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développement de l'Asie

L'ASIE AU-DELA DES MYTHES

Par Chris Patten

Le Monde, 11 janvier 1997

La où il y a dix-huit ans nous avons vu le Vietnam, premier domino du jeu, envahir le Cambodge, nous assistons maintenant à l'invasion du Vietnam par les investisseurs étrangers. C'est l'histoire de la plus grande part du continent De Mao à MacDonald's en moins une génération. Un excès de battage publicitaire donne toujours la gueule de bois. Pour l'heure, c'est l'inverse. Un ralentissement dans la croissance en Asie de l'Est - qui résulte en partie du durcissement des conditions du marché en Amérique du Nord et en Europe, et en partie de la surproduction dans le domaine de l'électronique - transforment les pom-pom girls d'hier en Cassandre. On nous raconte que ce qui s'est passé en Asie n'a finalement rien d'extraordinaire et que l'avenir est très noir. Comment trouver raisonnablement notre route entre ces deux extrêmes ? Que s'est il passé en Asie ? Que va-t-il s'y passer ? Avons-nous, nous, les pays de l'Union européenne, des leçons à en tirer en Occident ? Comment aborder les mystères de l'Orient? Le mi

racle : y en a-t-il eu un ? Pas vraiment. La croissance économique qui s'est répercutée en cascade du japon sur Hongkong, Singapour, Taïwan et en Corée du Sud, puis en Malaisie et en Indonésie, et maintenant en Chine et au Vietnam, n'a rien d'extraordinaire ni d'inexplicable. Elle est la réplique de ce que nous avons connu en Europe et en Amérique. La différence essentielle est qu'aujourd'hui le phénomène est beaucoup plus rapide. Après 1840, il a fallu cinquante ans aux Etats-Unis pour doubler la production par habitant. Après 1978, la Chine a fait la même chose en dix ans. La réussite économique de l'Asie est patente. On la constate dans le développement de la construction urbaine, dans une amélioration des conditions de santé et d'habitat, dans une participation grandissante aux études postscolaires, une augmentation du revenu disponible, des cartes de crédit, des centres commerciaux, des terrains de golf comme des parcs scientifiques. Ne perdons pas cependant le sens de la perspective. L'Europe l'Amériq

ue ne sont pas pour au tant hors jeu. Le PIB de la Grande-Bretagne est presque le double de celui de la Chine et il est supérieur au total de ceux de Hongkong, de la Thaïlande, de la Malaisie, de l'Indonésie, de Singapour, des Philippines et de l'Inde réunis. Le PIB de la Chine égale a peu près celui du Benelux. Bien entendu, le rythme du changement pourrait modifier fondamentalement ces comparaisons. Mais là, une extrême prudence s'impose. Si - je répète: si - les taux de croissance économique de l'Asie au cours des dernières années se maintiennent, les économes asiatiques dépasseront celles de l'Europe de l'Ouest et de l'Amérique du Nord réunies aux alentours de 2020. Mais à ce moment-là la population de l'Asie atteindra environ trois fois celle de l'Europe de l'Ouest et de l'Amérique du Nord additionnées. A l'exception du japon, de Hongkong et de Singapour, le revenu par habitant, en Asie, restera donc vraisemblablement très au-dessous du niveau de celui de l'Europe de l'Ouest et de l'Amérique du Nord. Il

faudrait aussi rappeler que l'Asie, en cette fin de siècle, ne fait que rétablir la position qu'elle avait au début du siècle. Le FMI a estimé que les économies asiatiques seront, en l'an 2000, de moitié plus fortes quelles ne l'étaient en 1993 et quelles représenteront alors environ 30 % de la production mondiale. En 1900, leur part était de 32%. L'Asie aura beaucoup de mal à retrouver avant 2010 sa position d'il y a un siècle. Et s'il est probable que la croissance en Asie va distancer celle de l'Europe et de l'Amérique du Nord pendant la première partiedu siècle prochain, les taux de croissance, eux, vont vraisemblablement décliner. Hongkong est un bon exemple: les taux de croissance, qui étaient de 9% au cours des années 60 et 70 , sont tombés à 7 % dans les années 80, et il semble bien qu'ils seront ramenés à 5 % pour les années 90. Les mythes à propos du développement social et économique de l'Asie abondent. Mais, tout d'abord, de quoi parlons-nous ? L'Asie n'est pas une entité. C'est un continent qui

inclut à peu près trois milliards d'habitants, des centaines de peuples, de cultures et de langues. Nous devrions renoncer aussi à l'idée que la réussite économique asiatique est générale. La Birmanie et la Corée du Nord sont des pays asiatiques, mais personne n'y parle de miracle économique. La renaissance économique de l'Asie s'explique-t-elle par les valeurs exceptionnelles propres à ce seul continent ? C'est l'argument qu'avancent à grand fracas des dirigeants adeptes de l'autoritarisme pour justifier les limitations qu'ils mettent aux libertés de ceux qu'ils gouvernent. Ils affirment que l'Asie a tourné le dos au libéralisme décadent de l'Ouest, lequel encourage un individualisme inopérant et un laxisme facteur d'appauvrissement. D'après cette théorie, le succès de l'Asie est fondé sur la discipline et l'ordre confucéens. Pour eux, la croissance du PIB exige la poigne d'un gouvernement ferme, libéré de la critique ou de la lenteur de compréhension de journalistes irresponsables ou d'opposants politique

s non éclairés. L'Europe, l'Amérique et l'Asie ne sont pas identiques. Mais les pays qui les composent ne le sont pas non plus. Parler des valeurs asiatiques demande que l'on prenne en compte les différences entre la démocratie en Inde et le léninisme de marché en Chine; entre une presse libre aux Philippines ou (pour le moment encore) à Hongkong et un contrôle des médias ailleurs; entre la corruption dans beaucoup de pays d'Asie et un gouvernement propre à Singapour. Comment amalgamer sous une même rubrique les musulmans malais, les bouddhistes zen japonais, les catholiques philippins et l'héritage de la culture hindoue à Bali ? Si nous acceptons cette notion de valeurs asiatiques, alors nous devons nier l'universalité des droits de l'homme et de la liberté d'expression. Un coup de matraque sur la tête fait toujours aus-si mal, où que l'on soit. C'est du racisme que de suggérer que les valeurs de la liberté n'importent pas aux Asiatiques, dont beaucoup, comme l'a rappelé Anwar Ibrahim, vice-premier ministre

de Malaisie, ont lutté et sont morts pour la liberté, dans le combat pour l'indépendance nationale. Il West pas nécessaire d'être un missionnaire &une quelconque forme de démocratie pour croire que dans tous les pays, à mesure que les gens vivent mieux, voyagent davantage, apprennent à lire, écrire et envoyer des fax, ceux-ci vont vouloir prendre une plus grand part aux décisions prises en leur nom. Les détenteurs du pouvoir en Asie devraient voir qu'un gouvernement plus responsable et plus ouvert est invariablement la conséquence, tôt ou tard, de la croissance économique et de l'ouverture de marché. Pour ceux qui, hors d'Asie, cherchent à la fois à mettre en oeuvre une politique sensée à l'égard des pays de la région et à voir quelles sont les leçons à tirer de leur réussite, il y a une erreur à éviter. Une politique réussie ne réclame pas de nous que nous abandonnions nos valeurs pluralistes et libérales. Nous n'avons pas besoin de nous comporter comme des missionnaires évangéliques. Mais pourquoi remettr

e en question, voire écarter, cette vérité simple qui a donné à la seconde moitié de notresiècle une décence et une dignité dont on a bien besoin: partout, le meilleur gouvernement -et celui qui réussit le mieux - est le gouvernement qui sait conjuguer liberté économique et liberté politique ? En mettant de côté l'aspect technique du développement - taux d'épargne élevé, taux de croissance et d'échanges commerciaux, taux d'investissement, etc. -, quels ont été en réalité les principaux facteurs de l'ascension de l'Asie vers la prospérité ? Premièrement, il y a eu la croyance dans le progrès. Les Asiatiques étaient décidés à élever leurs familles au-dessus du seuil de survie de pauvreté. Après la reconstruction héroïque de l'Europe qui a suivi 1945 et après la défaite pacifique - sinon sans stress - du totalitarisme, on dirait parfois que beaucoup d'Européens en sont venus à douter que davantage de progrès soit possible ou même souhaitable. A force de se critiquer eux-mêmes, ils s'empêchent d'élever le niveau

commun. Dans les colonies de squatters de Hongkong il y a quarante ans, dans les blocs d'immeubles surpeuplés de Singapour après 1945, et dans les villages misérables du nord de la Thaïlande et des bidonvilles de Manille aujourd'hui, des hommes et des femmes se sont hissés à la force du poignet, convaincus qu'ils peuvent améliorer les choses grâce à leurs efforts. Cette qualité victorienne est peut-être le trait d'un stade particulier du développement économique. Deuxièmement, les économies de ces régions ont poursuivi, dans l'ensemble, des politiques orientées vers le marché. Alors que beaucoup de gouvernements asiatiques étaient et restent très peu tolérants vis-à-vis des libertés civiles et politiques, la plupart ont dû reconnaître tôt ou tard la nécessité d'accorder à leurs citoyens la liberté économique. Encore que, ici, nous courrions le risque de généraliser: décrire les économies asiatiques comme si Adam Smith leur avait donné à toutes son approbation est ridicule. Même à Hongkong, où Adam Smith aur

ait pu se sentir le plus à l'aise, l'intervention du gouvernement a été énorme, notamment dans le domaine du logement, avec des résultats qui n'auraient pas surpris le sage Ecossais. Dans toute la région, il a fallu forcer l'ouverture de certains marchés ; dans certains pays, le gouvernement lui-même - voir l'exemple du japon reconnaît la nécessité de la dérégulation et de moins de bureaucratie. Subventions et cartels ont déformé certaines économies d'Asie. Dans les économies les mieux réussies, un investissement public substantiel a été fait dans des programmes sociaux; santé, éducation... De plus beaux jours pour l'Asie, cela signifie de plus beaux jours pour nous tous. Davantage de revenus disponibles dans les poches des travailleurs asiatiques et de leurs familles sera l'un des plus puissants moteurs de la croissance économique globale de la prochaine génération, à condition que nous puissions faire de la place dans le reste du monde pour les produits qu'ils vendent sur nos marchés. C'est le moment d'ins

ister sur la libéralisation des échanges sous la houlette de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Le temps n'est pas au protectionnisme, quels que soient ses déguisements actuels. Les échanges commerciaux sont-ils en fin de compte tributaires des concessions sur le plan politique ? A la marge, peut-être. Mais, globalement, ce n'est pas ce que nous enseigne l'observation des flux commerciaux. Ce qui s'est passé en Asie au cours des dernières années ne doit pas nous conduire à abandonner le sens commun ou les principes. Nous avons, à l'ouest, des leçons à en tirer. Mais nous devons garder le sens des proportions et reconnaître les problèmes qui seposeront pour beaucoup de pays d'Asie. La démographie, l'environnement, une croissance urbaine explosive et des transitions politiques difficiles vont, au tournant du siècle, secouer et remodeler certains des tigres d'Asie. Il reste que ce qui a commencé en Asie est irréversible, économiquement et politiquement. Et c'est là une très bonne nouvelle pour nous tous

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