de Michel HancisseSOMMAIRE: Dans cet article, Michel Hancisse, membre du Conseil Fédéral du Parti radical, réintroduit dans le débat sur l'introduction de la procédure référendaire dans l'ordre institutionnel belge, un certain nombre d'arguments "radicaux". En particulier il y plaide en faveur de l'introduction du référendum d'abrogation qui n'implique pas, notamment, de risques de dérive poujadiste.
(LE SOIR - Bruxelles - 26 décembre 1992)
Sans réserve vraiment, on peut souscrire à l'analyse que font Jérome Sohier et Marc Uyttendaele sur les dangers d'un référendum comme en Suisse ou de la consultation à la francaise: risque d'une opinion manipulée, une sorte de poujadisme, l'inexistance d'une solution alternative au projet visé.
Mais il en va tout autrement dans le cas du référendum d'abrogation: référendum d'initiative populaire par excellence, il ne vise que l'abrogation d'une loi ou d'une partie de loi existante. Dans ce système le role du Parlement est renforcé, puisqu'il appartient au législateur, si la loi est abrogée, de légiférer à nouveau.
Ainsi il ne peut etre question de bloquer un projet - comme celui de la réforme de l'Etat - avant meme qu'il ne soit voté. Rien n'interdit que plusieurs référendums soient proposés en meme temps et portant sur le meme sujet: aux électeurs de se déterminer ! Rien n'interdit non plus au Parlement de modifier la loi visée avant le vote référendaire, ce qui le rend caduc. Dans ce cas le débat à travers le pays aura joué comme un formidable levier de pression auprès de la classe politique.
Sans doute faut-il prévoir des garde-fous stricts: évaluation et rejet si nécessaire de la Cour d'Arbitrage - ou mieux d'une Cour Constitutionnelle - de toute demande de référendum contraire à la Consitution et portant atteinte aux libertés et droits de l'homme; un nombre minimum de signataires électeurs proposant le référendum; un temps suffisant à l'obtention du quorum de signatures nécessaires; des garanties quant à l'organisation d'un débat démocratique.
Ainsi le référendum d'abrogation, d'initiative populaire, peut contribuer à renforcer le régime de la démocratie représentative. Entre le peuple et ses représentants se développe un espace d'initiatives et de dialogue qui peut se révèler fructueux afin de retrouver une confiance bien souvent perdue. Situation dont profite l'extreme droite principalement, et aussi la particratie qui occupe et gangrène tout l'Etat. L'on pourrait meme complèter le dispositif avec l'introduction de la proposition de loi d'initiative populaire, qui soumise au Parlement par un nombre d'électeurs minimum, obtiendrait l'urgence pour y etre examinée, tel un projet de loi gouvernemental.
Cette réforme pourrait etre facilement introduite indépendamment dans chacune des trois régions, mais la portée en resterait très limitée. Au niveau de l'Etat, ce serait souhaitable et nécessaire, puisque la majorité des lois et la Justice sont fédérales.
A ceux qui pensent que le référendum exacerberait les passions communautaires, on peut répondre que le référendum d'abrogation consacre le dernier mot au parlement et donc permet des réponses complexes à des situations complexes, comme dans le cas du fédéralisme en Belgique. Par exemple, si le projet actuel, devenu loi, est abrogé, il appartient toujours au Politique de trouver une solution alternative, meme si des votes différents sont enregistrés dans les différentes parties du pays.
Ce moyen de démocratie permet d'éclairer la classe politique sur ce que veulent ou non les gens, et meme d'accélérer bien souvent la prise de décision, de permettre des réformes urgentes et une certaine qualité du débat.
Le risque sera toujours celui de la démocratie.