GENOCIDE RWANDAIS: BELGIQUE TERRE D'ACCUEIL?
La communauté rwandaise attire les nouveaux arrivés
par Gérald Papy
La Libre Belgique, 7 août 1997
Il est impossible de dresser un inventaire exhaustif des personnes suspectées de participation au génocide au Rwanda résidant en Belgique. Délicat aussi. Non que celles-ci vivent dans la clandestinité. Mais bien parce que les accords de Schengen autorisent désormais une circulation sans entraves avec certains pays limitrophes. Et parce que les organisations qui tentent de les débusquer ne veulent pas avancer d'identités sans avoir la certitude non seulement de, leur présence sur notre territoire mais aussi de leur participation effective, à un degré ou à un autre, aux massacres.
DES "ECLAIREURS"
"Entre dix et vingt ont débarqué ces derniers mois, issus de milieux divers, monde politique, armée, milices...', explique Eric Gillet (lire ci-contre). "Des familles de militaires haut-gradés sont arrivées en "éclaireurs' dans l'espoir de faciliter plus tard l'arrivée du mari ou du père', détaille Gasana Ndoba du Comité pour le respect des droits de l'homme et la démocratie au Rwanda (CRDRR). Toutes les sources s'accordent en tout cas pour attester l'arrivée récente en Belgique de Charles Nzabagerageza, fortement soupçonné d'incitation au génocide et d'activisme au sein du noyau dur de l'entourage du président Habyarimana. Charles Nzabagerageza était préfet de Ruhengeri au moment du massacre des Bagogwe (une communauté assimilée aux Tutsis) entre janvier et mars 1991. Il a été ensuite directeur de cabinet au ministère de la Santé sous plusieurs gouvernements. Nzabagerageza vient grossir les rangs des personnalités rwandaises suspectes vivant en Belgique. La plus controversée est sans conteste Séraphin Rwabu
kumba, frère de Mme Habyarimana, membre influent de l'akazu et troisième actionnaire en importance de la Radio des Mille Collines (RTLM) qui incita aux massacres. Il est soupçonné d'avoir financé les miliciens Interhamwe et d'avoir été un des mentors des 'Escadrons de la mort". Mais, commente un spécialiste, "il était surtout un homme de l'ombre et il sera extrêmement délicat de rassembler des preuves contre lui'; ce qui expliquerait la sérénité qu'il affiche. Plusieurs 'intellectuels" séjournent en Belgique. Augustin Ndindiliyimana était chef d'Etat-major de la gendarmerie nationale au moment du génocide; on lui reproche surtout de ne pas être intervenu pour prévenir la perpétration des massacres alors qu'il assumait un poste à responsabilité qui l'a amené à participer à des réunions où ceux-ci auraient été planifiés. Vincent Ntezimana, professeur de physique accueilli depuis 1994 à l'UCL, est considéré comme le coauteur de l"'Appel à la conscience des Bahutu", texte raciste qui appelle à la violence; il es
t inculpé en Belgique. Pierre Basabose, homme d'affaires, deuxième actionnaire de RTLM, est poursuivi par le parquet général de Kigali pour détournement de l'aide humanitaire destinée aux déplacés rwandais. Jean-Baptiste Butera, président du Parti écologique, un des partis satellites de l'ancien partiunique MRND, est soupçonné d'avoir joué un rôle important dans les massacres perpétrés à Ndera. Alphonse Higaniro, chef de la Coalition pour la Défense de la République (CDR) à Butare, aurait mis des véhicules à la disposition des miliciens pendant les massacres dans cette ville. Il est inculpé, en Belgique. Son épouse Alphonsine Higaniro, chef du personnel de la société Electrogaz, est suspectée d'avoir aidé les miliciens au sein de cette entreprise. Shingiro Mbonyumutwa, ancien ministre, a participé à la campagne de sensibilisation à l'extrémisme antitutsi sur les ondes de Radio Rwanda et de RTLM.
Ont également été signalées en Belgique des personnes ayant mené une action plus concrète de collaboration ou de participation à des tueries: soeur Julienne Kizito et soeur Gertrude Consolata Mukangango, du prieuré de la Congrégation des soeurs bénédictines à Sovu, préfecture de Butare, soupçonnées d'avoir facilité des massacres au monastère; Raymond Mugabo Ndicunguye, étudiant à l'UCL, suspecté de participation à des massacres à Butare; et Barry Ndengeyingoma, accusé de divers crimes aux abords de l'immeuble de la Soferwa à Kigali.