LA BELGIQUE ATTIRE LES RWANDAIS SOUPCONNES DE GENOCIDE
La réputation d'une Justice peu soutenue donc peu active explique en partie le choix des refoulés de l'ex-Zaïre et du Kenya.
par Gérald Papy
La Libre Belgique, mercredi 7 août 1997
Les changements politiques enregistrés en Afrique centrale depuis le mois de mai ont bouleversé la carte des sanctuaires traditionnels des anciens dignitaires du régime rwandais ayant fui après le génocide et la prise de pouvoir à Kigali du Front patriotique rwandais, en juillet 1994. Le renversement du régime Mobutu et l'affaiblissement du pouvoir du président Arap Moi ont privé les Rwandais soupçonnés de génocide des deux refuges majeurs qu'étaient l'ex-Zaïre et le Kenya. Des questions demeurent quant à la sincérité de la collaboration de Nairobi avec le Tribunal pénal international sur le Rwanda. Mais les arrestations des 18 et 20 juillet derniers, dont celle de Georges Ruggiu, prouvent que l'impunité complète n'est plus permise à, la majorité des Rwandais.
FRANCE, ALLEMAGNE, BELGIQUE
La guerre dans l'ex-Zaïre et la traque amorcée au Kenya ont donc obligé les personnalités suspectes à trouver d'autres repaires. Quelques pays africains, notamment en Afrique de l'Ouest, se montrent encore complaisants à leur égard. Mais, vers l'Europe aussi, les filières d'émigration ont fonctionné à plein régime ces derniers mois. Et en tête du hit-parade des destinations de villégiature, sont apparues la France -"le" pays sûr par excellence pour les génocidaires présumés -, l'Allemagne et la Belgique. Les sources d'informations divergent sur leur provenance, Congo ou Kenya, mais elles s'accordent à considérer que plusieurs personnalités influentes du régime Habyarimana ont débarqué en Belgique ou y ont envoyé leur famille, dans l'espoir de les rejoindre par après, en trompant la vigilance des autorités. Le Comité pour le respect des droits de l'homme et la démocratie au Rwanda cite notamment le cas d'un ancien préfet de Ruhengeri, au nord-ouest, soupçonné d'avoir été un des responsables des "Escadrons de
la mort". Les spécialistes estiment que la Belgique est prisée parce qu'y sont installés des réseaux d'entraide familiaux ou d'autre nature; parce que la procédure pour l'obtention du droit d'asile est telle qu'une fois introduite, la lenteur de réponse "offre un répit pour voir venir'; enfin, parce que différents événements récents ont laissé apparaître que "la Justice serait peu déterminée à. poursuivre, en Belgique les génocidaires présumés". Le génocide rwandais avait causé, en trois mois, la mort de 500.000à 1 million de Tutsis et de Hutus modérés. Eric Gillet, de la Fédération internationale des Ligues des droits de l'homme, juge que la Belgique devrait mettre un point d'honneur à oeuvrer à la consolidation de la Justice internationale en encourageant chez nous l'aboutissement des dossiers en cours. On en est loin.