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Chine-Tibet/prix sakharov 1997

Le bonheur, c'est du chinois

par Maroun Labaki

Le Soir Samedi 26 octobre 1996

Le bonheur? C'est une aspiration universelle, sans doute, mais à quoi au juste ? Dans la Chine communiste d'aujourd'hui, la notion a un contenu bien précis, du moins si l'on s'en référe au programme Projet Bonheur que viennent de lancer les autorités chinoises. Ce programme éducatif à l'intitulé enchanteur vise les paysannes du pays, qui sont nombreuses elles aussi, et qui continuent à procréer avec conviction malgré les consignes du planning familial officiel. Objectif: les convaincre du fait que le bonheur réside dans l'acquisition de nouvelles techniques agricoles, qui améliorent les rendements et réduisent les besoins en bras. Mais un enfant, est-ce seulement de la main-d'oeuvre? Avez-vous déjà caressé la tête de votre tracteur, le matin, pour le réveiller en douceur? La Chine semble être devenue l'empire de la confusion des genres. Mais le philosophe Lao-Tseu - VI siecle av. J.-C. - disait déjà, parait-il, que -le bonheur naît du malheur, et le malheur est caché au sein du bonhour..

Prenez par exemple la réaction des autorités chinoises cette semaine, suite à la session du Parlement européen. N'importe qui se serait réjoui, aurait applaudi à tout rompre, affichant ravissement, voire euphorie. Les responsables chinois ont au contraire exprimé un mécontentement sévère: non, il ne fallait pas que les députés européens reçoivent le dalaïlama, l'infatigable ambassadeur du malheur tibétain, et il ne fallait pas davantage qu'ils attribuent le prix Sakharov au dissident embastillé Wei Jingsheng, l'ennemi public numéro un du régime de Pékin. Nous enjoignons au petit nombre do parlementaires européens qui ménent, à des fins inavouables, des attaques malicieuses contre la Chine de no pas aller, trop loin a même menacé le porte-parole courroucé du ministère cninois des Affaires étrangères. Les démocrates, tibétains et autres, devraient-ils aller aux champs, à la rencontre du vrai bonheur? Le concept a déjà été expérimenté, on s'en souvient, par un grand ami cambodgien de ]a Chine communiste...

Le bonheur, c'est compliqué. Comme les hommes. C'est du chinois!

 
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