A Monsieur Hervé de Charette,
Ministre des Affaires étrangères
de la République Française
Quai d'Orsay
75001 PARIS
Marseille, lundi 30 septembre 1996
Monsieur le Ministre,
En tant que citoyens français, fiers d'appartenir à un pays dont la Constitution a servi de modèle à la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, en tant que citoyens européens, désireux de faire triompher un modèle de société fondé sur les valeurs humanistes, laïc, tolérant et éloigné de tous les intégrismes, en tant qu'êtres humains enfin, que blesse toute atteinte aux droits fondamentaux de l'individu et des peuples où que ce soit sur notre village planétaire, nous vous adressons par la présente déclaration une requête solennelle.
Aujourd'hui, de concert avec de multiples associations de soutien à la cause tibétaine de par le monde, rejoints par des personnes de bonne volonté et de toutes obédiences, à l'instigation de l'»India-Tibet Friendship et avec le relais efficace du Parti Radical Transnational, représenté au Parlement européen, nous nous trouvons associés à la première initiative nonviolente coordonnée à l'échelon international.
Cette initiative consiste en un jeûne dit »de dialogue , observé les lundi 30 septembre, mardi 1er et mercredi 2 octobre 1996, qui a pour finalité d'interpeller les gouvernements des pays démocratiques sur leurs actions effectives et officielles concernant les cas emblématiques du jeune PANCHEN LAMA, âgé de 7 ans, et du plus célèbre des démocrates dissidents chinois, M. WEI JINSHENG.
La date du 2 octobre, qui clôturera ce jeûne, a été choisie en référence à l'anniversaire de la naissance du Mahatma GANDHI, père de la nonviolence universellement connu. En fin de semaine dernière plus d'un millier de jeûneurs avaient été recensés.
A l'occasion de cette action de jeûne public, nous, jeûneurs, attirons votre attention sur le traitement inéquitable dont pâtit la question tibétaine au sein des instances internationales du fait des pressions ininterrompues des autorités de la République Populaire de Chine. En effet, alors que Sa Sainteté le DALAI-LAMA, Prix Nobel de la Paix à la valeur morale incontestée, ne cesse d'appeler au soutien international pour que s'ouvrent des négociations sino-tibétaines, nous sommes frappés par l'absence d'initiatives diplomatiques fortes de la part de la communauté internationale pour y contribuer.
L'Afrique du Sud, la Bosnie, le Koweït mais encore et surtout le conflit israélo-palestinien ont été l'occasion d'un déploiement d'efforts intensifs pour trouver des négociations négociées.
Aussi posons-nous cette question: »Pourquoi ne se décide-t-on pas à traiter la question tibétaine sur le fond, à savoir le droit imprescriptible du peuple tibétain à l'autodétermination en vertu notamment de l'article 1.2 de la Charte des Nations Unies (26/06/1945), de l'article 1er du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (New-York, 19/12/1966) et la résolution 1723 (XVI) votée en séance pleinière de l'Organisation des Nations Unies le 20/12/1961 et qui »...réitère solennellement sa demande tendant à ce qu'il soit mis fin à des pratiques qui privent le peuple tibétain de ses droits fondamentaux et de ses libertés fondamentales, notamment de son droit à l'autodétermination .
Nous vous serions sincèrement reconnaissants, Monsieur le Ministre, de nous éclairer sur les raisons de l'entérinement par l'Etat français de l'occupation illégale du TIBET par la Chine depuis 1950. La Conférence Internationale des Juristes, réunie à Londres du 6 au 10/01/1993, a établi, à partir d'un travail d'investigation dont on ne peut mettre en doute ni l'honnêteté ni le sérieux et l'objectivité, que »...les attributs de souveraineté étaient suffisamment présents à cette époque (1949-1950) dans le contexte d'une nation comme le Tibet et au vu de son histoire .
Bien d'autres références crédibles, dignes de foi, institutionnelles ou indépendantes, pourraient être ajoutées sur une liste.
Aussi nous croyons-nous fondés à vous demander, Monsieur le Ministre, d'envisager un réexamen serein et objectif des tenants de la politique officielle française au sujet du TIBET.
Nous allons très prochainement »mandater le Groupe d'Etudes Parlementaires sur le Tibet, présidé par M. De Broissia, pour diligenter une procédure d'interpellation adéquate.
Enfin, nous, jeûneurs, vous demandons de bien vouloir employer vos efforts afin que le jeune enfant de 7 ans, GUENDUN TCHEUKYI NYIMA, XIème PANCHEN LAMA, reconnu par le Dalaï-Lama, soit mis en situation de pouvoir remplir la haute fonction religieuse à laquelle il a été appelé selon les régles de la tradition bouddhiste tibétaine. Comme vous le savez, avec plus de détails que nous-mêmes, il se trouve toujours séquestré à Pékin avec sa famille ainsi qu'avec cinquante moines du monastère de TASHILHUNPO (siège des Panchen Lamas à Shigatsé).
Nous vous demandons également de déployer les mêmes efforts en faveur du plus célèbre des dissidents démocrates chinois, WEI JINGSHENG, »leader du mouvement »Le Mur de la Démocratie dont la santé est gravement atteinte. Arrêté le 29/03/1979 sous prétexte d'avoir »divulgué des secrets d'Etat il a été condamné à 14 ans de prison pour »crimes contrerévolutionnaires . WEI n'a jamais cessé de dénoncer ouvertement depuis sa prison les violations des Droits de l'Homme en Chine et au Tibet et de réclamer une authentique démocratisation dans son pays. Libéré en 1993, il a été de nouveau arrêté le 21/11/1995 et condamné à une nouvelle peine de 14 ans de prison. Ses conditions de santé sont, nous nous permettons de le répéter, inquiétantes.
Aussi, à l'instar de démarches similaires faites dans tous les autre pays du monde où le jeûne est observé, nous vous prions, Monsieur le Ministre,
* de demander à notre ambassadeur à Pékin de pouvoir rencontrer M. WEI JINSHENG dans la prison de TANGSHAN, où il est actuellement détenu, afin de pouvoir constater quelles sont ses conditions de santé;
* de faire parvenir à l'Ambassadeur de la R. P. de Chine en poste à Paris une note dans laquelle notre gouvernement prie le gouvernement chinois de réinstaller le jeune PANCHEN LAMA, Guendun Tcheukyi Nyima, dans son monastère de Tashilhunpo à Shigatsé au Tibet.
Elie WIESEL, autre Prix Nobel de la Paix, a écrit: »...La seule ambition du Tibet est d'être libre et de recouvrer maintenant sa souveraineté. N'est-ce pas là le devoir de toute personne décente? Si d'être libre est pour tous le but le plus important, aider quelqu'un à le devenir est l'attitude la plus enrichissante et la plus sublime! .
Dans l'attente de votre réponse et ne doutant pas que vous voudrez bien recevoir une délégation de jeûneurs à Paris, ce mercredi 2 octobre 1996, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de nos salutations distinguées,