaire. A l'équilibre, aucun créancier ne peut alors être perdant. De la même façon, on ne peut pas forcer le débiteur à racheter sa dette, sauf avec des dons affectés specifiquement à cet objet, comme dans le cas de la Bolivie.

Pour lever cette difficulté, l'idée de base consiste à ajouter dans l'analyse un élément qui fait que le jeu devient à somme variable (et donc potentiellement positive), de telle sorte que l'opération de rachat puisse être Pareto améliorante.

Le fait que le jeu puisse être à somme positive en cas de rachat n'implique toutefois pas nécessairement que celui ci sera Pareto-améliorant. Pour qu'il en soit ainsi, il faut aussi s'assurer que chacun des participants, et non pas seulement les créanciers, ou les débiteurs, y trouve un gain. Detragiache (1991) montre que, à cet égard, le problème principal avec les solutions "de marché" traditionnelles peut venir du fait qu'il n'y a pas de véritable structure de séniorité entre les différents créanciers (privés) d'un pays endetté. De la sorte, une partie des gains potentiels du rachat peut être captée par les créanciers qui s'abstiennent d'y participer, et ceci se fait au détriment du pays endetté. Si une telle structure de séniorité pouvait être établie, alors le rachat pourrait se faire à un prix "équitable" pour le débiteur, déterminé par la valeur marginale de la dette plutôt que par sa valeur moyenne. En effet, seul les détenteurs des créances marginales, situés au niveau le plus bas de la struct

ure de "séniorité", c'est à dire les créanciers qui sont payés en dernier en cas de défaut partiel, seront vendeurs sur le marché secondaire. Mais l'établissement d'une telle structure suppose en général une intervention publique ou une concertation entre les créanciers. Ainsi, on va montrer dans la suite que, dans un certain nombre de cas, l'existence d'un gain d'efficacité ne conduit pas nécessairement, en solution de marché, à une amélioration au sens de Pareto.

3.2.2 Les gains d'efficacité en l'absence de problèmes

d'information

Dans un article récent, Claessens et Diwan (1989b) généralisent considérablement le modèle de Bulow et Rogoff (1988a). Le modèle de départ est le même, à ceci près que Claessens et Diwan introduisent explicitement dans les calculs un taux d'actualisation, qui permet d'agréger des paiements présents et futurs effectués par le débiteur. Ils modélisent par ailleurs explicitement la probabilité de défaut, en considérant que le revenu courant du pays endetté est déterminé, a un aléa près, par ses capacités de production.

La première situation de jeu à somme variable envisagée par Claessens et Diwan consiste à supposer que le coefficient de captation est différent pour le créancier et son débiteur. Ceci est expliqué par Claessens et Diwan par le fait que le système bancaire peut imposer à un débiteur défaillant des pénalités qui ne constituent pas pour autant des recettes pour ses créanciers. Il s'agit en particulier du fait que, en cas de défaillance, le débiteur est supposé perdre tout accès au marché financier international pour une longue période de temps (cf. la présentation des modèles de répudiation faite dans la deuxième partie). Cette perte d'accès au système financier international constitue un coût pour le débiteur, mais ne profite en rien à ses créanciers. De la même façon, le processus de négociation déclenché par la situation de défaillance de paiement se traduit lui même par un coût pour le débiteur. Par conséquent, le rachat de dette, qui réduit la probabilité de défaillance, constitue une amélioration

de l'efficacité collective: le jeu est à somme variable, positive en cas de réduction de la dette. Cependant, selon Claessens et Diwan, le gain supplémentaire associé à cette opération de rachat bénéficie essentiellement aux créanciers, plutôt qu'au débiteur, qui ne profite en fait toujours pas du rachat de dette.

Ce dernier résultat n'est toutefois pas général. Il dépend, dans l'article de Claessens et Diwan, du fait qu'ils supposent dans cette version de leur modèle que le rachat de dette est financé entièrement par réduction de la consommation présente, plutôt que par ponction sur les avoirs du pays débiteur. Par suite, tout se passe comme si, dans ce modèle, le coefficient de captation était nul du point de vue de l'effet du rachat de dette sur le débiteur: les fonds qui sont utilisés par le débiteur pour effectuer le rachat sont, dans les termes de Froot (1989), additionnels, en ce sens que, en l'absence de rachat, les avoirs disponibles du débiteur n'auraient pas été supérieurs. L'effet du rachat pour le débiteur et pour les créanciers ne dépend alors que de la comparaison de la probabilité de non défaillance et du cours de la dette au marché secondaire (conformément à la formule de Bulow et Rogoff), c'est à dire de la comparaison entre la valeur marginale de la dette et sa valeur moyenne. Le fait que le c

oefflcient de captation soit faible du point de vue des créanciers réduit l'évaluation qu'ils font de la dette, et par conséquent la valeur moyenne de celle ci sur le marché secondaire, mais n'empeche pas pour autant que celle ci soit supérieure à la valeur marginale.

Claessens et Diwan introduisent également l'éventualité d'un taux d'actualisation différent chez le créancier et le débiteur: il y a un gain collectif du fait du rachat de la dette si le débiteur est moins impatient que le créditeur. En effet, le rachat de la dette correspond, même si c'est pour un montant plus faible que le montant contractuel, à un paiement anticipé pour le débiteur. Le débiteur profite bien entendu de ce gain, dans la mesure où le rachat le conduit à éviter des charges d'intéret qui seraient supérieures à son taux d'actualisation. Autrement dit, la valeur moyenne de la dette pour le pays endetté est inférieure à la cotation au marché secondaire, car elle est égale au produit de celle ci par le rapport des facteurs d'actualisation du débiteur et du créancier. L'intérêt pratique de ce résultat est toutefois limité, car l'hypothèse d'un taux de préférence pour le présent plus faible dans les pays endettés que chez leurs créanciers paraît tout de même peu conforme à la réalité.

Un point plus fondamental étudié par Claessens et Diwan concerne l'existence d'un effet de la réduction de la dette sur l'investissement local. Cette hypothèse, qui est également étudiée avec attention par Froot (1989) et par Helpman (1989) est à rapprocher de la théorie du surendettement, selon laquelle l'existence de charges de la dette trop importantes peut réduire l'incitation à investir.

Si le rachat de dette était financé par réduction de l'investissement plutôt que de la consommation, et se traduisait mécaniquement par une diminution de l'investissement, il ne pourrait conduire à une amélioration de l'efflcacité collective que si la productivité locale du capital était inférieure au taux d'intéret, c'est à dire si le capital était moins bien utilisé dans des investissements dans le pays endetté qu'à l'extérieur. Le rachat serait alors profitable à la fois au débiteur et à son créancier, et donc Pareto-améliorant. Dans l'hypothèse inverse, le rachat ne peut proflter au débiteur que si le coefficient de captation est élevé, ce qui rejoint le résultat de Bulow et Rogoff.

Dans le cas d'une situation de surendettement, au contraire, on admet que le rachat de dette puisse conduire à un accroissement de l'investissement. (3) Dans ce cas, le rachat de dette exerce un effet favorable pour les créanciers, parce que le pays endetté accroît sa capacité de transfert future en investissant plus. Par ailleurs, pour que le rachat de dette améliore l'efficacité collective, du fait de cet effet sur l'investissement, il faut que la productivité marginale du capital soit supérieure au taux d'intéret. Ceci correspond bien à l'hypothèse de surendettement, selon laquelle un endettement excessif réduit l'incitation à investir chez le débiteur. Toutefois, si ce gain d'efflcacité profite à coup sûr aux créanciers, il est d'un effet incertain pour le débiteur, car une partie des revenus associés à son investissement supplémentaire seront captés par le créancier en cas de défaillance. Ainsi, même si il est possible que, dans un contexte de surendettement, le débiteur gagne à réaliser un rach

at de dette, cela n'est nullement certain.

3.2.3 Introduction d'une asymétrie d'information

En matière d'asymétrie d'information, plusieurs idées complémentaires ont été avancées. Elles portent principalement sur l'asymétrie d'information entre le débiteur et ses créanciers. Dornbusch

__________________________________________________________________

(3) Claessens et Diwan (1989 b, note 26) notent toutefois que la

situation où l'effet du rachat sur l'investissement est

positif n'implique pas nécessairement que l'on soit sur la

partie décroissante de la courbe de Laffer de la dette

(situation caractéristique du surendettement, même si c'est

une condition suffisante.

(1988 b), indique que la valeur de la dette d'un pays peut ne pas être égale au flux actualisé de paiements qu'il pourra réaliser, notamment parce qu'elle pourra subir un effet de contamination, du fait d'une dégradation de la situation d'ensemble des dettes internationales. Par exemple, la Colombie n'a eu aucun accident de paiement et pourtant sa dette se traite au marché secondaire à environ seulement les 2/3 de sa valeur. Ceci pourrait venir, selon Dornbusch, du fait que le marché ne peut pas discriminer entre les bons et les mauvais payeurs. Dans de telles circonstances, les bons payeurs ont bien entendu intérêt à racheter leur dette, qui est sous évaluée par le marché secondaire. Toutefois, on peut faire remarquer que, ce faisant, ces débiteurs transmettront l'information de leur santé financière au marché secondaire, dont les cours remonteront.

Acharya et Diwan (1989) considèrent aussi cette hypothèse d'asymétrie d'information, tout en évitant la critique précédente. Ces auteurs montrent en effet que le rachat de dette par un débiteur signale sa fiabilité financière à ses créanciers. Ceci est lié au fait que seuls les débiteurs peu impatients, qui ont un taux de préférence pour le présent assez faible, auront intérêt à consacrer une partie de leurs ressources présentes pour éviter des paiement futurs de charges de la dette. Il n'y a a priori pas de gain direct du rachat pour le débiteur, qui finit par racheter sa dette à sa vrai valeur. Mais, ce faisant, le débiteur peut aussi profiter indirectement de son rachat, car il montre qu'il est fiable, et peut en retour bénéficier d'une amélioration des conditions financières qui lui sont consenties par les banques. Autrement dit, le rachat peut être utilisé par les "bons" débiteurs pour signaler aux créanciers cette qualité, et de la sorte permettre un fonctionnement plus efflcace du système de cré

dit à leur profit.

Un point de vue différent est adopté par Cohen et Verdier (1990), qui considèrent quant à eux l'hypothèse d'un rachat "clandestin". Si un débiteur peut effectuer, à l'aide d'intermédiaires agissant pour son compte sur le marché secondaire, des rachats de sa dette sans que les banques sachent qu'il est à l'origine de ce rachat, alors les banques ne sauront pas que le rachat est opéré par un "bon" débiteur, et de la sorte resteront victimes de l'asymétrie d'information. Dans le modèle de Cohen et Verdier, les banques ne tiennent pas compte au moment de la vente du fait que, ex post, la valeur des créances résiduelles aura augmenté, selon le schéma tracé par Dooley (1988 a et b), et elles perdent de la sorte à cause d'une myopie de leurs anticipations, au proflt du débiteur. Dans ce cas, une partie des gains du rachat peut être captée par le débiteur, comme cela apparaît déjà dans le modèle de Rodriguez (1989) si l'on considère un flux continu de rachat non-anticipé par les créanciers. Une condition pou

r que le débiteur gagne au rachat clandestin est toutefois que celui ci ne soit pas marginal. Pratiquement, la faisabilité d'une politique de rachat clandestin sera toutefois d'autant moins évidente que ceux ci seront réalisés à grande échelle, et seront par suite détectables par les banques.

Enfin certains auteurs traitent de la question d'une asymétrie d'information entre les différents créanciers. Ainsi Williamson (1988) introduit l'effet de l'existence de deux groupe de créanciers: des créanciers "pessimistes", qui préfèrent vendre leurs créances avec une décote, et des "optimistes" qui préfèrent les conserver. Dans une telle situation, il y a toutefois simplement un transfert entre créanciers et, comme le soulignent Claessens et Diwan (1989b), le modèle reste fondamentalement celui d'un jeu à somme nulle.

3.2.4 Introduction de l'aversion pour le risque

Dans sa discussion de l'article de Bulow et Rogoff (1988a), Dornbusch (1988b) complète leur argumentation en défaveur du rachat de dette par les débiteurs en indiquant que le rachat de dette est pour le pays endetté une opération irréversible, et par conséquent risquée. Il peut être en effet couteux pour le pays endetté d'avoir consacré une partie de ses réserves à un rachat de dette, si ces mêmes réserves lui font défaut par la suite. Dornbusch considère à titre d'exemple l'opération de rachat avec émission de bons de sortie réalisée par le Mexique en février 1988, pour laquelle ce pays a utilisé une partie de ses réserves de change, qui précisément lui ont fait défaut peu de temps après cette opération. Un pays qui rachète une partie de sa dette prend ainsi des risques, dans la mesure où le coût payé pour le rachat est certain alors que les gains et coûts futurs sont inconnus.

Cette intuition a été formalisée par Van Wijnbergen (1989). Celui ci suppose que les créanciers sont neutres vis à vis du risque, tandis que les débiteurs ont de l'aversion pour le risque. Dans ces conditions, les réserves de change que le débiteur peut dépenser dans l'opération de rachat ont pour lui une valeur d'assurance, qui n'est pas prise en compte par le marché secondaire des titres de créances bancaires. Dès lors, le rachat de la dette est défavorable pour le débiteur, qui supporte complètement le coût supplémentaire associé au fait qu'il subit un risque plus important en réduisant ses réserves de change.

On retrouve également chez Detragiache (1991) cette idée du coût supplémentaire, lié au risque subi, que supporte le débiteur si il utilise une partie de ses reserves de change pour opérer un rachat de dette. Cet auteur indique en effet que la détention de réserves de changes est préférable pour le débiteur à un rachat, même si celui ci est opéré à un prix "équitable", tant que les réserves de changes ne peuvent pas être "confisquées" pour le remboursement des charges de la dette.

3.3. Echange de dette contre actifs

3.3.1. Le principe d'équivalence avec un rachat

L'idée directrice qui est utilisée dans une grande partie de la littérature à propos de l'analyse des effets d'un échange de dette contre actifs consiste à décomposer l'opération financière étudiée en une opération de rachat de dette et une cession de capitaux propres nationaux.

Ceci est vrai en particulier chez 8ulow et Rogoff (1988a), qui considèrent l'échange de dette contre actifs comme l'équivalent d'un rachat de dette associé à une opération d'investissement direct (ou plus généralement d'achat d'actions ou de titres de propriété sur le marché financier national). Ils en concluent que l'échange de dette contre actifs ne peut pas être intéressant pour le pays endetté, ou en tout cas l'est moins qu'une simple opération d'investissement direct. La difficulté que l'on éprouve avec ce raisonnement est que la dissociation de l'investissement direct et du rachat de dette est factice: il n'est pas évident qu'un investisseur serait intéressé à s'engager dans un pays surendetté, en l'absence de l'incitation procurée par le fait que l'échange de dette contre actifs lui permet de bénéficier de la décote des titres de créance au marché secondaire, et par ce biais de réduire le coût de son investissement. L'investissement direct est peut être une meilleure solution, mais ce n'est pas

nécessairement une solution véritablement à la disposition des pays endettés. Autrement dit, Bulow et Rogoff supposent implicitement qu'il n'y a aucune additionalité dans les investissements directs associés à l'échange de dette contre actifs. Cependant, même si leur additionalité n'est jamais totale, comme le suggère par exemple Krugman (1989), elle n'est pas non plus nécessairement nulle, et l'hypothèse de Bulow et Rogoff apparaît de la sorte quelque peu extrême.

Il est par conséquent utile d'examiner plus complètement les effets à attendre d'un échange de dette contre actifs, quand on admet que l'investissement associé puisse avoir un caractère additionnel. Une condition nécessaire est alors que les modalités de l'échange soient sufflsamment attractives pour susciter des prises de participation étrangères qui n'auraient pas eu lieu autrement. Comme on va le voir, ceci aura une influence sur le prix de rachat de la dette.

3.3.2 Le prix de rachat de la dette dans une opération

d'échange contre actifs

Dans la plupart des études sur ce sujet, un résultat assez robuste des modèles est que l'échange se fait en fonction d'un prix des titres de créances qui est au mieux (du point de vue du débiteur) égal au cours du marché secondaire, et lui est en général supérieur. Les actions qui sont échangées contre les titres de créances bancaires ne peuvent pas être considérées par leurs nouveaux détenteurs comme des créances parfaitement sûres, et ne sont donc pas équivalentes pour eux à un paiement pur et simple comme dans une vente au marché secondaire. Les débiteurs n'ont par conséquent pas de gain supplémentaire à attendre, en termes d'allégement de la dette, d'un echange de dette contre actifs comparé à un rachat de dette. Ce résultat, suggéré notamment par Krugman (1989), est établi de manière formelle par Helpman (1989a).

Compte tenu de ce prix d'échange plus favorable aux créanciers, il y a aussi selon Krugman (1989) le risque que les echanges de dettes contre actifs soient purement et simplement détournés par les créanciers, ce qui conduirait alors à une perte nette de devises pour le débiteur. Dans la mesure où l'échange de dettes contre actifs revient à subventionner des investissements directs qui seraient faits dans le pays endetté par leurs créanciers, ceux ci peuvent être tentés de procéder à l'échange dans le seul but de revendre par la suite ces actifs et de rapatrier ainsi !eurs capitaux, après avoir bénéficié de la subvention.

Une analyse quelque peu différente des conditions dans lesquelles se fait l'échange de dettes contre actifs apparaît toutefois chez Goldberg et Spiegel (1989). Ces auteurs montrent tout d'abord que la séparation de l'échange de dette contre actifs en deux parties supposées indépendantes peut être abusive si le cours des actions émises sur le marché national est influencé par la réalisation d'une opération de rachat de dette. Cet effet, qui avait déjà été étudié par Helpman (1988) dans un modèle mono sectoriel, est envisagé ici par Goldberg et Spiegel dans un modèle à deux secteurs: un secteur qui est exposé aux pénalités imposées par les créanciers en cas de défaut de paiement sur la dette (par exemple le secteur exportateur) et un secteur qui ne l'est pas. Dans le cas d'un rachat de dette, le cours des actions du secteur exposé remonte, parce que le rachat de dette limite son exposition à d'éventuelles représailles de la part des créanciers. Par conséquent, l'acquisition de titres, qui constitue la de

uxième étape de l'échange de dettes contre actifs, se fera à des conditions plus avantageuses pour le débiteur, de telle sorte qu'un échange de dette contre actifs peut lui être favorable, même si le rachat de dette ne l'est pas.

3.3.3 Les effets sur la structure des paiements futurs

Un second élément de spécificité de l'echange de dette contre actifs réside dans le profll des charges financières associées à un passif sous forme d'émission de titres de propriété, comparé àu profil des charges d'un emprunt bancaire. De manière générale, on peut considérer avec Krugman (1989) que les dividendes versés à des actionnaires auront un taux de croissance positif, lié à la croissance générale de l'économie, alors que les intérets dus aux banques sont en général définis par des annuités constantes. L'échange de dette contre actifs peut par conséquent conduire à un meilleur étalement dans le temps des charges financières dues au reste du monde. Cet argument est bien entendu d'autant plus pertinent que le pays endetté considéré~ connaîtrait une crise de liquidité.

Un autre point important de discussion à propos de ces opérations d'échange de dette contre actifs concerne, dans des modèles où le débiteur a de l'aversion pour le risque, l'effet de cet échange sur la répartition des risques entre le pays endetté et ses créanciers. Cette question a été notamment étudiée par Helpman (1989a), ainsi que par Claessens et Diwan (1989b).

L'échange de dette contre actifs a pour effet de modifier radicalement les risques encourus par le créancier. Dans le cas d'un titre de créance bancaire, le revenu obtenu par le créancier est soit indépendant de la situation du débiteur, si celui ci est en mesure de faire face à ses engagements, soit déterminé par sa capacité de transfert. Dans le cas d'un actif qui prend la forme d'un titre de propriété, le créancier possède une créance contingente: en toute situation, le revenu qu'il tire de son actif dépend de la situation économique du débiteur. Ceci veut dire notamment que, si l'on observe un aléa très défavorable dans le pays endetté, celui ci ne devra payer au créancier qu'une somme faible inférieure à sa capacité de transfert. A l'inverse, dans le cas d'un aléa très favorable, le créancier recevra un revenu d'autant plus élevé que le revenu du pays débiteur le sera, et qui tendra par conséquent à dépasser le revenu généré par un titre de créance bancaire. Ces éléments sont représentés dans la f

igure 3.1, où l'on décrit les paiements effectués par le débiteur en fonction des états de la nature.

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SEGUE GRAFICO, CHE NON E' POSSIBILE RIPRODURRE IN QUESTA SEDE

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Il apparaît clairement sur ce graphique que, comparé à un créancier bancaire, le nouveau créancier prendra à son compte une plus grande partie des coûts associés aux aléas négatifs, et une plus grande partie des gains associés aux aléas positifs. De ce point de vue, l'échange de dette contre actifs peut être favorable au débiteur, et il sera rendu possible par une moins grande aversion pour le risque de la part des créanciers.

Claessens et Diwan (1989b) montrent toutefois que le raisonnement précédent n'est pertinent que dans la mesure où l'échange est total et non pas partiel. Dans le cas d'un échange partiel de titres de dette contre actifs, le débiteur conserve les plus mauvais risques à sa charge, tandis qu'il conserve aussi une partie du profit associé aux états de la nature les plus favorables, ainsi que cela apparaît à la figure 3.2. La redistribution des risques entre le débiteur et ses

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SEGUE GRAFICO, CHE NON E' POSSIBILE RIPRODURRE IN QUESTA SEDE

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créanciers conduit alors simplement à une réduction des risques subis par le débiteur dans le cas d'aléas "moyens", et peut par conséquent ne pas lui être favorable si il a une forte aversion pour le risque.

Helpman (1989a), qui étudie l'effet d'un échange marginal de dette contre actifs parvient à un résultat analogue dàns un modèle relativement général. Il montre ainsi qu'un échange marginal de dette contre actifs ne constitue pas nécessairement, pour l'ensemble des participants, une arnélioration au sens de Pareto. En particulier, I'amélioration de la situation au sens de Pareto est conditionnée par l'existence d'au moins trois états possibles de la nature, avec un état favorable dans lequel le débiteur gagnerait du fait de l'échange de dette contre actifs.

3.3.4 - Les effets macro économiques

Les échanges de dettes contre actifs font apparaître deux dangers particuliers pour le pays endetté, d'un point de vue macro economique: un danger inflationniste et un risque d'aggravation de la situation des finances publiques.

Le danger inflationniste a été souligné par de nombreux auteurs qui ont étudié les échanges de dette contre actifs. Cet écueil a en pratique conduit plusieurs pays latino américains, sensibles au risque d'hyperinflation, à renoncer finalement à de tels échanges. Le point essentiel est que l'échange de dette contre actifs modifie l'équilibre des portefeuilles dans l'économie endettée: il faut qu'une partie des actions passent des mains des résidents à des non résidents. Ceci a été étudié avec soin dans un modèle d'équilibre de portefeuille par Oks (1990), qui a montré que, à court terme, cet effet de recomposition des portefeuilles est inflationniste.

Dans le modèle de Oks, les agents privés détiennent de la monnaie, des bons du Trésor et des actions. L'échange de dette contre actifs provoque un effet transitoire d'accroissement de la demande, et donc des cours, des actions. Il y a alors une augmentation du coût d'opportunité associé à la détention de monnaie, et le marché de la monnaie est rééquilibré par un supplément d'inflation.

Le résultat final de l'échange de dette contre actifs en matière d'inflation dépend bien entendu aussi de la manière dont le gouvernement finance l'achat d'actions du secteur privé qu'il échangera contre sa dette extérieure. Si il le fait par le biais d'une émission de monnaie supplémentaire, le risque d'accroissement de l'inflation est accru d'autant. A l'inverse, si le financement est trouvé dans l'émission de nouveaux bons d'Etat, ce sont les finances publiques qui seront mises en danger. En effet, remplacer une dette extérieure, dont le coût est fixé par le marché international, par une dette interne, qui porte en règle générale un taux d'intéret nettement supérieur aux taux internationaux, revient à accroître les charges financières supportées par le budget de l'Etat. Ceci a été bien montré en particulier par Velasco et Larrain (1989).

3.4. La titrisation (bons de sortie)

3.4.1 Les gains potentiels de la titrisation pour le

débiteur

L'émission de bons de sortie, telle qu'elle a été pratiquée par exemple par le Mexique en février 1988, consiste à racheter la dette bancaire présente contre des flux de paiement futurs. De façon plus précise, les titres de créance bancaires sont échangés, avec décote, contre des obligations bénéficiant en principe d'une meilleure garantie de remboursement. Ceci suppose en général que les anciennes dettes soient considérées comme "subordonnées" aux nouveaux titres, ce qui nécessite que les créanciers initiaux acceptent de renoncer aux clauses de partage dont ils pourraient se prévaloir.

L'un des intérêts de cette technique pour les débiteurs, ainsi que le montrent Bulow et Rogoff (1988a), est que par le biais de la titrisation un pays rachète sa dette à un prix qui peut descendre jusqu'a sa valeur marginale, plutôt qu'à sa valeur moyenne. Il n'y a donc pas d'effet direct du rachat par émission de bons de sortie sur le prix du marché secondaire auquel sont échangés les titres de créances bancaires. Claessens et Diwan (1989b) en concluent que l'émission de bons de sortie a plus de chances qu'un rachat pur de constituer une amélioration au sens de Pareto, en profitant au débiteur comme aux aéanciers, parce que dans ce cas là le seul effet qui demeure est l'effet éventuel en termes d'incitation à l'investissement par réduction du surendettement.

La démonstration de Bulow et Rogoff (1988a) repose sur le simple fait que, dans le cas d'une émission de bons de sortie, les créanciers qui ne participent pas à l'échange deviennent détenteurs de créances subordonnées aux nouvelles obligations émises. De la sorte, contrairement à ce qui se passe dans le cas d'un rachat, l'opération qui est envisagée ici ne pousse pas vers le haut le prix auquel la dette est échangée. De manière plus précise, si l'on appelle N la valeur faciale des nouvelles obligations, échangée contre une quantité X (supérieure à N) d'anciennes créances, la condition pour que les créanciers qui conservent leurs créances soient indifférents est que:

[v(D + N X) v(N)] / (D X) = v(D)/D

A la limite, si l'ensemble de la dette est échangée contre de nouvelles obligations (D X tend vers zéro), la réduction de la dette est maximale pour le débiteur, et celle ci échangée exactement à sa valeur marginale:

v(D)/D--> v'(N) quand D X > 0

De la sorte, et l'on rejoint là l'analyse de Detragiache (1990), la création d'une structure de séniorité entre les créanciers permet au débiteur de bénéficier d'un meilleur traitement lors de l'échange de ses dettes.

Froot (1989) montre par ailleurs que l'émission de bons de sortie permet d'éviter les problèmes de concertation qui peuvent être associés à un opération d'annulation de la dette, au cours de laquelle chacun a intérêt à éviter de participer tout en espérant retirer des gains éventuels du fait de l'annulation accordée par d'autres. Il y a un gain à partager pour peu que la réduction de dette soit dans l'intérêt collectif des créanciers, c'est à dire dans son modèle que le débiteur se trouve sur la partie décroissante de la courbe de Laffer de la dette, mais, ce gain ne se concrétisera dans le cas d'une émission de bons de sortie que si tous les créanciers acceptent la subordination des anciennes créances aux nouvelles. Rester en dehors de l'accord est donc une stratégie qui ne peut procurer aucun bénéfice. Par contre, le fait d'accepter que les nouvelles créances émises bénéficient d'un statut de séniorité constitue pour chaque créancier individuel une stratégie dominante: si les créanciers acceptent que

les anciennes créances soient subordonnées aux nouvelles, alors il y aura effectivement réduction de la dette et déplacement du pays vers la droite sur la courbe de Laffer de la dette, ce qui permet d'enregistrer une amélioration de la valeur des créances. La subordination des anciennes créances aux nouvelles assure que ce gain soit partagé de manière équitable entre les créanciers qui décident de conserver leurs créances et ceux qui préfèrent les échanger.

3.4.2 Les difficultés de mise en oeuvre

La difflculté rencontrée par le Mexique dans son émission de bons de sortie était le manque de crédibilité, pour les investisseurs, de la promesse faite par ce pays d'accorder une priorité aux nouvelles obligations émises pour le paiement du principal et des intérêts. Dans de telles circonstances, il faut envisager, pour assurer une garantie de paiement sur les obligations émises, de procéder à un nantissement sous forme d'acquisition et de gel, par le débiteur, d'instruments financiers étrangers réputes sans risque. Un tel nantissement a été pratiqué par le Mexique, mais uniquement pour le paiement du principal, et pas celui des intérêts.

Quand l'émission de bons de sortie est entièrement couverte par un nantissement d'actifs financiers, celle ci est en fait équivalente à un pur rachat de dette, financée par les avoirs financiers détenus en propre par le débiteur. En effet, dans de telles circonstances, on doit considérer que le rachat, implicite dans l'opération de titrisation, est financé à l'aide de ressources présentes, et non plus futures, du pays débiteur. Ceci est montré en particulier par Dooley (1988b) qui, dans un modèle simplifié, arrive à la conclusion que le prix de rachat de la dette bancaire par le biais d'une émission de bons de sortie, bénéficiant d'une garantie par nantissement d'actifs financiers, est exactement égal au prix de rachat pur.

Il est intéressant, pour la suite de notre propos, de noter qu'une manière alternative d'assurer la séniorité des nouvelles obligations est de faire en sorte que celles ci soient en fin de compte détenues par un ou des créanciers bénéficiant d'un statut de créancier privilégié. D'une certaine manière, c'est un peu comme cela que l'on peut interpréter l'intérêt suscité par le plan Brady, que l'on va étudier dans la partie suivante. Dans les accords souscrits sous couvert de l'initiative Brady, les banques acceptent d'échanger avec décote leurs créances contre de nouvelles obligations, tandis que la 8anque Mondiale et le Fonds Monétaire International, réputés être des créanciers privilégiés (ces institutions n'admettent pas le rééchelonnement ou des arriérés sur leurs créances), accroissent leurs concours au pays endetté, pour financer le nantissement qui vient garantir le remboursement futur des détenteurs de nouvelles obligations.

 
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