Radicali.it - sito ufficiale di Radicali Italiani
Notizie Radicali, il giornale telematico di Radicali Italiani
cerca [dal 1999]


i testi dal 1955 al 1998

  RSS
ven 28 feb. 2025
[ cerca in archivio ] ARCHIVIO STORICO RADICALE
Conferenza Tibet
Colombo Emilio - 16 settembre 1995
Le statut historique du Tibet (version intégrale)

UNPO - Unrepresented Nations and Peoples Organisation

Bureau du Secrétaire général

Prise de position de M. MICHAEL van WALT van PRAAG, Secrétaire général de l'UNPO, devant la Commission des Affaires étrangères du Parlement de la République fédérale allemande

Audition sur le Tibet, le 19 juin 1995

(texte traduit de l'anglais en français par Les Amis du Tibet-Belgique)

Le Tibet est en voie de disparition. Les choses vont très vite sur le Toit du Monde et l'évolution y prend un tour tel qu'elle risque d'entraîner des changements majeurs qui affecteront non seulement les Tibétains et les Chinois, mais la région tout entière et l'équilibre des forces dans le monde.

Le Tibet n'est pas, et n'a jamais été un romantique 'pays de lamas' ou un "Shangri-La". Le Tibet est un pays immense, égal au quart de la superficie actuelle de la République populaire de Chine. Il est aussi grand que l'Inde, l'Arabie Saoudite ou l'Europe occidentale sans la Scandinavie. Le Tibet est une zone stratégique de la plus haute importance au coeur de l'Asie, au point de rencontre des géants du Continent asiatique. Aussi le Tibet a-t-il une grande importance, beaucoup plus grande que celle qu'on lui accorde généralement.

Je parlerai brièvement ici du statut du Tibet. Le problème est important parce qu'il permet d'examiner le bien-fondé de la présence chinoise au Tibet, et à partir de là, de répondre à certaines questions. Le Tibet est-il une affaire intérieure purement chinoise qui relève de la souveraineté de la Chine? Qui d'autre le Tibet regarde-t-il? Le sort du Tibet et des Tibétains est-il une affaire internationale, dont la communauté internationale doit se préoccuper de bon droit?

La prétendue souveraineté de la Chine sur le Tibet est le problème central de la "Question tibétaine". Cette "Question" n'est pas, contrairement à ce que croient certains, une affaire de droits de l'homme, de droits religieux ou de droits des minorités. Les violations des droits de l'homme et la destruction du patrimoine culturel au Tibet, quelque graves qu'elles soient, ne sont que les symptômes d'un problème plus profond. Le vrai, le seul problème, tant pour la Chine que le Tibet, est celui de la légitimité de la présence chinoise au Tibet. Aussi longtemps que cette question n'aura pas été tranchée, toutes les tentatives de résoudre le tragique problème tibétain resteront vaines.

Il est donc essentiel d'établir de quel droit, si tant est qu'il y en ait un, la Chine prétend à la souveraineté sur le Tibet.

La Chine justifie sa présence au Tibet par deux arguments: premièrement, le Tibet a toujours fait partie de la Chine; deuxièmement, le Tibet était un pays économiquement et socialement sous-développé.

La détermination du statut juridique du Tibet en 1950, à la veille de l'invasion communiste chinoise, nécessite une étude approfondie de l'histoire et une analyse consciencieuse des faits. La première partie du présent exposé en donne un résumé.

La conclusion est claire: le Tibet, avant son occupation par la Chine -pratiquement complète dès 1951- était un Etat indépendant en fait et en droit. Il en découle que le statut actuel du Tibet est celui d'un Etat illégalement occupé. N'importe quel touriste visitant le Tibet arrive d'ailleurs à la même constatation.

Il est cependant utile de passer en revue les principaux moments de l'histoire tibétaine ainsi que les arguments avancés par la République populaire de Chine pour justifier sa thèse que le Tibet fait, depuis des siècles, partie intégrante de la Chine.

PREMIERE PARTIE: Le statut du Tibet

Le gouvernement tibétain en exil et son chef, le Dalaï-Lama, ont toujours affirmé que le Tibet est illégalement occupé par la Chine depuis que la République populaire de Chine a envahi cet Etat indépendant en 1949/50. Pour sa part, la République populaire de Chine (RPC) maintient que ses relations avec le Tibet sont une affaire purement intérieure, vu que le Tibet fait partie intégrante de la Chine depuis des siècles. Si la question du statut du Tibet est fondamentalement une question juridique, elle a pourtant un aspect directement politique.

La RPC ne prétend pas à la souveraineté sur le Tibet en vertu de sa conquête et occupation militaires du Tibet après l'invasion de 1949/50. Elle le pourrait du reste d'autant moins qu'elle-même rejette catégoriquement comme illégale toute prétention de souveraineté de la part d'autres Etats qui soit fondée sur la conquête ou l'occupation territoriales ou l'imposition de traités injustes. Non: la RPC fonde exclusivement sa prétention de souveraineté sur la thèse que le Tibet est devenu partie intégrante de la Chine il y a sept cents ans, et qu'il l'est resté depuis.

Histoire ancienne

Si les premières traces historiques d'un Etat tibétain remontent à 127 ans avant notre ère avec l'établissement de la dynastie des Yarlung, le Tibet tel que nous le connaissons, a été unifié au VIIe siècle de notre ère par le roi Song-tsen Gampo et ses successeurs. Pendant les trois siècles suivants, le Tibet a été une des plus grandes puissance d'Asie, comme l'attestent l'inscription qui se trouve sur une colonne au pied du Potala et les Annales chinoises de l'époque Tang. Un traité de paix formel conclu entre la Chine et le Tibet dans les années 821-823 fixe le tracé des frontières entre les deux pays et donne l'assurance que "entre les deux pays, il n'y aura ni fumée ni poussière". Les deux parties promettent solennellement que "la grande ère où les Tibétains seront heureux au Tibet, et les Chinois, heureux en Chine ne connaîtra jamais de changement".

Influence mongole

Au XIIIe siècle, alors que l'empire mongol de Gengis Khan s'étendait progressivement vers l'Europe à l'ouest, et vers la Chine à l'est, les dirigeants tibétains de la puissante école Sakya du Bouddhisme tibétain conclurent un accord avec le Khan mongol Ghoden en vue d'éviter la conquête du Tibet. Le Lama tibétain fit promesse de loyauté politique et de bénédiction et enseignements religieux en échange du patronage et de la protection du Khan mongol. L'aspect religieux de cette relation prit une importance telle que lorsque, plusieurs décennies plus tard, Kubilaï Khan s'empara de la Chine et y établit la dynastie Yuan (1279-1368), il invita le Lama Sakya à devenir Précepteur impérial et Pontife suprême de son empire.

La relation qui s'est nouée entre les Mongols et les Tibétains, et qui a survécu jusqu'au XXe siècle, est l'expression d'une étroite affinité raciale, culturelle et religieuse entre deux peuples d'Asie centrale. L'Empire mongol était un empire mondial, mais quelle qu'ait été par ailleurs la relation entre les dirigeants de cet empire et les Tibétains, les Mongols n'ont jamais, d'aucune manière, fusionné l'administration de la Chine et celle du Tibet. En fait, il ressort des études les plus récentes des sources historiques chinoises que, contrairement à ce que prétend la propagande chinoise, les empereurs mongols Yuan ne considéraient pas le Tibet comme faisant partie de leur empire.

Le Tibet a rompu ses liens politiques avec l'empereur Yuan en 1350, dès avant que la Chine se libérât du joug mongol. A partir de ce moment et jusqu'au XVIIIe siècle, le Tibet ne subit plus aucune influence étrangère.

Relations de voisinage avec les Mandchous, les Ghorkas et les Britanniques

Le Tibet n'a pas eu de liens politiques avec les empereurs de la dynastie Ming (1368-1644). L'histoire dynastique officielle des Ming, le Ming Shi, reconnaît en fait l'autorité du Dalaï-Lama sur les "étrangers des pays de l'Ouest". Pour sa part, le Dalaï-Lama, qui avait établi son pouvoir sur le Tibet en 1642 avec l'aide d'un protecteur mongol, Gushri Khan, maintint des relations très étroites avec divers princes mongols. Il noua également, en 1639, des liens religieux très étroits avec le premier empereur mandchou ainsi qu'avec son successeur, Shunzi, qui soumit la Chine et y établit la dynastie des Qing (1644-1911). Le Dalaï-Lama accepta de devenir le guide spirituel de l'empereur mandchou en échange de son patronage et sa protection. Cette relation entre 'prêtre et protecteur' (en tibétain, Choe-Yoen), semblable à celle que le Dalaï-Lama entretenait avec un certain nombre de princes mongols et de nobles tibétains, a été l'unique lien formel qui ait jamais existé entre les Tibétains et les Mandchous sous

la dynastie Qing. Comme telle, cette relation n'affectait absolument pas l'indépendance du Tibet.

Au niveau politique, quelques puissants empereurs mandchous ont su exercer une certaine influence politique au Tibet. C'est ainsi qu'entre 1720 et 1792, les empereurs Kangxi, Yong Zhen et Quianlung ont envoyé à quatre reprises des troupes impériales au Tibet pour protéger le Dalaï-Lama et les Tibétains, tantôt contre des invasions étrangères, de Mongols ou de Ghorkas, tantôt contre des troubles intérieurs. Ces expéditions ont permis à l'empereur d'établir son influence au Tibet. Il a envoyé des représentants à Lhassa, la capitale du Tibet, dont certains sont, en son nom, intervenus avec succès auprès du gouvernement tibétain, surtout dans le domaine des relations extérieures. A l'époque de la plus forte influence mandchoue au Tibet, celui-ci se trouvait dans une situation analogue à celle qui peut s'établir entre une superpuissance et un pays satellite ou un protectorat, c'est à dire une situation qui, bien que politiquement significative, ne met pas fin à l'existence indépendante de l'Etat le plus faible.

Cet état de choses a duré quelques décennies. Le Tibet n'a jamais été incorporé dans l'Etat mandchou et encore moins intégré à la Chine, et il a continué de gérer pratiquement seul ses relations avec les pays voisins. Cela ne signifie pas que les empereurs mandchous n'ont pas eu une influence considérable au Tibet: selon la personnalité et l'habilité de leurs représentants à Lhassa (les Ambans), ils ont effectivement exercé, pendant de brèves périodes, une influence décisive sur la composition et les décisions du gouvernement tibétain.

L'influence mandchoue, quelle qu'ait pu en être l'ampleur à certains moments, n'a pas duré longtemps. Elle s'était déjà totalement dissipée en 1904, lorsque les Britanniques, après une très courte occupation de Lhassa, signèrent un traité bilatéral avec le Tibet, la 'Convention de Lhassa'. Malgré sa perte d'influence, le gouvernement impérial de Pékin persista à revendiquer une certaine autorité sur le Tibet, particulièrement en matière de relations extérieures, autorité que le gouvernement britannique décrit par le terme de 'suzeraineté' dans ses contacts avec Pékin et St.-Petersbourg.

L'armée impériale chinoise tenta d'ailleurs de rétablir l'influence de l'empereur au Tibet en envahissant le pays et en occupant Lhassa. Le Dalaï-Lama chercha refuge en Inde britannique et ne revint à Lhassa qu'après que les troupes chinoises en eurent été chassées. Après la révolution de 1911 en Chine et la déposition de l'empereur mandchou, les troupes impériales se rendirent à l'armée tibétaine et furent rapatriées en vertu de deux traités de paix sino-tibétains, d'août et décembre 1912, respectivement, Le Dalaï-Lama réaffirma l'indépendance pleine et entière du Tibet, vis-à-vis de ses sujets par une proclamation (de 1913), et vis-à-vis de l'extérieur par des communications à des chefs d'Etat étrangers, notamment, britannique, russe et chinois, ainsi que par un traité avec la Mongolie.

Le Tibet au XXe siècle

Le statut qu'avait le Tibet après l'expulsion de l'armée mandchoue n'est pas réellement contesté. Les liens entre les Dalaï-Lamas et les empereurs mandchous de la dynastie Qing ont été rompus par la déposition de l'empereur et la disparition de la dynastie. Entre 1911 et 1950, le Tibet a su se garder de toute influence étrangère indue, et il s'est comporté à tous égards comme un Etat pleinement indépendant. A la veille de l'invasion chinoise, qui a débuté en 1949, le Tibet possédait tous les attributs d'un Etat indépendant au sens du droit international, à savoir, un territoire, un peuple occupant ce territoire, et un gouvernement capable d'établir des relations avec d'autres Etats. Le Tibet avait sont propre chef d'Etat, son propre système de gouvernement, son propre système judiciaire, ses propres impôts, sa propre monnaie, son propre service postal (et ses timbres), son propre ministère des Affaires étrangères et sa propre armée.

Le Tibet entretenait des relations diplomatiques avec le Népal, avec le Bhoutan et, de façon très restreinte, avec la Mongolie et la Russie. Il a entretenu des relations diplomatiques très complètes avec la Grande-Bretagne et ensuite avec l'Inde indépendante. Ses relations avec la Chine sont restées tendues. Les Chinois menaient une guerre des frontières contre le Tibet, et le président de la République chinoise a enjoint à plusieurs reprises le Tibet (et le Népal) à "se joindre" à la République chinoise, confirmant par là que le Tibet ne faisait pas du tout partie de la Chine. Cela n'a pas empêché la Chine de faire croire en même temps au reste du monde que le Tibet était déjà une des 'cinq races' de la Chine.

Dans le but de dissiper les tensions sino-tibétaines, le gouvernement britannique a, sur initiative du Dalaï-Lama, convoqué une conférence tripartite à Simla en 1913, à l'occasion de laquelle les trois Etats se sont rencontrés en égaux. Ainsi que le représentant britannique l'a rappelé à son homologue chinois, le Tibet participait à la conférence comme "Etat indépendant ne reconnaissant aucune allégeance vis-à-vis de la Chine". La conférence fut un échec dans la mesure où elle n'a pas résolu le différend entre la Chine et le Tibet. Fait significatif, toutefois, l'amitié anglo-tibétaine a été confirmée par la signature de traités bilatéraux relatifs aux échanges commerciaux et à la sûreté des frontières. Dans une Déclaration commune, le Tibet et la Grande-Bretagne s'engagent à ne reconnaître aucun droit de suzeraineté ni aucun autre droit à la Chine sur le Tibet si la Chine refusait de signer la Convention de Simla, qui devait garantir les frontières extérieures du Tibet, son intégrité territoriale et son a

utonomie pleine et entière. La Chine n'a jamais signé la Convention, de sorte que les termes de la 'Déclaration commune' anglo-tibétaine sont toujours en vigueur. La Conférence de Simla implique la reconnaissance, tant par la Grande-Bretagne que par la Chine, du Tibet comme Etat souverain et de sa capacité de négocier et signer des traités en toute indépendance et à l'égal d'autres Etats souverains.

Le Tibet a conduit ses relations internationales principalement en traitant avec les missions diplomatiques britannique, chinoise, népalaise et bhoutanaise à Lhassa, mais il a aussi envoyé des délégations à l'étranger. Après l'accession de l'Inde à l'indépendance, une mission Indienne a pris la place de la mission britannique à Lhassa. Le gouvernement indien a envoyé la communication suivante au gouvernement du Tibet: "Le gouvernement de l'Inde serait heureux de recevoir l'assurance que le gouvernement tibétain a bien l'intention de poursuivre les relations sur les bases existantes jusqu'à ce que de nouveaux accords aient pu être pris concernant les affaires que chaque partie souhaite traiter. Telle est la procédure adoptée par tous les pays signataire des traités avec le gouvernement de Sa Majesté britannique dont l'Inde a hérité."

Pendant la deuxième guerre mondiale, le Tibet est resté neutre, et ceci, en dépit des fortes pressions de la part des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de la Chine qui souhaitaient faire passer des transports militaires par son territoire. Si le Tibet avait réellement fait partie de la Chine, comme la RPC le prétend, il lui eût été impossible de proclamer sa neutralité dans une guerre à laquelle la Chine prenait part, et cette neutralité n'aurait du reste pas été respectée par les puissances ennemies.

Si le Tibet n'a pas eu de relations internationales étendues, les pays avec lesquels il avait de telles relations, ont toujours traité le Tibet à l'égal de n'importe quel Etat souverain. C'est ainsi que le Népal, lorsqu'il a sollicité son admission aux Nations Unies, a invoqué ses traités et relations diplomatiques avec le Tibet comme preuve de ce qu'il possédait bien la personnalité juridique internationale. Même le dernier chef de mission chinois à Lhassa, Shen Zonglian, invité par le gouvernement tibétain à quitter le Tibet lorsque les Communistes prirent le pouvoir en Chine et que Mao Tsedong annonça son intention de "libérer" le Tibet, a reconnu que "depuis 1911, Lhassa (c'est-à-dire, le Tibet)" avait été "pleinement indépendante à tous égards".

L'invasion du Tibet

L'histoire du Tibet arrive à un tournant décisif en 1949, lorsque l'armée populaire de libération de la RPC pénètre au Tibet. Ayant vaincu la petite armée tibétaine et occupé la moitié du pays, le gouvernement chinois force alors, en mai 1951, le gouvernement tibétain à signer un "Accord en Dix-Sept Points pour la Libération Pacifique du Tibet". Signé sous la contrainte (l'invasion du Tibet était commencée, l'armée tibétaine était vaincue, la Chine menaçait de marcher sur Lhassa si les Tibétains refusaient de signer), ledit accord est dépourvu de toute validité en droit international: il est nul ab initio. En effet, vu la présence de 40.000 soldats chinois au Tibet et le risque d'oblitération totale de l'Etat tibétain, les ministres tibétains n'avaient guère d'autre choix que de signer. Du reste, le Dalaï-Lama a répudié ce traité dès qu'il a eu la liberté de le faire, c'est-à-dire dès son arrivée en Inde en 1959.

CONCLUSION

Le Tibet, à la veille de l'invasion chinoise en 1949, était un pays tout à fait indépendant. Il avait derrière lui 2.000 ans d'histoire connue au cours de laquelle il ne s'est trouvé sous influence étrangère que pendant de courtes périodes, au XIIIe et au XVIIIe siècles. Très peu d'Etats aujourd'hui indépendants pourraient en dire autant. En fait, comme l'a fait remarquer lors des débats de l'Assemblée générale sur le Tibet (1961) le ministre irlandais Frank Aiken (qui fut ambassadeur d'Irlande auprès des Nations Unies avant de devenir ministre des Affaires étrangères): "... pendant des milliers d'années, et pendant au moins deux mille ans, (le Tibet) a été aussi indépendant et aussi maître de ses propres affaires que n'importe lequel des pays présents, et infiniment plus libre de gérer ses affaires que beaucoup des Etats représentés ici".

Lors des débats aux Nations Unies (en 1959, 1960, 1961 et 1965), beaucoup de pays ont de même fait des déclarations exprimant leur reconnaissance de l'indépendance du Tibet. Ainsi par exemple, le délégué des Philippines a déclaré: "Il est clair qu'à la veille de l'invasion de 1950, le Tibet n'était pas assujetti à un pays étranger...". Le délégué de la Thaïlande a rappelé que la majorité des Etats "rejettent la prétention que le Tibet fait partie de la Chine". Les Etats-Unis se sont joints à la plupart des autres membres de l'ONU pour condamner "l'agression" et "l'invasion" du Tibet. En 1959, en 1961 et à nouveau en 1965, l'Assemblée générale a voté des résolutions (1353 (XIV), 1723 (XVI) et 2079 (XX) condamnant les violations des droits de l'homme commises par les Chinois au Tibet et appelant ce pays à respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales du peuple tibétain, notamment, son droit à l'autodétermination.

D'un point de vue juridique, le Tibet n'a jamais perdu sa qualité d'Etat. Le Tibet est un Etat indépendant qui est occupé illégalement. Ni l'invasion armée par la Chine ni l'occupation persistante du Tibet par l'ALP n'ont eu pour effet de transférer le titre de souveraineté du Tibet à la Chine. Ainsi qu'on l'a dit, le gouvernement chinois n'a jamais prétendu avoir acquis un titre de souveraineté sur le Tibet par voie de conquête. Au contraire, la Chine reconnaît que (sauf circonstances exceptionnelles précisées par la Charte des Nations Unies) l'usage de la force, la menace armée, l'imposition d'un traité inéquitable et l'occupation illégale d'un pays ne sauraient d'aucune manière conférer un quelconque droit territorial à l'envahisseur. La Chine fonde sa revendication territoriale exclusivement sur le prétendu assujettissement du Tibet par quelques-uns des plus puissants maîtres étrangers de la Chine aux XIIIe et XVIIIe siècles. Jamais une telle argumentation, uniquement fondée sur la réinterprétation fal

lacieuse de revendications impérialistes ou colonialistes du passé, ne serait recevable auprès d'un tribunal.

DEUXIEME PARTIE: Pertinence des arguments de la Chine

Ainsi qu'il a été dit au début, la Chine justifie sa présence au Tibet par deux arguments: premièrement, le Tibet a toujours fait partie intégrante de la Chine; deuxièmement, le Tibet était économiquement et socialement sous-développé et avait donc besoin d'être 'libéré'.

L'analyse du statut du Tibet faite dans la première partie montre que l'histoire connue du Tibet remonte à 2.000 ans et que le Tibet existe en tant qu'Etat depuis plus de 1.000 ans. Le Tibet a subi, de temps en temps et à divers degrés, l'influence des puissances environnantes. Les Mongols au XIIIe siècle, les Mandchous au XVIIIe, et les Britanniques au XXe ont tous fait valoir, pendant de brèves périodes, certains droits sur le Tibet. Au total, le Tibet a subi une influence considérable de la part de puissances étrangères pendant peut-être un peu plus de 200 ans.

Quant aux arguments avancés pour prouver que le Tibet fait depuis toujours partie de la Chine, la République populaire de Chine n'a pu leur trouver aucune base, si ce n'est l'un ou l'autre événement historique mineur au regard des grands événements de l'histoire tibétaine. Deux empereurs tibétains ont épousé, au VIIe et VIIIe siècles respectivement, des princesses impériales tibétaines. Sans doute. Mais ce que les Chinois se gardent bien de préciser, c'est d'abord, que les empereurs tibétains avaient toute une série d'épouses -notamment, une princesse népalaise- qui leur avaient été données en mariage par les souverains de pays voisins, et ensuite, que les princesses chinoises n'ont été accordées à l'empereur tibétain qu'à contrecoeur, sous la menace d'une invasion armée. La Chine fait valoir qu'au cours de cette période antique de l'histoire tibétaine, elle a eu un grand rayonnement culturel au Tibet. Mais quel est donc le pays qui n'a pas subi l'influence culturelle de ses voisins? L'ampleur d'un rayonne

ment culturel est sans effet sur le statut politique ou juridique des Etats. Et du reste, l'influence culturelle des voisins méridionaux du Tibet, l'Inde et le Népal, a été infiniment plus grande.

Autre argument de la Chine: la domination mongole au Tibet au XIIIe siècle. Comment le fait que les Grands Khans mongols, Kubilaï et ses successeurs, ont exercé une influence dominante au Tibet peut-il bien prouver que le Tibet faisait partie de la Chine? Laquelle Chine avait bien, pour sa part, été assujettie par les Grands Khans mongols, qui ont régné sur elle pendant 100 ans. Or les Mongols avaient soumis à leur pouvoir la majeure partie de l'Asie et une grande partie de l'Europe. Ces territoires font-ils également partie de la Chine aujourd'hui, et la Chine va-t-elle pouvoir les revendiquer aussi? Selon un tel raisonnement, on peut déclarer que la Grande-Bretagne fait, par exemple, partie la France, sous prétexte que les deux pays étaient autrefois assujettis à l'Empire romain.

La Chine prétend ensuite que les relations entre la dynastie des Qing et le Tibet sont la preuve formelle que le Tibet faisait, à cette époque, partie intégrante de la Chine. Les Mandchous ont exercé une influence au Tibet aux VIIIe et XIXe siècles. Les empereurs mandchous ont noué des liens religieux, et sûrement aussi politiques, avec les Dalaï-Lamas du Tibet. Ces liens étaient du même ordre, quoique moins étroits, que ceux que le Tibet avait eus avec les Mongols. A l'époque où les empereurs mandchous avaient atteint le sommet de leur puissance, après qu'ils eurent conquis la Chine et installé la dynastie Qing, ils ont effectivement exercé une influence considérable au Tibet. Ils établirent un Résident à Lhassa avec une petite escorte. Ils envoyèrent des troupes pour aider le Tibet à repousser des envahisseurs. A certains moments, ils intervinrent dans les affaires intérieures du Tibet.

Aussi, le Tibet avait, au zénith de la puissance mandchoue, un statut comparable à celui d'un protectorat. Sous le régime du protectorat, un pays peut offrir sa protection à un autre Etat en échange d'une influence sur les relations extérieures ou de la maîtrise complète de celles-ci. Un pays peut stationner des troupes ou installer un "Résident" dans l'Etat protégé en vue de sauvegarder ses intérêts ou de conclure des traités au nom de cet Etat. Un Etat protégé ou satellite peut subir de diverses manières le contrôle de son protecteur: intervention dans les affaires intérieures ou extérieures, présence militaire, sphère d'influence, exclusion de relations avec d'autres pays. Toutefois, ni les protectorats ni les satellites ne perdent leur indépendance pour autant. Si la présence de troupes étrangères, une influence ou ingérence étrangères, des alliances militaires ou même politiques impliquaient la perte du statut d'Etat indépendant, combien d'Etats indépendants le monde compterait-il encore actuellement?

A supposer même que le Tibet ait connu une plus grande dépendance, voire une perte d'indépendance sous l'empire mandchou, nos conclusions restent valables. En effet, la chute de l'empire mandchou en 1911 a mis fin d'emblée à toutes les relations du Tibet avec son voisin oriental ainsi qu'à toutes les relations entre les Dalaï-Lamas et les empereurs mandchous de la dynastie des Qing, de quelque nature qu'elles aient été. De 1911 à 1950, le Tibet a su se garder de toute influence étrangère indue et s'est comporté à tous égards comme un Etat totalement indépendant.

Si le Tibet n'a pas entretenu un vaste réseau de relations internationales, il reste que les pays avec lesquels il a eu des relations, ont tous traité le Tibet à l'égal de n'importe quel Etat indépendant. En fait, comme je l'ai dit, le Tibet a été, au cours de son histoire, un pays plus libre que la plupart des pays du monde. Il n'a jamais été colonisé, tout au moins avant 1950, et il l'a été à une époque où la plupart des colonies étaient en train de trouver ou recouvrer leur indépendance. Le Tibet était un Etat souverain en 1950, et depuis, il ne s'est produit aucun fait de transfert de souveraineté à la Chine. En conséquence, le Tibet est actuellement un pays occupé illégalement.

La République populaire de Chine a envahi et occupé le Tibet par la force. Or, la souveraineté ne saurait être acquise ou transférée par la menace ou l'usage de la force, du moins depuis l'entrée en vigueur de la Charte des Nations Unies. La RPC a imposé un traité au Tibet sous la menace et par la force. En droit international, des traités de cette nature sont nuls ab initio. Ils sont donc sans effet, qu'ils aient ou non été répudiés (comme le Dalaï-Lama l'a fait en l'espèce dès qu'il en a eu l'occasion).

La RPC maintient son emprise sur le Tibet par le recours constant à la menace et la force. Or, un droit de souveraineté ne saurait s'acquérir par l'usage illégal de la force; il ne saurait pas non plu s'acquérir par l'usage prolongé de la force. Il pourrait en être autrement si l'occupation était pacifique, si elle était suffisamment acceptée et si les prétentions de la Chine n'étaient pas contestées.

Les Chinois sont toutefois obligés de maintenir des centaines de milliers d'hommes de troupe au Tibet pour contrôler une population de 6 millions de personnes. Les Tibétains se sont soulevés à de nombreuses reprises. Le soulèvement le plus connu, celui de 1959, a coûté la vie à plus de 100.000 Tibétains. En 1972, 12.000 Tibétains ont été tués. La guérilla antichinoise s'est poursuivie jusqu'en 1974. La résistance clandestine se renforce. Le gouvernement et la communauté en exil opposent un déni constant aux prétentions chinoises.

Le gouvernement tibétain en exil, qui est la continuation du gouvernement légitime du Tibet indépendant à Lhassa, fonctionne comme un vrai gouvernement -avec un exécutif, un législatif et un système judiciaire- malgré des circonstances difficiles. Pour parler avec un éminent spécialiste du droit international, le juge D. Jessup, disons que: "... rien n'atteste mieux le dynamisme et la continuité de l'Etat occupé que l'existence et l'activité d'un gouvernement en exil ou, pour parler mieux et plus clairement, d'un Etat en exil'.

Le Tibet est le plus grand territoire à avoir été dépouillé de sa souveraineté depuis la Deuxième Guerre Mondiale, et le gouvernement tibétain en exil est le seul gouvernement en exil qui soit actuellement en exercice dans le monde. Des annexions de cet ordre n'ont jamais été reconnues, même pour des territoires plus petits. Rappelons une fois encore que la RPC est un des défenseurs les plus ardents du principe voulant que nul territoire ne peut s'acquérir par la force, par des traités iniques ou imposés par la contrainte, ou par le biais d'une mainmise prolongée. Par conséquent, et de l'aveu même de la RPC, le Tibet ne saurait être reconnu comme faisant partie de la Chine.

Rappelons une fois encore que la RPC n'a jamais fait valoir qu'elle avait annexé le Tibet en 1950 ou depuis 1950. La RPC prétend que son titre de propriété sur le Tibet est fondé uniquement par l'histoire ancienne, d'où elle tire les trois arguments cités. Or, comme on l'a vu, ces arguments ne résistent pas à l'examen et ne prouvent absolument pas que le Tibet aurait été incorporé autrefois dans la Chine et serait devenu partie intégrante de ce pays. Il s'en ensuit que le Tibet est, à ce jour, un Etat indépendant de plein droit. L'occupation persistante du Tibet par la Chine constitue donc une violation grave du droit international. Telle est l'interprétation correcte de la situation et du comportement de la Chine ainsi que de la manière dont elle traite la question tibétaine au niveau international.

Enfin, la RPC prétend que le Tibet était un pays arriéré et que les Tibétains avaient besoin de l'aide chinoise pour se développer. C'est ainsi qu'on a pu lire dans la 'Beijing Review' un article représentatif de cette conviction largement répandue parmi les Chinois, qui annonce dans le plus pur style colonialiste: "... nous sommes venus civiliser les pauvres indigènes arriérés ...".

Le Tibet de 1950 était économiquement, socialement et technologiquement sous-développé, c'est exact. Mais la plus grande partie de l'Asie, y compris la Chine, l'était tout autant à la même époque. Quelques pays asiatiques étaient peut-être plus avancés à cet égard, mais le Tibet n'était sûrement pas très différent de pays tels que l'Afghanistan, le Népal ou le Bhoutan, pour ne citer que quelques exemples centre-asiatiques. Et quand bien même le Tibet eût-il été particulièrement arriéré, était-ce une raison suffisante pour l'envahir et l'occuper?

Ce qui m'a frappé le plus lors de mes récents passages au Tibet, c'est combien peu le niveau de vie des Tibétains s'est amélioré en plus de quarante ans d'occupation chinoise. Sans doute, les infrastructures ont été développées et de nombreuses nouvelles constructions sont apparues dans les villes, qui se sont agrandies, mais ces progrès matériels ne profitent guère aux Tibétains ordinaires. En réalité, l'occupation chinoise s'est soldée pour les Tibétains par une somme extraordinaire de souffrances et de privations, qui est sans aucune commune mesure avec un quelconque progrès que les Chinois pourraient prétendre avoir apporté au Tibet. Jamais auparavant les Tibétains n'ont eu à subir une répression politique, religieuse et physique aussi féroce, ni de telles privations économiques, dont la famine. Il ne doit plus rester une seule famille tibétaine dont l'un ou l'autre membre n'ait pas été tué, emprisonné ou maltraité. Alexander Solsjénitsyne a dit du régime chinois au Tibet qu'il était "le plus brutal et

le plus inhumain de tous les régimes communistes de la planète".

CONCLUSION

L'occupation chinoise au Tibet a eu pour conséquence de réduire les Tibétains à une minorité insignifiante dans leur propre pays. Le Tibet en tant qu'Etat, nation, peuple, est condamné à disparaître. Après des années d'oppression et de destruction systématique sans précédent, le régime de Pékin transfère au Tibet des millions de Chinois afin d'arriver à la solution finale de la question du Tibet. Ce faisant, la République populaire de Chine contrevient à la Convention de Genève, qui interdit les transferts de population.

A l'heure actuelle, la Chine fait vivre côte à côte deux groupes de population distincts au Tibet. Les communautés tibétaines vivent principalement soit dans de petits villages ou villes privés de tout confort moderne, soit dans les nouveaux ghettos des anciennes villes tibétaines devenues chinoises, telles Lhassa, Gyantse et Shigatse. Les Tibétains n'ont guère d'éducation et peu de revenus et ils vivent dans des conditions sanitaires et médicales déplorables. Les communautés chinoises ne vivent pas non plus dans le luxe. Par contre, les Chinois et leurs enfants bénéficient d'une éducation très supérieure, donnée dans des écoles chinoises, de meilleurs équipements médicaux, de revenus plus élevés et de nombreux avantages accordés par le gouvernement chinois. Mais surtout, les Chinois ont la mainmise sur tous les moyens de production et de développement économique ainsi que sur toute l'administration. Une profonde antipathie mutuelle fait qu'il n'y a pas de contacts entre Chinois et Tibétains.

Quel avenir y a-t-il pour le Tibet?

Le Tibet deviendra-t-il un Etat-tampon démilitarisé, dénucléarisé et administré par les Tibétains, moyennant des accords solides qui garantissent la sûreté de la Chine et le droit des Tibétains à l'autodétermination? Ou bien la disparition du Tibet, avec toutes ses conséquences pour la stabilité de la région, est-elle inéluctable?

La disparition du Tibet ne sera pas inéluctable si nous acceptons de reconnaître la situation pour ce qu'elle est, et si nous agissons en conséquence. Le fait est que la Chine a eu toute latitude pour agrandir son territoire et transformer le Tibet en colonie, au contraire des autres puissances, qui ont été forcées à se défaire de leurs colonies et à démanteler leurs possessions. La politique de la RPC au Tibet représente une des formes les plus répressives du colonialisme. La Chine pratique ouvertement la discrimination raciale au Tibet, alors que le même racisme, s'il se manifeste ailleurs, est aussitôt condamne par tous les autres pays du monde, Chine en tête.

Le colonialisme a fait son temps. Il faut faire comprendre à la Chine qu'elle doit libérer ses colonies, comme ont dû le faire toutes les autres grandes puissances mondiales.

 
Argomenti correlati:
stampa questo documento invia questa pagina per mail