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Conferenza Tibet
Partito Radicale Centro Radicale - 21 agosto 1997
LIBERTÉ POUR LE TIBET/DÉMOCRATIE POUR LA CHINE-FAX ! - N.62

< LIBERTÉ POUR LE TIBET/DÉMOCRATIE POUR LA CHINE-FAX ! - N.62 >

Bulletin d'information sur les campagnes du Parti Radical Transnational pour la liberté du Tibet et pour la démocratie en Chine.

"I truly believe that individuals can make a difference in society. Since periods of great change such as the present one come so rarely in human history, it is up to each of us to make the best use of our time to help create a happier world".

Tenzin GYATSO, XIVe Dalaï Lama, 1992

Numéro 62 du 14 août 1997

Rédaction: Tiziana Falletti

Tél. +32-2-2304121 - Fax +32-2-2303670

mailto:T.Falletti@agora.stm.it

http://www.agora.stm.it/pr

telnet:Agora.stm.it

Distribution: Alberto Novi

Rue Belliard 89 - Rem 508, 1047 Bruxelles (B)

Tél. +32-2-2304121 - Fax +32-2-2303670

Ce bulletin est publié en anglais, français, espagnol, italien, hongrois, croate et roumain.

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EN VACANCES A GENEVE...

Une délégation du Parti radical participe actuellement à Genève aux travaux de la 49ème session de la Sous-Commission de l'ONU sur la prévention de la discrimination et sur la protection des minorités. Une autre occasion qui permet de souligner la gravité des violations des Droits de l'Homme dans différentes parties du monde.

Le débat sur le Satyagraha pour la liberté du Tibet occupé se poursuit. Dans ce numéro, nous publions la première intervention d'un représentant de la communité tibétaine en exil: Jamyang Norbu.

A tous, nous renouvelons l'invitation à intervenir dans ce débat.

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GENEVE: LE PR A L'ONU POUR LES DROITS DE L'HOMME

Les travaux de la 49ème session de la Sous-Commission de l'ONU sur la prévention de la Discrimination et sur la protection des minorités se poursuivent à Genève. Le Parti radical transnational y prend part en qualité d'Organisation Non Gouvernementale de première catégorie. Le Pr y a présenté en autres des rapports et des recommandations sur les points suivants:

- sur l'administration de la justice et sur le respect des droits des détenus

Sur ce point, le Pr condamne la persistance de la pratique de la peine capitale et réclame la libération de Wei Jingsheng ainsi que des détenus politiques chinois;

- sur la violation des droits des minorités

En ce qui concerne la situation toujours plus préoccupante au Kossovo et en Macédoine, le Pr demande l'ouverture de négociations internationales sponsorisées par l'ONU et l'Union Européenne;

- sur la réalisation des droits économiques et sociaux

La réalisation de ces droits demeure tout à fait insuffisante en Chine où les ouvriers travaillent dans des conditions souvent très dangereuses, tandis qu'intolérance et discrimination religieuse sont couramment pratiquées par les autorités gouvernementales à l'encontre des populations musulmanes du Turkestan oriental et bouddhistes de Mongolie intérieure et du Tibet, ainsi que par le truchement de la colonisation de territoires entiers et la pratique des transferts forcés de population chinoise.

- sur l'affirmation des droits des femmes

Ce document du Pr prend comme point de départ la situation des femmes à Timor Est et des peuples indigènes de Papouasie occidentale, du Bangladesh et du Nigeria.

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DEBAT SUR LE SATYAGRAHA

C'est au tour de Jamyang NORBU, membre de la communauté tibétaine aux Etats-Unis, d'intervenir dans ce débat. Il s'agit d'une longue intervention dans laquelle l'auteur analyse le rapport entre la nonviolence et le conflit tibétain. Quoiqu'écrit dans un contexte différent, nous sommes convaincus que cet article contient d'importantes pistes de réflexion pour notre débat sur le Satyagraha. Nous remercions chaleureusement l'auteur de nous avoir donné la possibilité de le publier.

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QUELQUES VERITES GANDHIENNES

SUR LE MOUVEMENT DE PAIX TIBETAIN (7)

NONVIOLENCE ET NON-ACTION

de Jamyang Norbu

Dans l'inlassable engagement du Dalaï Lama et de ses partisans à soutenir la lutte tibétaine en tant qu'action totalement nonviolente, menée par un groupe composé d'individus spirituellement exceptionnels (qui préféreraient renoncer à leur pays plutôt que de poser le moindre acte violent), la vérité fut malheureusement la première des victimes. Cette pieuse mission dont la nécessité est discutable, de réverbérer l'histoire et les événements contemporains du Tibet à travers le filtre rose de l'idéologie pacifiste officielle fait l'impasse sur le sacrifice et le courage de milliers de Tibétains combattant pour la liberté, y compris des moines et des lamas, qui prirent les armes pour la liberté de leur pays. Dans d'autres articles, j'ai déjà exposé en détail mes opinions en la matière, et il n'est peut-être pas nécessaire de traiter à nouveau de ce thème.

Je veux aborder ce sujet ici, principalement pour attirer l'attention des lecteurs sur certaines observations relatives à "vérité" et "nonviolence" attribuées à un homme hautement qualifié pour exprimer son opinion en la matière. Le Mahatma Gandhi retenait l'amour de la vérité comme une qualité humaine plus importante que la nonviolence. Il définissait ses méthodes par Satyagraha, soit la "fermeté dans la vérité", et il percevait à quel point des termes tels que "pacifisme" ou "nonviolence" ne réussissaient à transmettre complètement l'essence de sa philosophie de l'action.

Les idées de Gandhi relatives à l'ahimsa ou nonviolence n'étaient pas simplistes. Il reconnaissait que le fait même de vivre impliquait l'himsa, soit la destruction de la vie, même à très faible dose. Il participa comme brancardier à la Guerre des Boers, à la Rebellion des Zoulous ainsi qu'à la Grande Guerre, et par après, il expliqua sa conduite: "Il m'apparaissait extrêmement clair que la participation à une guerre n'était pas cohérente à l'ahimsa. Mais il n'est pas toujours donné à lindividu de percevoir avec clarté ce qu'il est nécessaire de faire. Souvent, les défenseurs de la vérité sont obligés d'errer dans l'obscurité".

Il ne cherchait pas à justifier le rôle qu'il avait personnellement joué dans ces guerres, et ce non pas parce qu'il s'agissait d'un rôle limité. "Du point de vue de l'ahimsa, il n'existe aucune distinction entre combattants et non combattants" soutenait Gandhi. Celui qui se limite à soigner les blessés au combat ne peut être absous de la faute qu'est la guerre. La question est subtile. Elle admet les différences d'opinion et c'est pour cette raison que j'ai proposé ma théorie de la manière la plus claire possible à quiconque croit en l'ahimsa et s'emploie au maximum à la mettre en pratique sur le chemin de la vie."

Au début de la seconde guerre mondiale, Gandhi soutint une résolution pour le recrutement des Indiens à la guerre. Il s'employa aussi personnellement au recrutement de soldats, provoquant souvent leur déception. "Tu es un défenseur de l'ahimsa, dirent plusieurs de ses partisans, comment peux-tu nous demander de prendre les armes?"

La réponse de Gandhi indique que, parfois, il considérait prioritaire la responsabilité sociale d'un individu et son devoir envers son pays même par rapport à une puissante conviction morale telle que la nonviolence. Il disait: "je reconnais que nous devons et que nous avons décidé de défendre l'Empire dans le danger de manière inconditionnelle et évidente, et nous souhaitons vivement devenir son partenaire dans un futur immédiat à l'instar des autres dominions étrangers.(..) Je ferais en sorte que l'Inde offre en sacrifice à l'Empire tous ses fils les plus courageux en cette période de crise, et je sais que de cette manière, l'Inde deviendrait le partenaire favori de l'Empire et que les discriminations raciales seraient choses révolues."

Un des arguments que Gandhi a soutenus durant le recrutement des Indiens dans l'armée n'a pas été particulièrement bien reçu par les Anglais. "Parmi les nombreux méfaits de la domination britannique sur l'Inde", affirma Gandhi, "priver une nation entière de ses armes s'inscrira dans les pages de l'histoire comme la plus terrible. Si nous désirons l'abrogation de l'Arms Act, si nous désirons apprendre à faire usage des armes, voilà alors une occasion incroyable".

Lorsque les Pakistanais envahirent le Kashmir entamant l'approche à Srinagar, suite à l'annexion du Kashmir à l'Inde en date du 26 octobre 1947, les représentants de pointe du Kashmir, y compris le Maharajah et le Cheik Abdullah, lancèrent des appels au Premier Ministre Nehru qui laissa transparaitre une certaine hésitation.

Enfin, suite à l'insistance de Patel, Nehru ordonna aux militaires d'avancer. Par radio, Patel réquisitionna les avions disponibles en Inde et il entama les opérations aériennes. Un Gandhi finalement soulagé dit à Patel: "Lorsque j'ai entendu parler de l'invasion du Pakistan, j'étais très abattu et pris d'angoisse. Mais quand l'opération Kashmir a commencé, je me suis senti très fier d'eux, et pour chaque avion chargé de matériel et d'armes, de munitions et d'équipement destinés à l'armée, je me sens fier". Gandhi éclaircit sa position en affirmant "Toute injustice et violation commise au détriment de notre terre devrait être défendue par la violence, là où la nonviolence s'avère impraticable... Si la défense est possible par le biais de la nonviolence, tant mieux, car c'est la solution qui me plairait le plus. Si cela dépendait de moi, je ne toucherais aucune arme, quelle qu'elle soit, pistolet ou autre. Mais jamais je ne voudrais voir l'Inde tomber dans un état d'impuissance". (Sardar Vallabhbhai Patel; In

dias Iron Man, B. Krishna, Harper Collins India, 1996.)

Cependant, malgré toutes les exceptions que Gandhi pu considérer acceptables du point de vue des nations et des individus en matière d'autodéfense, il se montrait certainement un fervent défenseur de l'ahisma. Il est mort à cause d'un projectile tiré par son assassin, parce qu'il considérait la protection d'un garde du corps comme un acte de condescendance à la violence pour sa défense personnelle. Bien que Gandhi ait été un fervent défenseur de l'idéologie nonviolente, j'estime qu'il ne s'est pas laissé aveugler par celle-ci au point de ne pas comprendre la réalité ou de propager une telle idéologie de manière malhonnête. Il n'a pas hésité à prétendre que le recours à la violence ne pouvait être totalement évité dans le déroulement de l'histoire de l'homme.

Que l'on admire Gandhi pour sa nonviolence, pour sa spiritualité ou pour son amour de la vérité et son courage (ces deux dernières qualités sont, selon moi, les plus fascinantes chez cet homme), je crois qu'il ne fait aucun doute que les Tibétains et leurs alliés ont énormément à retenir de sa vie et de sa mission pour notre lutte. Au sein de la société exilée tibétaine, les leaders et les politiciens vénèrent Gandhi de manière parfois presque rituelle et par habitude, mais ils n'investissent que peu d'énergie dans l'étude de ses oeuvres, et ceci est réellement dommage. Bien qu'il soit possible de désapprouver certaines idées de Gandhi (personnellement, j'éprouve quelques difficultés en ce qui concerne ses opinions en matière de célibat et de végétarisme), la clarté et l'intégrité de sa pensée resplendissent dans tous ses livres et articles.

En comparaison, les opinions des Tibétains sur la nonviolence s'avèrent confuses et naïves, et semblent dans certains cas tirer leur origine des propres doctrines magiques de la pensée tibétaine traditionnelle. Le porte-parole de la Tibetan Peoples Assembly (Assemblée du peuple tibétain) Samdhong Rimpoche, par exemple, qui a élaboré une version personnelle de la doctrine du Satyagraha de Gandhi, qu'il a maladroitement traduite par "Truth Insistence" - Insistance de la vérité -, a un jour déclaré de manière plutôt fantaisiste, que si 50% des Tibétains étaient en mesure de comprendre la doctrine de la "Truth Insistence", les Chinois seraient contraints d'abandonner le Tibet avant trois mois. Le Dalaï Lama ne proclame pas d'affirmations aussi extravagantes pour confirmer l'efficacité de sa doctrine du "Middle Way" (Voie moyenne). Ces deux conceptions, toutefois, sont enracinées dans la pensée métaphysique traditionnelle et révèlent clairement une compréhension imparfaite de la politique des Etats nationaux et d

e la réalité darwiniste du monde contemporain. Grâce à sa formation juridique à Londres, à sa pratique successive et à son activisme en Afrique du Sud, à la lecture des penseurs occidentaux contemporains, Gandhi semble percer plus en profondeur les réalités de son temps. Il fut par conséquent en mesure de développer une stratégie de la nonviolence qui, malgré les limites détectées par quelques intellectuels indiens contemporains, a atteint son objectif principal, à savoir la libération de l'Inde du joug britannique.

Bien que Gandhi se soit considéré lui-même comme un produit de son antique culture, dont les signes extérieurs étaient le pagne, le bâton de bambou et les sabots, sa pensée politique et sociale s'inspirait en grande partie du libéralisme européen du 19e siècle, plutôt que des doctrines indigènes ou traditionnelles. D'une certaine façon, sa foi en la nonviolence n'est pas typiquement hindouiste. De son propre aveu, le pacifisme de Gandhi s'est inspiré principalement du Discours de la Montagne et de Tolstoï. Sa défense des droits des femmes et son aversion pour le système des castes émanaient certainement de la pensée occidentale contemporaine. Même son premier approfondissement du bouddhisme semble inspiré de la lecture du 'Light of Asia' d'Edwin Arnold.

En Afrique du Sud, Gandhi s'est servi de méthodes d'agitation politique typiquement britanniques: il a écrit des lettres aux quotidiens, organisé la présentation de pétitions, fondé une organisation politique à caractère associatif, tenu les comptes de manière consciencieuse, créé une petite bibliothèque et coordonné des rencontres régulières pour des conférences, des débats et pour encourager les décisions de groupe. En outre, il est l'auteur de deux pamphlets.

Gandhi fut profondément marqué par trois penseurs contemporains. Ses idées sur la désobéissance civile et sur la non-coopération s'inspirent de Thoreau. Ses convictions pacifistes font référence, comme je l'ai déjà mentionné, à Tolstoï, et plus particulièrement au livre 'Le Royaume de Dieu est en vous' ('The Kingdom of God is within you'). Quant à la doctrine sociale de Gandhi, elle s'inspire de 'Jusqu'au bout' ('Unto This Last') de Ruskin, dont l'influence sur lui fut des plus considérables. Il le lut d'un trait et sans dormir durant un voyage en train de Johannesbourg à Durban. Puis il décida de modifier sa vie en conséquence. "De ces livres, celui qui provoqua une transformation immédiate et concrète de ma vie fut 'Jusqu'au bout'. Ensuite, je l'ai traduit en Gujurati sous le titre de 'Sarvodaya' ('Le Bien-être de tous')."

Au cours de l'histoire de l'humanité, d'autres "défenseurs de la vérité" ont été obligés, à l'instar de Gandhi, de traverser une phase de leur existence "en naviguant dans le brouillard" lorsqu'ils ont tenté de concilier leurs obligations envers la nation et le peuple avec l'amour et la paix. Tous les grands leaders n'ont pas fait les mêmes choix que Gandhi, et pourtant, nous ne considérons pas leur stature morale moins élevée que celle du Mahatma.

Abraham Lincoln incarne ce qui, au sein de la démocratie américaine, avoisine le plus la sainteté. Le fait qu'il ait participé à la bataille pour la conquête de la démocratie, pour l'intégrité de la nation et pour l'abolition de l'esclavage n'efface pas aussi facilement le prix considérable payé par le peuple américain pour le refus de Lincoln d'une nation confédérée séparée. Il faut se souvenir que Lincoln n'a pas été entraîné par ruse ou contraint au combat par des hommes politiques et des généraux agressifs. Durant les premières années de guerre, en fait, Lincoln éprouva des difficultés considérables à envoyer au champ de bataille contre les forces confédérées les trop prudents généraux de l'armée unioniste.

Sous une optique pacifiste, Jeanne d'Arc serait indubitablement considérée comme une femme violente. Avant son entrée en scène, le conflit entre Français et Anglais se poursuivait avec une intensité réduite, à cause de la pénurie d'unités et la perte de sens moral de l'armée française. Menée et inspirée par Jeanne d'Arc, la violence s'intensifia fortement, mais la libération de la France du joug anglais réussit à se concrétiser.

La paix est certainement préférable à la guerre et la nonviolence à la violence. Seuls des individus limités intellectuellement ou moralement pourraient remettre en cause la justesse ou même l'honnêteté de cette affirmation. Cependant, des peuples et des nations se voient parfois confrontés à des problèmes dont l'action violente semble non seulement l'unique solution, mais également la plus héroïque et sage. La paix illusoire que Chamberlain et Daladier ont échangé avec Hitler à Monaco valait-elle le prix payé, à savoir la trahison de la Tchécoslovaquie? D'autre part, l'engagement de Roosevelt à entraîner une Amérique réticente dans la Seconde guerre mondiale a-t-il représenté les machinations d'un belliciste, comme aurait pu l'insinuer le ministère pour la propagande nazie, ou est-ce que ce fut un acte qui a peut-être sauvé l'humanité de la domination nazie?

Si nous observons près de nous, l'on pourrait qualifier d'erreur la rébellion armée des gens de Lhassa pour protéger la vie du Dalaï Lama, ou le choix de se faire escorter par les hommes armés de la résistance pour fuir Lhassa. On se demande ce qui serait arrivé s'il était resté: il aurait probablement été tué au combat, emprisonné, torturé et humilié publiquement comme le Panchen Lama.

Selon son frère Tendzin Choegyal, si le Dalaï Lama était resté au Tibet "... (les Chinois) auraient abusé de Sa Sainteté comme l'ont fait les Japonais avec le pauvre Pu Yi (le dernier empereur mandchou)". Voilà ce qu'il serait devenu, un autre Pu Yi (Kundum, Mary Craig, Harper Collins, 1997). Donc, le Dalaï Lama doit en quelque sorte sa liberté, l'actuelle célébrité sur le plan international et peut-être également le Prix Nobel de la paix, à des hommes violents qui l'ont protégé non seulement de la mort, mais également d'une situation compromettante au point de vue politique et moral. Ils l'ont de surcroît libéré d'une relation malsaine et dénuée de toute perspective avec le Parti communiste chinois.

Mon article ne cherche nullement à justifier le fait que, périodiquement, les Tibétains ont recours aux armes, mais de faire comprendre à nos leaders et à nos amis que la complexité de l'histoire de l'humanité requiert une approche plus éclectique et énergique de la question tibétaine par rapport à l'actuelle inertie pacifiste. Au cas où l'on décidait d'adopter une stratégie de la nonviolence, cette décision devrait être mûrie à travers l'étude, la discussion et l'analyse de la réalité, pas seulement comme une question de foi religieuse ou un fait accepté avec entousiasme par les célébrités et par les leaders mondiaux pour lesquels la paix, le commerce avec la Chine et le maintien du status quo ont la priorité par rapport à la liberté du Tibet.

Mais revenons à Gandhi. En dernière analyse, le type de nonviolence du Mahatma s'avère d'une efficacité bien supérieure à la nôtre, parce que sa doctrine prêchait le sacrifice, le courage et surtout l'action: des caractéristiques décidément absentes du mouvement tibétain, abstraction faite du courage héroïque de plusieurs activistes isolés à l'intérieur du Tibet. L'activisme nonviolent, par contre, est devenu pour les membres et les leaders du mouvement en exil seulement synonyme de célébrité, de concerts rock, films hollywoodiens, conférences, de carrières et d'opportunisme: l'exemple le plus important en ce sens est illustré par le renoncement à l'objectif principal de l'indépendance afin de sauver "la culture bouddhiste au Tibet", bel euphémisme pour définir le pouvoir de la théocratie.

Il faut se rappeler que Gandhi a surtout été un exemple pour tous.

La simplicité naturelle du mode de vie du Mahatma (les répliques de Sarojini Naidu à propos du montant qu'il aurait fallu pour soutenir les coûts de la pauvreté du Mahatma sont plus empreintes de subtilité que de substance), sa rapidité à affronter les matraques de la police et même la mort afin de défendre ses convictions ont représenté pour ses adeptes une inspiration indubitablement plus forte que les conférences et les doctrines. A dire vrai, au sein des groupes de nos leaders, il n'existe pas de tel courage et pareille intégrité. Mais le mouvement tibétain Satyagraha semble avoir découvert une alternative. Dans un document en ma possession, qui ressemble à un manifeste du mouvement, Samdhong Rimpoche déclare être en mesure de faire acquérir à ses adeptes les qualités nécessaires telles que le courage, la tolérance, la patience et la compassion grâce à la méthode, incroyablement vague toute solennelle quelle soit, de la compréhension philosophique. Ma connaissance des faits de Dharamsala me laisse suppos

er que nous pouvons nous attendre à une série de conférences, de séminaires et de cours au contenu confus et rassurant (avec bristols bordés de soie et onéreuses revues en couleurs offertes en souvenir à tous les délégués), l'ensemble peut-être sous l'égide de l'une ou l'autre fondation étrangère aux bonnes intentions, qui fournira enthousiasme et fonds plutôt que de faire preuve d'une compréhension des véritables et effroyables dangers qui assaillent la société tibétaine.

Au Tibet, il existe des personnes courageuses qui défient le pouvoir chinois avec un courage digne de Gandhi. Une question se pose. Est-ce que l'un de ces hardis militants est nonviolent au sens propre du terme? J'ai discuté à Dharamsala avec de nombreux nouveaux arrivants et j'en ai ressenti la nette impression que presque tous les manifestants et les militants du Tibet ont adopté des méthodes nonviolentes (dans certaines limites, puisqu'ils ont jeté des pierres et incendié un poste de police) parce que leur position ne laissait de place à aucune action de type différent. Dans le cas où une insurrection violente contre les Chinois eut été possible, ils n'auraient pas hésité à la mener. Orville Schell, qui a interviewé secrètement une série de militants à l'intérieur du Tibet pour réaliser le film 'Red Flag Over Tibet' (Drapeau rouge sur le Tibet) de la Frontline, m'a confié qu'un important lama tibétain qu'il avait interrogé soutenait la violence en tant que seule arme possible contre les Chinois.

Et c'est ce qui commence à se vérifier, bien qu'à faible mesure. A en juger des différentes bombes que l'on a fait sauter au Tibet durant les dernières années, il semblerait que certains Tibétains entêtés n'apprécient pas particulièrement notre doctrine officielle de la nonviolence. Si Gandhi était encore en vie, il est probable qu'il condamnerait les poseurs de bombes et qu'il applaudirait le mouvement de paix des exilés. Mais je ne peux être certain de cela. Dans l'édition du 11 août 1920 du Young India, il a écrit: "Je crois fermement que le seul choix que l'on puisse suggérer entre la lâcheté et la violence soit la violence. Je préférerais voir l'Inde reprendre les armes plutôt que devenir un témoin impuissant de son déshonneur".

Le Treizième Dalaï Lama, en conclusion de son Testament politique, a parlé avec franchise de la question relative à la défense de la souveraineté contre l'agression chinoise: "...nous devrons tous faire le maximum pour nous défendre de ce désastre qui plane sur nous. Utilisez des méthodes pacifiques, lorsqu'elles sont appropriées, mais si elles s'avèrent insuffisantes, n'hésitez pas à avoir recours à la force".

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Toute personne voulant prendre part à ce débat peut envoyer son intervention selon les modalités reprises dans la note ci-après. Dans les numéros précédents, nous avons publié les interventions d'Olivier Dupuis (Secrétaire du Pr), Thomas Nagant (Président des Amis du Tibet, Belgique), Anders H. Andersen (Tibet Support Group, Danemark), Klemens Ludwig (Président du TID, Allemagne), Michael Alexander (Tibet Information Service, Allemagne et Malte), Claude B. Levenson (Président du CSPT, Suisse).

Note: les articles doivent être envoyés par fax ou, de préférence, par e-mail au siège du Pr de Bruxelles (fax: 322-2849198; e-mail: pr.bruxelles@agora.stm.it), en anglais, français ou italien. La longueur du texte envoyé ne doit pas excéder les 40-50 lignes.

< TIBET CHINE TELEX >

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TIBET: A QUAND UN AMBASSADEUR SPECIAL DE L'UNION EUROPEENNE?

Tandis qu'aux Etats-Unis, le Secrétaire d'Etat, Madeleine Albright, fait sienne la demande du Congrès de nommer un coordinateur politique pour le Tibet, et tandis que le Congrès finance une radio d'information à ondes courtes en direction des Tibétains, non seulement l'Union Européenne ne prend aucune initiative, mais elle bloque carrément depuis plus d'un an les initiatives prises par le Parlement européen en faveur de l'information radiophonique des Tibétains.

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RENDEZ-VOUS

Le Professeur Samdong Rinpoche, président du Parlement tibétain en exil, se rendra en Grande-Bretagne les deux premières semaines d'octobre pour une série de rencontres publiques au cours desquelles il traitera du thème du Satyagraha. Pour de plus amples informations, vous pouvez vous adresser à: The Tibet Society of the UK, 114-115 Tottenham Court Rd, London, W1P 9HL, tel:0171 383 7533, e-mail: members@tibet-society.org.uk

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ERRATA

Dans le numéro 60 du TibetFax, nous avons publié les contributions versées pour la manifestation Genève 97. La cotisation de 860 CHF effectuée par Verein der Tibeter provient en fait de l'association allemande et non suisse Verein der Tibeter in Deutschland e.V.. Nous prions les intéressés de bien vouloir nous excuser pour cette erreur.

 
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