PRISE DE POSITION DE Wolfgang FREIHERR von ERFFA, CHERCHEUR SCIENTIFIQUE, DEVANT LA COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES DU BUNDESTAG DE LA RFA
Audition sur le Tibet, Bonn, le 19 juin 1995
(traduit de l'allemand par Les Amis du Tibet-Belgique)
Avertissement: Les commentaires ci-après ne représentent que le point de vue de l'auteur. Ils n'engagent en rien le ministère fédéral des Affaires étrangères.
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1. Situation actuelle du Tibet
1.1. Le statut international du Tibet
Le Département de l'Information du Dalaï Lama a publié en 1989 trois avis d'experts sur le statut international du Tibet: l'avis du bureau de juristes Wilmer, Cutler and Pickering, du 7.5.1986; un extrait du "Rapport du Comité d'enquête des Juristes sur le Tibet de la Commission Internationale des Juristes", de 1960; l'avis du services scientifique du Bundestag, de 1987.
Dans les trois cas, les experts constatent que le Tibet était un Etat pleinement souverain de 1911/12 à 1951. Cette conclusion est confirmée en outre par le fait que le Tibet est resté neutre pendant la deuxième guerre mondiale, alors que la Chine a déclaré la guerre à l'Allemagne.
Un autre document important à cet égard est un télégramme de Mao Tsedong au Panchen Lama, dans lequel il est dit que l'incorporation du Tibet dans la mère-patrie Chine serait souhaitable: un Etat ne saurait parler de l'annexion d'un autre Etat que si le second ne fait pas partie du premier.
La Grande-Bretagne entretenait des relations diplomatiques avec le Tibet indépendant. Après l'accession de l'Inde à l'indépendance, le nouvel ambassadeur indien a repris la représentation britannique à Lhassa. Le Népal entretenait également des relations diplomatiques avec le Tibet.
Le Tibet fait actuellement partie de facto de l'Etat chinois. Cet état de choses a toutefois son origine dans l'annexion forcée du Tibet par la Chine. Cette annexion a coûté la vie à 1,2 million de personnes qui ont été tuées par les Chinois ou ont péri dans la famine qui a suivi l'invasion chinoise.
Du fait qu'elle a annexé le Tibet par la force, la Chine n'a pas pu acquérir un titre territorial sur le Tibet qui soit valable en droit international. L'"Accord en 17 Points" entre la Chine et le Tibet, notamment, ne confère à la Chine aucun titre opposable en droit. En effet, la délégation tibétaine a signé ledit accord à Pékin sous la contrainte, et sans avoir reçu de mandat à cet effet de la part du gouvernement tibétain.
De même, le fait que, jusqu'en 1959, le gouvernement tibétain se soit efforcé de respecter les dispositions de l'Accord le concernant, n'entraîne pas la reconnaissance de facto et, partant, la validité de l'"Accord en 17 Points", et ceci, d'autant moins que la Chine non seulement n'a pas respecté les obligations lui incombant en vertu dudit accord, mais les a grossièrement transgressées. En conséquence, l'"Accord en 17 Points" est nul de plein droit.
La Chine n'a pas non plus acquis de droit sur le Tibet par prescription acquisitive. Il faudrait pour cela que la population tibétaine acceptât l'annexion et n'opposât aucune résistance à la domination chinoise. Or, c'est le contraire qui est vrai, de sorte que la prescription acquisitive ne saurait être invoquée.
Le Sénat et la Chambre des Députés des Etats-Unis ont voté en 1991 une loi, le "Foreign Relations Authorization Act", dans laquelle il est précisé que le Tibet (y compris ses territoires incorporés dans les provinces chinoises du Sichuan, Yunnan, Gansu et Qinghai) est un pays occupé au sens des dispositions du droit international.
Une résolution de la CMPT (Convention mondiale des parlementaires sur le Tibet) confirme la constatation du Congrès américain et réclame l'autodétermination pour le peuple tibétain (session des 26-28 mai 1995 à Vilnius, Lithuanie) .
1.2. La situation des droits de l'homme au Tibet en général et, plus particulièrement, de la liberté de religion, de la liberté de la presse, de la liberté d'opinion et de la liberté d'association
On trouve un excellent aperçu de la situation des droits de l'homme dans le rapport du Secrétaire Général de l'ONU pour la Commission des Droits de l'Homme (E/CN.04/1992/37), la documentation compilée à partir de 1992 pour les sesssions de la Commission des Droits de l'Homme, ainsi que dans le rapport d'Amnesty International, de mai 1995, intitulé "People's Republic of China: Persistent Human Rights Violations in Tibet".
Les organisations des droits de l'homme qui ont étudié le Tibet, dénoncent en particulier les violations suivantes des droits de l'homme par les Chinois au Tibet:
- le fait que, dans la RAT et dans les autres régions traditionnellement tibétaines des provinces chinoises, des milliers de prsonniers politiques sont détenus sans procès ou condamnés après un procès injuste;
- le fait que ces prisonniers sont torturés, battus, insuffisamment nourris et privés de soins médicaux appropriés;
- le fait que les autorités chinoises appliquent la peine de mort et qu'elles exécutent des prisonniers sans procès;
- le fait que le chef d'accusation standard des autorités chinoises contre les prisonniers, parmi lesquels de nombreux moines et moniales, est qu'ils ont milité pour l'indépendance du Tibet ou ont été trouvés en possession de documents interdits, de littérature politique interdite ou du drapeau tibétain interdit.
Il a, notamment, été reproché à certains prisonniers d'avoir traduit en tibétain la Déclaration universelle des Droits de l'Homme des Nations Unies. Un certain nombre d'accusés ont été condamnés à la "reconversion par le travail", et d'autres, à la "rééducation par le travail", autrement dit, aux travaux forcés dans des camps spéciaux;
- le fait que les détenus et les prisonniers sont fréquemment battus et torturés dans les postes de police et les prisons.
Les prisonniers sont battus au gourdin électrique ou subissent des charges électriques dans la plante des pieds, dans la bouche ou aux parties génitales. Il restent également enchaînés pendant de longues périodes dans des positions particulièrement douloureuses. Beaucoup sont privés de sommeil et/ou de nourriture. Des prisonniers sont exposés à un froid extrême sans protection;
- le fait qu'un certain nombre de prisonniers sont morts en prison ou décédés peu de temps après leur "remise en liberté".
Apparemment, il était désagréable à certaines autorités que les prisonniers mourussent en prison, car elles ont relâché des prisonniers grièvement blessés lors des séances de tortures et de coups, pour qu'ils aillent mourir chez eux;
- le fait que, depuis 1987, de nombreuses femmes en âge de procréer ont été stérilisées ou avortées de force dans toute la RAT, mais surtout à Lhassa, de même que dans les régions tibétaines limitrophes à l'est de la RAT; le fait qu'en outre, les femmes se font avorter sous la menace de sanctions économiques.
Jusqu'à 1990, les Nomades et la population rurale du Tibet avaient pratiquement échappé aux mesures de contrôle des naissances des Chinois. Certaines informations font aussi état d'infanticides systématiques par la mise à mort de nouveaux-nés. Le médecin américain Blake Kerr écrit que, d'après certains renseignements qu'il a reçus au Tibet, des nouveaux-nés étaient tués dans les hôpitaux au moyen d'injections d'alool dans la fontanelle. Un médecin tibétain, Péma, a déclaré avoir vu pratiquer de telles injections sur 400 enfants tibétains.
La liberté de religion, d'information, d'opinion et d'association n'est pas respectée.
Pékin dénonce d'ailleurs les libertés définies dans la Charte des Nations Unies et dans la Déclaration universelle des Droits de l'Homme comme "des idées purement occidentales" que la Chine ne saurait être tenue de respecter vu qu'elles sont incompatibles avec les traditions spécifiquement chinoises.
Le Dalaï Lama a répliqué, en mai 95, dans son discours de Cologne sur "L'universalité des droits de l'homme" que, si un Etat estime que les droits de l'homme sont incompatibles avec ses traditions, ce sont ces traditions qui doivent être modifiées, et sûrement pas les droits de l'homme, universellement valables.
Il y a en tout cas un droit que le gouvernement chinois n'accorde pas à ses forces armées au Tibet: la liberté de religion. Il est interdit aux officiers chinois de prier dans un temple bouddhiste, sous peine d'être expulsés de l'armée.
1.3. Eléments suggérant une discrimination systématique au détriment des Tibétains au Tibet occupé dans les domaines socio-économique, de l'éducation, de la formation et de la santé
Je ne dispose pas d'informations confirmant l'existence d'une discrimination systématique dans le secteur des soins de santé. Toujours est-il qu'il y a eu une série de décès mystérieux de Tibétains dans des hôpitaux chinois -manifestement à la suite d'expériences tentées sur des patients tibétains- si bien que beaucoup de Tibétains craignent de se faire soigner à l'hôpital.
Aux dires des Tibétains, la discrimination pratiquée par les Chinois à leur encontre est "pire que l'ancienne Apartheid en Afrique du Sud".
Les mesures socio-économiques prises par l'administration de la RAT, pilotée par les Chinois, visent essentiellement à pourvoir aux besoins des colons chinois plutôt qu'à ceux des Tibétains, dont la majorité sont des nomades qui tirent principalement leur subsistance des produits de l'élevage.
Pratiquement tout le commerce et la restauration sont aux mains des Chinois, qui sont, il est vrai, particulièrement doués pour ces activités.
La discrimination de fait subie par les Tibétains procède peut-être moins d'une politique ciblée de l'administration chinoise que de la supériorité des atouts dont disposent les Chinois grâce à une meilleure éducation et de plus grandes aptitudes.
Dans le domaine de l'éducation, il est un fait que le chinois est la langue véhiculaire; le tibétain ne doit pas être enseigné avant la 6ème et après la 10ème année.
Les autres "minorités nationales" peuvent envoyer des étudiants à l'étranger dans le cadre de programmes d'échanges, mais jamais aucun Tibétain vivant au Tibet n'a eu accès à une telle possibilité depuis 1959.
1.4. L'environnement et l'écologie du Tibet. Raisons de penser que ces facteurs environmentaux ont des répercussions sur les pays limitrophes
Le Tibet connaît une forte érosion et de nombreux glissements de terrain à cause du déboisement inconsidéré, surtout dans la province de l'Amdo. Des fleuves ont changé de lit et emporté des masses d'humus. Les eaux du Brahmapoutre, de la Salween, du Mékong, du Fleuve Jaune et du Yangtsé se déversent maintenant avec violence dans les vallées, ce qui a déjà provoqué des inondations catastrophiques dans les plaines en Chine, en Inde et au Bangladesh. Il est certain que le déboisement excessif est une des causes de tels désastres. Le Fleuve Jaune et le Yangtsé, qui ont leur source au Tibet, parcourent une grande partie de la Chine.
Enfin, le déboisement du Tibet peut entraîner des changements climatologiques.
1.5. Existence et, le cas échéant, nombre de prisonniers politiques tibétains. Raisons (plainte; sentence) de leur détention. Procédures judiciaires et conditions de détention
D'après les informations publiées fin mai par Amnesty International, il y aurait actuellement plus de 600 prisonniers politiques au Tibet. Ce chiffre paraît plausible.
Selon une information de début juin 94, l'abbé de Tashilhounpo aurait été assigné à résidence il y a un mois. Les Chinois lui reprochent d'avoir suivi les instructions du Dalaï Lama pour la sélection de la nouvelle réincarnation du Panchen Lama. Le monastère de Tashilhounpo aurait été investi par des unités de l'ALP.
Pour les accusations et conditions de détention des prisonniers tibétains, je renvoie au point 1.2.
1.6. Possibilités d'accès des organisations internationales des droits de l'homme et de la Croix Rouge Internationale (CRI) aux prisonniers d'opinion et conditions de travail de ces organisations au Tibet
A ma connaissance, aucune possibilité d'accès.
1.7. Données sur la présence de forces armées et de forces de police chinoises au Tibet
D'après des sources tibétaines en Inde, les effectifs de l'armée et des services de sécurité stationnés au Tibet se situent entre 350.000 et 500.000 hommes; ils sont principalement concentrés à Lhassa, Dromo (Yardung), Gartok (près de la route du Karakorum) et Chamdo.
1.8. Situation des Tibétains vivant en exil
En Inde, la situation des exilés et satisfaisante, voire bonne, grâce entre autres à la générosité du gouvernement indien.
Au Népal, les conditions sont plus difficiles pour les Tibéains. C'est ainsi que le nouveau prenier ministre communiste du Népal a fermé les frontières pour les Tibétains fuyant le Tibet.
2. Politique de transfert de population et/ou de sinisation du Tibet
2.1. Données chiffrées sur l'immigration et l'établissement de Chinois au Tibet. Conséquences de la politique de transfert de population de la Chine sur les structures sociales, la culture et la religion tibétaines
Sur le territoire du Tibet historique (soit, la RAT + les territoires traditionnellement tibétains maintenant incorporés dans des provinces chinoises) il y a 6 millions de Tibétains pour 7,5 millions de Chinois.
Les Chinois exercent une pression de plus en plus grande par l'intensification des efforts de sinisation.
Les autorités chinoises s'emploient à promouvoir par un système de récompenses les mariages entre Chinois et Tibétains, et à encourager l'immigration au Tibet en permettant aux colons chinois d'avoir des enfants au-delà du quota autorisé en Chine.
2.2. Raisons éventuelles de l'incompatibilité de la politique chinoise de transfert de population avec les principes du droit international
En premier lieu, je citerai les objections déjà évoquées à propos de l'annexion du Tibet par la force et contre la volonté du peuple tibétain.
Ensuite, en prenant d'autres prémisses, il convient de citer les droits découlant du droit à l'autodétermination, à savoir, le droit à la sauvegarde de l'identité nationale, culturelle et religieuse.
La politique de transfert de population contrevient aux règles du droit international dans la mesure où elle va à l'encontre de la volonté du peuple tibétain et entraîne des conséquences d'autant plus défavorables pour la culture, la religion et l'identité nationale.
2.3. Données sur une destruction systématique du patrimoine culturel tibétain, notamment, des monuments et bâtiments à Lhassa et ailleurs, et le cas échéant, un avis sur de telles mesures
La destruction des biens culturels tibétains en général, et des monastères et couvents en particulier, a commencé dès le début des années cinquante, avant même que le Dalaï Lama quittât le Tibet en 1959, et donc dès avant la Révolution Culturelle. Au total, 13 sanctuaires, monastères ou couvents sont restés debout.
Aux fins de la sinisation définitive du Tibet, l'architecture des impressionnants témoignages survivants de la culture tibétaine, tels le palais du Potala et le temple du Jokhang, a maintenant été modifiée sous prétexte de restauration. Cela permettra à l'avenir aux Chinois de faire passer ces monuments remarquables pour des "exemples d'architecture sino-tibétaine", comme ils le font déjà pour le monastère de Koumboum dans l'Amdo.
3. Moyens d'action au niveau de l'Allemagne et au niveau international
3.1.Eléments et moyens existant au niveau international pour améliorer la situation des droits de l'homme
A. Une solution politique comme base d'une amélioration des droits de l'homme
La situation des droits de l'homme au Tibet ne pourra être améliorée qu'au prix d'un changement politique radical, à savoir l'instauration d'une réelle autonomie pour le Tibet.
Depuis plus de 15 ans, le Dalaï Lama tente, dans un esprit de dialogue et de compromis, d'enager une négociation avec les Chinois. Pékin pour sa part, tout en feignant de pencher pour un compromis, se hâte de créer le fait accompli au moyen d'une politique radicale de transfert de population ainsi que de la destruction presque totale de la culture tibétaine.
A l'occasion d'un entretien que nous avons eu le 5 juin 1995 lLe Dalaï Lama m'a confié qu'il y aurait, selon lui, un espoir d'une solution politique pour le Tibet s'il se produisait un changement de régime en Chine et une amélioration de la situation. Mais pour cela, il faut que la communauté internationale fasse pression sur la Chine. Il ne faut pas laisser Pékin s'imaginer que, si la Chine n'est pas prête à faire des concessions substantielles, la question du Tibet finira par disparaître d'elle-même. Le fait que le Tribunal de La Haye soit appelé à statuer sur le sort des criminels de guerre coupables du génocide en Bosnie, permet d'espérer qu'il sera également possible d'obtenir un changement pour le Tibet.
Le Dalaï Lama souhaite une solution négociée qui bénéficie au Tibet comme à la Chine. Pékin doit en prendre conscience.
L'Allemagne devrait tout mettre en oeuvre pour faire comprendre à Pékin que la question du Tibet n'est pas oubliée, et que la Chine n'évitera de se retrouver de plus en plus isolée sur la scène internationale que si elle est prête à accepter une solution politique.
B. Poursuite des efforts de l'UE en faveur du vote d'une résolution à la Commission des Droits de l'Homme de l'ONU
Les efforts déployés par l'UE pour faire voter à la Commission des Droits de l'Homme de l'ONU une résolution condamnant les violations des droits de l'homme par la Chine, se sont révelés être très utiles.
En effet, même si la résolution a été repoussée de justesse, à un vote près, Pékin est de plus en plus sous pression pour améliorer la situation des droits de l'homme au Tibet.
L'UE devrait donc, en accord avec les autres Etats qui se sont engagés en faveur du Tibet, poursuivre ses efforts pour faire adopter une résolution en vue de la protection des droits de l'homme au Tibet lors de la prochaine sesssion de la Commission des Droits de l'Homme de l'ONU au printemps 1996.
Une telle politique oblige la Chine à se justifier et l'encourage à éviter à l'avenir de telles mises en accusation dans les enceintes internationales, de façon à ne pas perdre la face.
C. Désignation d'un rapporteur de l'ONU pour les droits de l'homme ou création d'un mandat de "Rapporteur de l'UE pour la situation des droits de l'homme au Tibet"
Le gouvernement allemand ou l'UE pourrait utilement réclamer la désignation d'un rapporteur de l'ONU pour les droits de l'homme par le Secrétaire Général de l'ONU, suivant le schéma qui a déjà fait ses preuves dans le cas de l'Afghanistan (prof. Ermacora) et d'autres pays, tels la Birmanie ou Haïti.
Si le Secrétaire Général de l'ONU n'est pas disposé ou capable de donner suite à une telle demande, on que l'UE pourrait envisager de désigner elle-même, dans le cadre de la PESC, un rapporteur pour les droits de l'homme au Tibet. Le système de protection des droits de l'homme de l'OCDE pourrait servir de modèle.
D. Démarches en vue d'une discussion sur la question du Tibet à l'AG de l'ONU
La démarche la plus importante que le gouvernement allemand ou l'UE pourrait faire, serait de réclamer un débat à l'AG de l'ONU sur la situation des droits de l'homme au Tibet, la politique de transfert de population et la situation sociale, économique et culturelle fait aux Tibétains, en se référant aux résolutions 1353 (XIV) (New York, 1960), 1723 (XVI) (New York, 1961) et 2079 (XX) (New York, 1965).
Toutefois, il conviendrait de s'assurer avant toute chose s'il peut se trouver, parmi les 180 membres actuels de l'ONU, une majorité pour l'incription d'un tel débat à l'ordre du jour. Une initiative de ce genre doit être préparée par un consciencieux travail de consultation et de persuasion qui permette de mesurer, ou le cas échéant, d'améliorer les chances de succès. Il ne faut pas oublier que, depuis la Conférence mondiale de l'ONU sur les Droits de l'Homme en 1993, la Chine fait tout pour attirer les pays africains, latino-américains et asiatiques dans son camp, jusqu'à faire miroiter des espoirs d'aide financière pour les "bons élèves".
En tout état de cause, un tel projet suffirait à lui seul à renforcer considérablement la pression sur la Chine en faveur de la recherche d'une solution politique négociée avec la Dalaï Lama.
3.2. Moyens dont dispose la République fédérale d'Allemagne pour oeuvrer, au niveaux national et international - en particulier, dans le cadre de l'Union européenne - en faveur d'une amélioration du respect des droits de l'homme au Tibet
A. Renforcement de l'influence sur Pékin, maintenant que les pressions politiques intérieures et extérieures poussent le gouvernement chinois à l'action
L'actuel gouvernement chinois refusera tout dialogue sérieux sur le Tibet et, en particulier, sur la situation des droits de l'homme au Tibet, avec le gouvernement allemand ou avec les gouvernements d'autres pays.
Il importe pourtant, en cette phase de transition que traverse actuellement la Chine, de ne négliger aucune possibilité d'obtenir une modification de la politique tibétaine de Pékin.
Il n'est pas exclu que les "faucons" du PC chinois éprouvent d'ores et déjà une certaine nervosité à l'idée d'un revirement possible, d'un éventuel soulèvement paysan ou de la résurgence de l'opposition pro-démocratique contre la Nomenklatura chinoise, après l'exécution pour corruption du président du PC du district de Pékin.
Fin juin 1995, le Japon a, pour la première fois, réduit son aide à la Chine pour protester contre les essais nucléaires chinois au Lop Nor, un territoire du Sinkiang à proximité de la frontière tibétaine.
Eu égard à la situation précaire de l'élite au pouvoir et des dirigeants responsables du massacre de Tienanmen, le moment présent paraît favorable à une initiative allemande et européenne en faveur des Tibétains.
B. Suite à l'audition de Bonn, un appel au Congrès National de Pékin
B.1. Appel à la Commission des Affaires étrangères du Congrès national populaire de la RPC
Suite à l'audition organisée au Bundestag allemand, un appel des députés allemands aux députés chinois serait particulièrement efficace.
Aussi, le président de la Commission des AE du Bundstag pourrait, dans une lettre au président de la Commission des AE du Congrès national populaire, demander instamment:
1. le respect des droits de l'homme au Tibet;
2. la sauvegarde de la culture et la religion tibétaines;
3. l'ouverture de négociations entre le gouvernement chinois et le Dalaï Lama aux fins de l'octroi d'une autonomie effective au Tibet.
B.2. Appel des Commissions des Affaires étrangères des 14 autres Etats membres de l'Union Européenne à la Commission des Affaires étrangères du Congrès national populaire de la RPC
Le cas échéant, une concertation devrait être organisée avec les présidents des Commissions des Affaires étrangères des 14 autres Etats membres de l'Union Européenne afin qu'ils envoient des appels de même contenu au Congrès national populaire de la RPC.
B.3. Appel des président(e)s des Parlements des 14 autres Etats membres de l'Union Européenne au Congrès national populaire de la RPC
On pourrait étudier l'opportunité d'un appel des président(e)s des Parlements des 14 autres Etats membres de l'Union Européenne au Congrès national populaire de la RPC, à titre complémentaire ou comme solution de rechange.
3.3. Contribution de la RFA à la sauvegarde de l'identité nationale du peuple tibétain ainsi que de la religion et la culture tibétaines
A. Une solution politique pour le Tibet comme base de la sauvegarde de l'identité, de la culture et de la religion du peuple tibétain
La politique tibétaine de la Chine est axée sur la transformation de l'identité nationale du peuple tibétain, sur la sinisation du Tibet et sur l'alignement du Tibet sur le modèle chinois. Elle est précisément la cause de la résistance tibétaine, laquelle est férocement réprimée par la Chine.
L'ancienne Lhassa a pratiquement disparu. Le Potala et le Jokhang ont été largement sinisés sous prétexte de restauration.
Il n'y a guère d'espoir que cette situation pénible change, à moins que Pékin ne modifie radicalement sa politique tibétaine, ou en d'autres termes, si la Chines est disposée à accorder au Tibet un minimum d'autonomie culturelle et religieuse.
Un tel changement dépend entièrement de l'issue positive de négociations entre le Dalaï Lama et le gouvernement chinois ayant pour objectif d'obtenur un "degré maximum d'autonomie" tel que le recherche la Dalaï Lama.
B. Mesures culturelles spécifiques en vue de la sauvegarde de l'identité et de la culture nationales
Les communautés de Tibétains en exil, et en particulier, celles de l'Inde et, jusqu'à une certain point, celles du Népal jouent un rôle considérable dans la sauvegarde de l'identité nationale des Tibétains ainsi que de la culture et du bouddhisme tibétains.
Le gouvernement indien a généreusement soutenu plusieurs projets de sauvegarde de la culture tibétaine, comme p. ex. le "Narthang Publications Project".
Par ailleurs, le bouddhisme tibétain a connu une forte expansion mondiale depuis que le Dalaï Lama et quelque 85.000 Tibétains ont fui le Tibet en 1959. Il existe actuellement plus de 500 centres bouddhistes tibétains dans le monde. Par conséquent, une aide allemande de massive n'est pas absolument nécessaire pour le moment.
L'important, c'est l'appui politique, qui doit permettre de créer les conditions-cadres d'une véritbale autonomie pour le Tibet. Dès le moment toutefois où ce but sera atteint, le Tibet aura besoin d'une aide considérable pour la restauration de sa culture.
en attendant, la promotion de petits projets ayant un effet multiplicateur considérable, tel le "Narthang Publications Project" apparaît déjà utile.
S'il existe des "universités religieuses", mais il n'y a pas d'université tibétaine proposant un programme de matières profanes comme celles dont un pays a besoins au seuil du XXIe siècle. Une aide pour la fondation et le fonctionnement d'une université tibétaine constituerait donc une contribution importante à la sauvegarde de l'identité et de la culture tibétain_____R pôle important du curriculum pourrait être la formation de cadres administratifs de façon que les Tibétains acquièrent les compétences nécessaires pour reprendre des fonctions administratives de haut niveau.
Une autre contribution importante serait d'inclure dans le programme de la Deutsche Welle des émissions de plusieurs heures en tibétain. Jusqu'à présent, seule la Voice of America assure des émisssions en tibétain.