LES ETATS-UNIS RENOUVELLENT A LA CHINE LA CLAUSE DE LA NATION LA PLUS FAVORISEE
par Laurent Zecchini
Le Monde, jeudi 26 juin, 1997
En dépit de leurs contentieux avec Pékin, les Etats-Unis entendent maintenir à l'égard de la Chine leur politique d'»engagement constrictif . Le mardi 24 juin, ils lui ont ainsi renouvelé la clause de la nation la plus favorisée. Au même moment, ils annonçaient qu'ils seraient présents, à un rang subalterne, lors des cérémonies qui marqueront la rétrocession de Hongkong à la Chine. A la veille de la rétrocession de Hongkong, les autorités de Pékin peuvent se féliciter du vote de la Chambre des représentants, qui, mardi 24 juin, par 259 voix contre 173, a rejeté un projet de loi présenté par le républicain Gerald Solomon, confirmant ainsi la décision de Bill Clinton de renouveler pour un an la clause de la nation la plus favorisée (MFN) dont bénéficie la Chine.
Même si l'issue finale n'a jamais été incertaine - une majorité des deux tiers bien difficile à obtenir aurait été nécessaire pour passer outre au veto présidentiel -, l'administration s'est livrée à une intense campagne de persuasion afin de limiter le nombre des défections parlementaires, consciente qu'il en allait de la crédibilité de l'»engagement constructif qui caractérise la politique chinoise de la Maison Blanche. De là à saluer un »consensus grandissant en sa faveur, comme l'a fait Samuel »Sandy Berger, conseiller présidentiel pour la sécurité nationale, c'est aller un peu vite en besogne (en 1996, le renouvellement de la MFN avait été acquis par 286 voix contre 141), même s'il est vrai que l'hémorragie parlementaire est plus limitée que ne le craignait la Maison Blanche. M. Clinton a estimé qu'il s'agissait d'un vote en faveur des »intérêts américains , rappelant ainsi l'argumentation de l'administration: le meilleur moyen de faire évoluer le régime chinois est de coopérer avec lui, tout en fix
ant des limites à ce dialogue. »Lorsque nous serons en désaccord avec la Chine, a précisé le. président, par exemple, en ce qui concerne les droits de l'homme et la liberté religieuse, nous continuerons à le dire franchement. Remettre en cause le statu quo, ont souligné les partisans de la MFN, nuirait probablement davantage à l'industrie américaine qu'aux intérêts économiques chinois, tout en menaçant quelque 70 000 emplois à Hongkong, alors même que Washington demande instamment à Pékin de ne pas affaiblir la santé économique du territoire ni de remettre en cause les libertés de ses habitants. Les objections des partisans de la fermeté avec Pékin ne disparaissent pas pour autant: outre que le déficit commercial avec la Chine s'accroit, l'avenir de Hongkong reste incertain, et il ne se passe guère de semaine sans que de nouvelles révélations alourdissent le contentieux sino-américain. Après l'annonce du détournement de superordinateurs au profit de la recherche militaire chinoise, puis la divulgation d'un
rapport de la CIA indiquant que la Chine avait aidé le Pakistan à construire des missiles balistiques, la centrale syndicale AFL-CIO vient de publier un rapport montrant que les marchandises chinoises vendues aux Etats-Unis, sont souvent fabriquées par des entreprises contrôlées par l'année populaire. Le secrétaire d'Etat, Madeleine Albright, a rappelé, mardi, que si elle se refusait à participer aux cérémonies d'investiture de la nouvelle Assemblée provisoire de Hongkong, c'est parce que la création de cette institution, imposée par Pékin, était »injustifiée . Or, au même moment, le porte-parole du département d'Etat annonçait que les Etats-Unis seraient présents aux festivités, représentés par le consul américain à Hongkong, Richard Boucher, ce qui n'a pas manqué de déclencher les foudres de Jesse Helms, président républicain de la puissante commission des affaires étrangères du Sénat.