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Conferenza Tibet
Partito Radicale Centro Radicale - 11 aprile 1997
Tibet/évolution de la Chine

IDEES FAUSSES SUR LE TIBET LES

par Odon Vallet

Le Monde, jeudi 10 avril 1997

Changements de pouvoir en Chine vont-ils affecter l'avenir du Xizang, ce trésor de l'Ouest mieux connu en Occident sous le nom de Tibet ? La question tibétaine est d'autant plus complexe qu'il y a plusieurs Tibets. Le Tibet administratif est une région autonome de la République populaire de Chine, qui s'étend sur 1 220 000 km' et compte environ 2 300 000 habitants. Le Tibet historique comprend, outre cette zone centrale, des territoires situés dans les provinces chinoises du Quinghai, du Sichuan, du Gansu et du Yunnan: il couvre 3 000 000 de km' et compterait 4 500 000 habitants. Le problème tibétain n'est donc pas du seul ressort de Pékin: il intéresse des autorités provinciales qui auront leur mot à dire dans tout règlement politique. L'influence culturelle du Tibet s'étend sur une zone encore plus vaste (environ 3 500 000 Km pour une dizaine de millions d'habitants) puisque aux entités précédentes s'ajoutent des régions situées en Inde (comme le Sikkim et -le Ladakh), au Népal et au Bhoutan, dont la lang

ue et la religion sont venues du Tibet. Les problèmes tibétains sont donc inséparables des relations entre la Chine et l'Inde. Ce qu'on nomme culture tibétaine est devenue, au fil des siècles et des migrations, une culture de l'Himalaya, ce domaine des neiges qui accueille, sur ses deux versants, des populations ayant une foi et un passé communs. Le parallèle avec le Pays basque est frappant: comme les frontières de la culture tibétaine, celles de l'identité basque chevauchent deux grands pays (la France et l'Espagne), se jouent de la ligne de crête pyrénéenne et ne coïncident pas toujours avec les limites des collectivités locales: le Ladakh tibétain (ou petit Tibet ) ne se confond pas plus avec une province indienne que le Pays basque français avec le département des Pyrénées-Atlantiques. Sur un mode plus dramatique, le sort des Tibétains évoque celui des Kurdes, population montagnarde habitant sur le territoire de plusieurs Etats et dont l'avenir est considéré par Ankara comme un problème intérieur tu

rc. Pékin voudrait aussi réduire le Tibet à une affaire intérieure chinoise en le repeuplant massivement par des Han, l'ethnie majoritaire de l'ancien empire du Milieu. Mais la géographie humaine diffère des cartes politiques dès lors que les déplacements de population relèvent de l'arbitraire. On ne saurait pourtant dénier toute légitimité à la présence chinoise au Tibet. Par la convention de Pékin du 27 avril 1906, la Grande-Bretagne reconnaissait la suzeraineté chinoise au Tibet, suzeraineté confirmée, en 1907, par un accord anglo-russe. Toutefois, en 1913, le 13, dalaï-lama rompit ce lien de vassalité et proclama l'indépendance du Tibet. Comme le droit international ne reconnaît plus la notion d'Etats-vassaux, la question de la souveraineté chinoise n'est pas simple à résoudre. D'autant que la Chine dispose d'un siège permanent (et donc d'un droit de veto) au conseil de sécurité de l'ONU et peut bloquer toute solution diplomatique qui n'aurait pas son agrément. L'actuel dalaï-lama (14e du nom) est con

scientdes risques de blocage et cherche en Europe les soutiens politiques et médiatiques que lui valent son titre de Prix Nobel de la paix (1989) et son incontestable rayonnement spirituel. Mais cette dimension religieuse du Maître à la sagesse aussi grande que l'océan recouvre bien des conflits théologiques. L'Occident les ignore souvent, persuadé que la méditation bouddhique n'engendre que la sérénité. Mais le bouddhisme tibétain n'a pas toujours été un modèle de non-violence et les écoles rivales ont souvent réglé leurs comptes de manière musclée, par l'intermédiaire des dop-dop , leurs moines-soldats. Aujourd'hui encore, le bouddhisme tibétain est le révélateur d'une triple division au sein de la communauté bouddhique mondiale. D'abord, le dalaï-lama n'est le chef spirituel que de l'une de ces quatre écoles (celle des Gelugpa, ou vertueux), les trois autres conservant leur propre hiérarchie et leur propre discipline. Ce titre de dalaï-lama fut accordé en 1578 par le prince mongol Altan Khan (qui exerç

ait un protectorat sur le Tibet) puis confirmé par les empereurs chinois qui prirent la suite des Mongols au début du XVIIIe siècle: les puissances occupantes entendaient n'avoir qu'un seul interlocuteur religieux comme les empereurs romains ne voulurent qu'un responsable chrétien, l'évêque de Rome. C'est ainsi que le pouvoir du dalaï-lama évoqua de plus en plus celui du pape, Etats pontificaux compris, et que, jusqu'en 1959, le Tibet devint une théocratie. Ensuite, le bouddhisme tibétain est l'une des composantes du lamaïsme, branche du bouddhisme présente dans les régions himalayennes, en Mongolie et en Chine, qui bénéficia longtemps du soutien des souverains chinois: le temple des lamas de Pékin est d'ailleurs un ancien palais impérial où l'empereur Yongzheng (17231736) venait se recueillir devant les cendres de son père. Le pouvoir de Pékin s'est toujours reconnu un rôle de protecteur et de surveillant de ce bouddhisme, considérant que le dalaï-lama, comme les autre s dignitaires religieux, lui devait al

légeance. Enfin, le lamaïsme est lui-,même une tendance minoritaire du bouddhisme, religion fondamentalement égalitaire et dépourvue de hiérarchie. Or les lamas, ceux qui se tiennent plus haut , exercent un ascendant spirituel, comparable à celui des gourous indiens, et beaucoup plus fort que celui des moines ordinaires. Les rivalités entre le dalaï-lama, manifestation du bodhisattva ( être éveillé ) de la miséricorde, et le panchenlama, manifestation du Bouddha de la lumière infinie, sont donc peu compréhensibles pour la majorité des bouddhistes. Quant aux tulku, ces réincarnations de grands maîtres défunts dans de jeunes enfants, popularisées, en Occident, par le film de Bernardo Bertolucci Little Buddha, ils sont propres au bouddhisme tibétain. Celui-ci, qui est un syncrétisme de bouddhisme, d'hindouisme et de religion bön (un vieux culte local), demeure assez isolé au sein du bouddhisme asiatique. C'est l'inverse en Occident, au point qu'on y compte désormais plus de bouddhistes tibétains qu'au Tibet.

Une culture et une religion menacées de disparition dans leur pays d'origine trouvent une nouvelle jeunesse à des milliers de kilomètres de là, un peu comme le christianisme, déclinant en Europe, prospère en Inde. Le Tibet comptait, avant 1950, plus de 500 000 moines, soit 30 % de la population masculine (un record mondial!), dont il ne reste aujourd'hui que quelques milliers en raison, notamment, des persécutions chinoises. Mais des dizaines de monastères tibétains ouvrent en Dordogne, Auvergne, Bourgogne ouSavoie, où les moulins à prières remplacent les chapelets et les robes des moines les soutanes des prêtres. Dans une Europe sécularisée, le dalaï-lama fait figure d'éveilleur spirituel, même s'il n'a autorité que sur moins de 1 % des bouddhistes du monde. Ses qualités théologiques et politiques en font le porte-parole d'un renouveau religieux et d'une défense des droits de l'homme, le successeur de jean Paul Il dans le rôle de témoin d'une nation opprimée par une puissance athée. Mais l'avenir du Tibet

se joue encore plus en Asie, où l'amélioration des rapports entre la Chine, le Pakistan et l'Inde pourrait faciliter un règlement négocié des conflits himalayens et un meilleur respect de l'autonomie du Tibet dans un ensemble chinois rénové.

 
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