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Partito Radicale Centro Radicale - 24 gennaio 2000
UE/Reforme des institutions: article du Commissaire Barnier

JACQUES DELORS N'A PAS ENCORE RAISON

par Michel Barnier

Michel Barnier, ancien ministre, est membre de la Commission européenne, chargé de la réforme des institutions et de la politique régionale.

Le Monde, samedi 22 janvier 2000

Avec l'autorité et la lucidité que chacun lui reconnaît, Jacques Delors vient d'ouvrir un débat salutaire sur l'avenir de l'Europe, le rôle et les limites de l'Union ( Le Monde du 19 janvier). Quelques jours avant que la Commission européenne ne se prononce, sous l'impulsion de son président, Romano Prodi, sur la nécessaire réforme des institutions, je veux participer à ce débat. Et dire à Jacques Delors que je ne me résigne pas à ce que l'élargissement de l'UE à l'Est porte un coup d'arrêt définitif au projet d'une Europe sans cesse plus unie, fidèle à ce qu'avaient imaginé et voulu ses » pères fondateurs de l'après-guerre.

L'UE va, c'est un fait, accueillir dans les prochaines années de nouveaux pays membres appartenant à l'Europe centrale, orientale, baltique ou méditérannéenne. Ils veulent nous rejoindre et nous voulons les accueillir. Qu'avons-nous à leur offrir aujourd'hui ? Le grand marché européen, bien sûr - sa force, ses lois et ses contraintes. Mais aussi , un système institutionnel qui a vieilli, une maison commune créée pour six Etats, maintenant aménagée pour quinze, et dans laquelle, à trente, on ne pourra plus guère travailler et construire. Ce serait une cruelle ironie pour des pays qui, longtemps oppressés derrière le rideau de fer, ont rêvé l'Europe autrement.

Faut-il, pour autant, abdiquer l'ambition de rénover la maison commune, et inventer dès maintenant à quelques-uns - et lesquels ? - une fédération d'Etats-nations, comme le recommande Jacques Delors ? Je crois que ce jour-là n'est pas venu, car il n'est pas encore prouvé - même si le risque existe - que l'Union élargie ne pourra pas fonctionner et sera réduite à un grand ensemble disparate et mou, où toute volonté politique serait bloquée et diluée.

Pour éviter cela, nous avons en effet une toute dernière chance : la Conférence intergouvernementale de révision des institutions européennes, qui s'ouvrira le 14 février. C'est vraiment à l'issue de cette conférence que l'on saura si, oui ou non, Jacques Delors avait raison de penser qu'il est trop tard, et que l'Europe, décidément, préfère les petits pas aux grands travaux.

Trois points apparaissent, d'ores et déjà, comme les clés de cette négociation, et comme autant d'éléments d'une réponse. Tout d'abord, dans une Europe élargie qui sera, logiquement, la proie de forces centrifuges plus nombreuses, la Commission européenne pourra-t-elle continuer à incarner la cohérence et l'unité du projet européen ?

Cela tiendra, pour beaucoup, on le sait, au nombre de ses membres. Chacun sait que l'on avance moins vite, et moins bien, à trente plutôt qu'à six. Ce n'est pas une question de personnes mais de nombre. Or, en conservant le système actuel (deux commissaires pour les Etats les plus peuplés, un seul pour les autres), la Commission européenne compterait trente-cinq membres après l'entrée dans l'Union des pays actuellement candidats ! Avec un seul commissaire par Etat membre, ce sont tout de même vingt-huit personnes qui devraient, de manière collective, réfléchir et décider. Comment faire naviguer un tel équipage et lui faire désigner un cap d'un commun accord ?

C'est pourquoi la limitation, voire la diminution, du nombre des commissaires m'apparaît comme indispensable pour sauver l'idée même qui fonde l'existence de la Commission européenne : celle d'une instance indépendante mais aussi collégiale, et donc cohérente. Comment ? Rien n'est simple. On sait l'idée facile, qui aboutirait à la désignation d'un commissaire issu de chaque Etat membre. Je pense qu'en instaurant une rotation sur un pied d'égalité entre tous les pays qui participent à la désignation des commissaires européens, il serait possible, sans spolier aucun Etat, quelle que soit sa taille, de composer une Commission de vingt membres et de préserver sa collégialité.

Deuxième clé, plus importante encore : comment les Etats pourront-ils s'accorder entre eux, au sein du Conseil des ministres de l'Union ? L'Europe, prête à s'agrandir à nouveau, doit aujourd'hui franchir un pas de plus et accepter de faire de la prise de décision à la majorité qualifiée sa règle de vie commune, l'unanimité devenant réservée à des domaines précis (par exemple les dispositions institutionnelles fondamentales).

Cette question est très liée à la manière dont l'importance démographique des Etats membres se trouvera reflétée dans ce système complexe, mais indispensable, qui fait que les pays les plus peuplés ne pèsent pas du même poids au cours des votes que les Etats qui le sont moins. La conférence devra trancher, ou imaginer d'autres systèmes associant, par exemple, la majorité des Etats à celle des peuples européens.

Enfin, dernière clé de la conférence intergouvernementale, comment s'effectueront les coopérations renforcées, ces avant-gardes de plusieurs Etats qui décident d'aller de l'avant ensemble, plus vite et plus loin que les autres, dans certains domaines ? Car de telles coopérations auront lieu ; là n'est plus la question. Mais cette démarche doit être aidée et certaines entraves ôtées afin que ces coopérations se fassent à l'intérieur de l'UE selon des règles définies en commun : sinon, il faut croire et craindre qu'elles ne s'organisent à l'extérieur.

Par ailleurs, le champ de la négociation paraît s'ouvrir déjà à d'autres questions : comment peut-on réorganiser les traités européens de façon plus claire, plus compréhensible par l'opinion ? Doivent-ils, pour cela, se nourrir d'une charte définissant les droits fondamentaux de la personne humaine ? Que faire pour contribuer à faire sortir des limbes la politique européenne en matière de sécurité et de défense, dont l'actualité relève régulièrement l'insuffisance ?

A l'évidence, la conférence intergouvernementale ne pourra s'en tenir à deux ou trois sujets. Au risque de surprendre, je ne crois pas qu'il faille s'en plaindre. Car plus il y aura de points discutés par la conférence intergouvernementale, plus il y aura de place pour un résultat équilibré, qui ne laisse à personne le sentiment de rester sur le bord du chemin.

Bien davantage, dans ces conditions, j'ai confiance dans l'issue de cette conférence : précisément parce qu'elle est la dernière chance pour l'Europe et que les réformes indispensables ne peuvent sous aucun prétexte être remises à plus tard. Paradoxal gage de succès - mais en cinquante ans, l'Europe a souvent avancé comme cela, d'un bond, » à chaud , sous la pression. Aujourd'hui, la perspective de l'élargissement constitue à elle seule une obligation de réussir, interdisant à quiconque se dit Européen de se laisser gagner par le scepticisme. Le succès dépendra, bien sûr, des contributions de chacun : je ne doute pas que les hommes d'Etat qui auront cette année la charge de conduire l'Europe sauront assumer des choix peut-être exigeants ou difficiles.

 
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