(Le Monde, France, 19 juillet 1999)

La Chine change de ton. Pékin souffle le chaud et le froid à propos de Taïwan

Chine : Washington minimise l'annonce par Pékin de sa maîtrise de la bombe à neutrons.

Pékin poursuit, lundi 19 juillet, sa guerre verbale avec Taiwan tout en se préparant pour des manoeuvres militaires de grande ampleur, en dépit du soutien apporté par Washington à sa politique d'une seule Chine, selon l'AFP. Alors que la tension n'a cessé de monter depuis les propos "séparatistes" tenus par le président taiwanais Lee Teng-hui il y a une semaine, aucune pause n'était perceptible lundi dans les attaques au vitriol lancées à son encontre par la presse officielle chinoise. "M. Lee est allé trop loin sur la voie du séparatisme (...) il a mis les relations entre les deux côtés du détroit dans une situation difficile sans précédant" a estimé l'agence Chine nouvelle dans un commentaire reproduit par la plupart des journaux. Mais les journaux se sont surtout félicités de la réaffirmation par le président américain Bill Clinton du soutien apporté par Washington à la politique d'une seule Chine - le principe qui régit les relations entre Pékin et Taiwan- au cours d'une conversation téléphonique dimanch

e avec le président chinois Jiang Zemin.

Washington a rompu ses relations officielles avec Taipeh en janvier 1979 et reconnu Pékin comme le seul gouvernement chinois légitime, à l'occasion de l'instauration de relations avec la Chine populaire, comme c'est le cas de tous les pays ayant établi des relations avec Pékin. M. Jiang a pour sa part réitéré que Pékin n'avait pas renoncé à l'usage de la force pour récupérer la "province" rebelle de Taiwan, dans sa première intervention publique depuis le début de crise actuelle, provoquée par des propos de M. Lee affirmant que Taipei devait entretenir des relations "d'état à état" avec Pékin. Mais le président chinois s'est également déclaré favorable à une "amélioration" des relations sino-américaines - qui n'ont cessé de se dégrader ces derniers mois - le "plus tot possible" et précisé que l'attitude de Washington face au problème de Taïwan aurait un "impact direct" sur ce processus.

"La Chine est très satisfaite de la réponse américaine" a commenté une source diplomatique occidentale, tout en estimant qu'en dépit de ce soutien, Pékin allait devoir répondre à la "provocation" taiwanaise. "Les Chinois ne peuvent pas rester sans réagir, ils doivent montrer qu'ils sont en mesure de faire quelque chose" a-t-il dit, évoquant la possibilité de manoeuvres militaires chinoises à grande échelle, du type de celles effectuées lors de la crise de 1996 à propos du détroit de Taiwan. La possibilité de grandes manoeuvres chinoises dans le détroit de Taiwan est prise très au sérieux par les analystes militaires et diplomatiques à Pékin, mais plusieurs d'entre eux, interrogés lundi, estimaient qu'elles ne pourraient pas intervenir avant plusieurs semaines. "Préparer des manoeuvres militaires à grande échelle demande du temps, au moins quelques semaines et je ne pense pas qu'une décision sera prise avant (la réunion d'été du parti communiste chinois à) Beidaihe qui se tient généralement fin juillet" a est

imé lundi une source diplomatique nord-américaine, tandis que d'autres évoquaient une "demonstration de force" d'ici au 50ème anniversaire de la fondation du régime communiste, le 1er octobre prochain. Interrogé sur les informations de presse faisant état d'exercices militaires chinois "à grande échelle" se déroulant actuellement, la plupart des experts militaires et diplomates interrogés ont estimé qu'il s'agissait très vraisemblablement "d'exercices prévus de longue date".

Un porte parole du ministère de la Défense s'est pour sa part refusé à tout commentaire. "Nous ne savons rien" a-t-il. Taiwan avait dès dimanche minimisé la tension croissante avec la Chine, estimant qu'il ne s'agissait que d'une guerre "psychologique" orchestrée par Pékin pour "faire peur" aux Taiwanais. Lors de la crise de 1995-1996, provoquée par une visite du président taiwanais Lee Teng-hui aux Etats-Unis, les Etats-Unis avaient dépêché deux porte avions dans le détroit de Taiwan. Ils répondaient ainsi au lancement par Pékin de manoeuvres navales de grande ampleur qui avaient culminé avec le lancement au printemps de 1996 de missiles dans le détroit de Taiwan, à proximité immédiate de plusieurs villes taiwanaises.

AFP