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Conferenza Tibet
Partito Radicale Centro Radicale - 23 novembre 1995
Tibet/hearing du Bundestag: Klein

UNIVERSITE DE POTSDAM

FACULTE DE DROIT

Chaire de droit constitutionnel, de droit public international et de droit européen

Prof. Dr. iur. Eckart KLEIN

PRISE DE POSITION DEVANT LA COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES DU BUNDESTAG DE LA RFA,

AUDITION SUR LE TIBET, 19 JUIN 1995

(traduit de l'allemand par Les Amis du Tibet-Belgique)

Je commenterai dans le présent avis les points 1.1., 1.2., 2.2. et 3 de la liste que la Commission des Affaires étrangères a soumise pour commentaire aux experts.

1. Situation actuelle du Tibet

1.1. Le statut international du Tibet

On sait qu'il existe un large consensus dans la communauté internationale sur le fait que le Tibet fait partie intégrante - sous quelques réserves que ce soit- de l'Etat chinois. C'est également, jusqu'à nouvel ordre, la position officielle du gouvernement allemand. Une telle pratique des Etats n'a toutefois pas force décisive dans le sens où elle suffirait à établir l'attribution d'un territoire à un Etat. Par ailleurs, il est indéniable que la pratique internationale peut comporter des orientations importantes pour l'appréciation de problèmes complexes de droit international.

Contrairement au gouvernement allemand, il m'est difficile de découvrir un quelconque titre de l'Etat chinois qui soit de nature à justifier une revendication territoriale sur le Tibet. Un fait constitutif d'acquisition territoriale est toutefois indispensable à cet effet dès lors qu'il n'a jamais existé, entre la Chine et le Tibet, de liens historiques d'une nature telle qu'il puisse être question d'une appartenance territoriale de longue date, ancrée dans l'histoire. Assurément, des relations de dépendance plus ou moins étroites ont existé, jusqu'à 1911, entre le Tibet et la Chine, lesquelles ont été reconnues comme relevant de la notion de "suzeraineté" aussi bien par la littérature spécialisée que par la pratique internationale de l'époque. Le terme de "Suzeraineté" vise, en droit international, une relation précise de dépendance entre deux Etats, c'est à dire, une relation autre que constitutionnelle. En tout état de cause, le Tibet ne faisait pas partie du territoire de la Chine avant 1911.

Cette relation de dépendance a toutefois elle-même pris fin avec la chute de la dynastie mandchoue dans l'Empire chinois. Ce fait a été concrétisé par la déclaration d'indépendance promulguée par le Dalaï Lama en 1912, à laquelle la Chine n'a rien eu à opposer, fût-ce la force. De 1912 à 1950, le Tibet possède tous les attributs d'un Etat souverain. Pendant cette période (mais aussi déjà auparavant!), le Tibet conclut des traités internationaux et échange -mais dans quelques rares cas seulement- des représentations diplomatiques avec d'autres Etats.

L'invasion armée du Tibet par la République populaire de Chine en 1950 ne représente pas un fait constitutif d'acquisition territoriale. L'incorporation constitutionnelle du territoire tibétain dans l'Etat chinois ne constitue pas non plus un acte suffisant au sens du droit international. En effet, aux termes de la "Doctrine Stimson" élaborée dans l'entre-guerre, l'acquisition de territoires par la force est nulle de plein droit. Ce principe a été confirmé, par exemple, par les prises de position de nombreux Etats concernant l'annexion des Etats baltes par l'Union soviétique dans les années 1939-40.

Après 1950, il ne s'est pas non plus dégagé d'élément constitutif d'un droit territorial en faveur de la République populaire de Chine. En particulier, il n'y a pas eu libre consentement de la part du peuple tibétain. Ce libre consentement ne saurait en aucun cas être considéré comme représenté par l'"Accord en Dix-Sept Points" de 1951, qui est nul de plein droit du fait qu'il a été signé sous la contrainte, et qui n'a d'ailleurs jamais été reconnu par les dirigeants tibétains.

Quant à savoir si les dirigeants tibétains veulent ou non maintenir la revendication d'indépendance totale pour le Tibet en tant qu'entité nationale distincte, c'est une tout autre question. En tant que "peuple", le peuple tibétain est, en tout état de cause, investi du droit à l'autodétermination, et c'est donc à lui qu'il appartient de décider du statut politique du Tibet sur le plan international comme à l'intérieur. Or, un tel choix ne peut être que l'expression libre et réelle de la volonté du peuple (free and genuine will). Aussi longtemps que cette volonté ne se sera pas exprimée, la question du statut politique du Tibet restera ouverte. Il est donc logique et légitime que S.S. le Dalaï Lama tienne à organiser un referendum du peuple tibétain sur le futur statut du Tibet.

La décision concernant le statut d'un pays, qui est l'objet du droit à l'autodétermination, peut aller dans le sens de l'indépendance totale, mais elle peut aussi aller dans le sens d'une intégration à un autre Etat, soit complète, soit avec maintien d'une autonomie particulière, territoriale ou personnelle.

J'estime qu'il est illicite et incompatible avec le droit du peuple tibétain à l'autodétermination que d'autres sujets de droit international préjugent de cette question du statut et traitent celle-ci comme réglée pour le peuple tibétain. La République populaire de Chine est, quant à elle, également tenue au respect du droit des peuples à l'autodétermination en tant que principe général du droit international, auquel on s'accorde aujourd'hui à reconnaître caractère de ius cogens.

L'Assemblée générale de l'ONU a reconnu sans ambiguïté le droit du peuple tibétain à l'autodétermination dans sa Résolution 1723 (XVI) de 1961. Il est vrai qu'elle n'a pas réitéré cette déclaration par la suite: la République populaire de Chine a manifestement réussi à empêcher toute nouvelle délibération sur ce point. Il a néanmoins été discuté du problème des droits de l'homme au Tibet à la Commission des Droits de l'Homme du Conseil économique et social de l'ONU ainsi qu'à la Sous-commission pour l'élimination des discriminations et la protection des minorités, mais sans que le droit à l'autodétermination soit évoqué.

1.2. La situation des droits de l'homme au Tibet en général et, plus particulièrement, la liberté de religion, de la liberté de la presse, de la liberté d'opinion et de la liberté d'association

Indépendamment de la question du statut territorial, la République populaire de Chine est tenue de respecter les droits fondamentaux de la personne humaine au Tibet et à l'égard des Tibétains. Cette règle vaut indépendamment du fait que la Chine fait valoir, de bon droit ou non, que les Tibétains sont des ressortissants de l'Etat chinois. En effet, le système contemporain de protection des droits de l'homme a précisément ceci de particulier qu'il garantit une protection internationale de la personne même contre son propre Etat. Il ne saurait donc être question en l'espèce d'une ingérence dans les affaires intérieures d'un Etat, étant donné que l'obligation de respecter les droits fondamentaux ou contractuels de la personne humaine résulte d'un engagement pris vis-à-vis d'autres Etats.

Les obligations de la République populaire de Chine en matière de protection des droits de l'homme ne découlent, il est vrai, pas directement de conventions spécifiques, vu que la République populaire de Chine n'a pas ratifié la plupart de instruments existants. La République populaire de Chine est néanmoins signataire de la Convention des Nations Unies contre la torture (1984), de la Convention sur l'élimination de tout forme de discrimination raciale (1966) et de la Convention sur les droits de l'enfant (1989).

Ce qui est en tout cas certain, c'est que la République populaire de Chine est tenue de se conformer à la norme minimale des droits de l'homme, c'est à dire, aux principes généraux du droit international. Ladite norme minimale englobe, outre le droit des peuples à l'autodétermination, le droit à la sauvegarde de l'identité propre, l'interdiction de la torture et la protection contre la détention et la privation de liberté arbitraires, l'interdiction du déni de justice ou privation de toute protection judiciaire, l'interdiction de toute discrimination d'ordre racial et religieux et, surtout, l'interdiction de génocide, c'est à dire, l'extermination d'un peuple, non moins que de l'ethnocide culturel, c'est à dire, la destruction des bases et caractères culturels qui forment l'identité d'un peuple et des individus le constituant. Les droits politiques ne sont pas non plus tous à exclure de cette norme, et certainement pas ceux qui concernent l'exercice du droit à l'autodétermination.

L'acte d'autodétermination (choix du statut) devant refléter la volonté libre et réelle du peuple, il doit pouvoir s'accomplir sans intimidation intérieure et sans ingérence extérieure. Il postule donc un minimum d'échanges de vues et de liberté de discussion sur les options en présence. Si ces conditions ne sont pas remplies, il ne saurait être question d'un choix libre et réel du peuple.

2. Politique de transfert de population et/ou de sinisation du Tibet

2.2. Raisons éventuelles de l'incompatibilité de la politique chinoise de transfert de population avec les principes du droit international.

Lors des interventions précédentes, nous avons entendu citer des chiffres impressionnants concernant l'installation de Chinois Hans sur le territoire tibétain. Cette pratique attente au droit à l'autodétermination, dans le sens où elle constitue une tentative de marginaliser le titulaire du droit à l'autodétermination, à savoir le peuple tibétain, et d'entraver considérablement l'exercice dudit droit.

L'installation massive de ressortissants étrangers effectuée dans ce but est l'image exacte du phénomène dit de "transfert de populaton" ou de "purification ethnique", qui a pour véritable nom "éviction".

L'exemple des Etats baltes illustre bien tous les problèmes que posent les modifications démographiques intentionnelles à des Etats qui ont recouvré leur liberté. Dans ce contexte, il faut encore rappeler que le Tibet ne saurait, jusqu'à nouvel ordre, être considéré comme faisant partie du territoire de l'Etat chinois. Le respect de la liberté de circulation sur le territoire national d'un Etat est assurément un principe du droit international. Etant donné toutefois qu'il n'est pas établi, et de loin, que le Tibet fait partie l'Etat chinois, la liberté de circulation sur le territoire national ne saurait être invoquée pour justifier l'actuel déplacement massif de population.

A supposer même que l'on admette le point de vue chinois selon lequel les Tibetains ne sont qu'une minorité parmi tant d'autres dans l'Etat plurinational qu'est la République populaire de Chine, la règle fondamentale de la protection internationale des minorités reste malgré tout valable pour les Tibétains, à savoir, que les minorités ont le droit de garder leur identité. Il suffit, pour le constater, de se reporter aux dispositions de l'article premier de la Déclaration de l'ONU, du 18 décembre 1992, sur les droits des personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses et linguistiques. De surcroît, cette politique de transfert de population peut également être considérée comme un ethnocide, et elle enfreint en outre comme telle les règles fondamentales du droit international en vigueur.

3. Moyens d'action au niveau de l'Allemagne et au niveau international

3.1. Eléments et moyens existant au niveau international pour améliorer la situation des droits de l'homme

Avant toute chose, il faut rappeler une fois de plus que le repect des droits de l'homme par la Chine n'est en aucune façon une affaire intérieure chinoise. Lors de la Conférence de Vienne sur les droits de l'homme en 1993, la République populaire de Chine a vainement tenté de remettre en question l'universalité des droits de l'homme en invoquant des développements particuliers dans diverses régions du monde,. Le respect des obligations contractuelles en matière de droits de l'homme et des droits fondamentaux de la personne (norme minimale) ne sauraient appertenir au "domaine réservé". Par conséquent, il existe de nombreux moyens et éléments pour engager des discussions, tant bilatérales que multilatérales, sur les droits de l'homme avec le gouvernement chinois. Dans le cadre des Nations Unies, les enceintes approriées à cett effet sont la Commission des Droits de l'Homme et l'Assemblée Générale, avec ses commissions et autres groupes, et aucun moyen ne doit être négligé pour sensibiliser le gouvernement chi

nois à la question. Il convient, notamment, de rappeler à la Chine ses responsabilités en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité.

Les moyens exécutoires disponibles en droit international vont de la protestation ciblée aux représailles pures et simples, en passant par les représailles économiques. A propos de représailles économiques, on se rappellera que l'Union européenne réclame avec une insistance grandissante des garanties quant au respect de la norme minimale des droits de l'homme, comme par exemple à l'occasion de la Convention de Lomé avec les Etats ACP. Il serait parfaitement possible de procéder de même dans le cadre des relations avec la République populaire de Chine.

L'arme de la publicité ne doit pas non plus être sous-estimée. Même la République populaire de Chine, aussi inflexible qu'elle puisse paraître, n'est pas totalement indifférente à sa réputation internationale. Aussi convient-il de manier l'arme de la publicité de manière judicieuse, mais d'autant plus résolue.

L'essentiel est toutefois que le principe du respect des droits de l'homme ne doit souffrir aucune atteinte, et cela vaut en particulier pour le droit à l'autodétermination. Il convient de rappeler précisément ici en Allemagne que, dans son arrêt relatif au Traité fondamental avec la DDR, le Tribunal constitutionnel fédéral s'est montré intraitable vis-à-vis du gouvernement fédéral quant à l'importance du maintien de titres légaux. Par contre, l'opportunité et la manière de faire valoir de tels droits sont souvent des questions d'appréciation politique. On ne doit toutefois jamais renoncer à des droits de cette nature, et surtout pas lorsqu'il s'agit de droits par lesquels on n'est pas directement concerné, mais dont l'abandon risque de porter gravement atteinte aux droits d'un autre peuple.

3.2. Moyens dont dispose la République fédérale d'Allemagne pour oeuvrer, au niveaux national et international - et,en particulier, dans le cadre de l'Union européenne - en faveur d'une amélioration du respect des droits de l'homme au Tibet

Après que le gouvernement fédéral aura réexaminé sa position, comme je pense qu'il doit le faire, et qu'il aura clarifié celle-ci compte tenu de la situation juridique et des objectifs politiques, il devrait tenter d'engager un dialogue bilatéral avec la Chine sur ces questions.

Au niveau européen, il convient, en particulier, que le gouvernement allemand agisse dans le cadre de la PESC (politique extérieure et de sécurité commune). Je rappelle que, dans son deuxième alinéa, dernier tiret, l'article J.1 du Traité de l'Union fixe expressément les droits de l'homme comme objectif de cette politique. La suite du texte énumère les instruments disponibles à cet effet, à savoir, la coopération suivie des Etats membres de l'Union dans la conduite de leur politique par l'élaboration de positions communes (art. J.2) et la mise en oeuvre progressive d'actions communes dans les domaines dans lesquels les Etats membres ont des intérêts communs importants (art. J.3.).

Ces domaines doivent être précisés, et il y aurait lieu de voir si la politique relative au Tibet constitue précisément un des domaines d'intérêt commun important des Etats membres qui soit susceptible de donner lieu à des actions communes. Il faut aussi mentionner les dispositions de l'article J.6, qui appellent les Etats membres à concerter les positions de leurs représentations diplomatiques ou consulaires auprès des pays tiers, lors de conférences internationales et auprès d'organisations internationales.

3.3. Contribution de la RFA à la sauvegarde de l'identité nationale du peuple tibétain ainsi que de la religion et la culture tibétaines

Il est absolument indispensable à cet égard, selon moi, que le gouvernement fédéral prenne clairement position en faveur du droit du peuple tibétain à l'autodétermination. Il est nécessaire de sensibiliser la population à ces questions, d'en informer l'opinion publique. Le gouvernement devrait soutenir, notamment par une aide financière, les manifestations culturelles (littérature, art, musique), les expositions, etc. La République fédérale devrait constituer un forum de présentation du peuple tibétain comme peuple menacé, dont la survie dépend du soutien de la communauté internationale.

 
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