Radicali.it - sito ufficiale di Radicali Italiani
Notizie Radicali, il giornale telematico di Radicali Italiani
cerca [dal 1999]


i testi dal 1955 al 1998

  RSS
sab 21 giu. 2025
[ cerca in archivio ] ARCHIVIO STORICO RADICALE
Conferenza Tribunale internazionale
Partito Radicale Marco - 2 ottobre 1997
Ubutabera
~~~~~~~~~

Journal independant d'informations sur le Tribunal penal international

pour le Rwanda

Arusha - 22 septembre 1997 - No 20

http://persoweb.francenet.fr/~intermed

Dans ce Numero:

* Dernier tiers-temps pour les suspects de "NAKI"

* Le "vingt-deuxieme detenu" est libere

* En bref: Affaire de Temmerman, Faux temoignage, Affaire Ntagerura...

Dernier tiers-temps pour les suspects de "NAKI"

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""

Nouvelle periode de detention provisoire pour les six suspects arretes

en juillet au Kenya. Le procureur a obtenu gain de cause le 16

septembre, sans apporter d'elements supplementaires justifiant les

circonstances exceptionnelles de la detention prolongee. D'ici un

mois, il devra produire les actes d'accusation. Dans le cas contraire,

les suspects seront remis en liberte.

A quelques details pres, c'est le meme affidavit que celui produit

lors de la premiere demande de prolongation, le 14 aout dernier (voir

Ubutabera No 16), qui est venu appuyer la requete du procureur. James

Stewart a, a nouveau, detaille les circonstances exceptionnelles en

faveur d'une nouvelle - et derniere - periode de detention provisoire.

Il a souligne les conditions de travail d'enquete, les responsabilites

auxquelles les suspects devraient repondre, la crainte de l'evasion ou

de la destruction d'elements de preuve si ceux-ci etaient mis en

liberte provisoire. Navanethem Pillay, seule juge lors de l'audience,

a fait droit a la requete du procureur, prolongeant de trente jours la

detention de cinq suspects et de seulement vingt jours celle d'Hassan

Ngeze. Elle a precise que les motivations de cette decision seraient

rendues dans les prochains jours.

Des circonstances exceptionnelles

---------------------------------

Premier representant de la defense a ouvrir les debats, l'avocat

togolais de Gratien Kabiligi a reproche au procureur de n'apporter

aucun element nouveau a sa requete, elements qui, selon Jean Yaovi

Degli, auraient justifie cette nouvelle demande de detention.

Cependant, James Stewart a precise que l'apport d'elements nouveaux au

soutien de sa requete n'etait pas obligatoire si les circonstances

exceptionnelles etaient toujours justifiees. Puis, il a precise que le

president Kama, en rendant ses decisions sur les premieres demandes de

prolongation, en aout dernier, avait lui-meme pris en consideration

les circonstances exceptionnelles alors evoquees. A l'appui de sa

demande, le representant du procureur a explique que "les enquetes

dans notre bureau poursuivent des elements de preuve se rapportant a

[la] participation directe" de l'officier rwandais, ajoutant qu'"il

existe un certain nombre d'elements identifies, il s'agit la de

personnes qui faisaient partie des forces armees rwandaises dont

certains ont ete eux-memes impliques dans les activites telles que

celles menees par le general Kabiligi". Retrouver ces personnes et

recueillir leurs temoignages demande du temps. Acceder aux archives du

ministere de la Defense rwandais, ouvertes au parquet debut aout, ne

se fait pas sans modalites prealables.

Debats sur l'article 40bis

--------------------------

Se battant sur les textes et le droit, l'avocat de la defense a

souleve des contradictions entre le statut et le reglement du TPIR. Il

a simultanement fustige les mesures qu'autorise l'article 40bis du

reglement de procedure et de preuve et conteste le fondement de la

requete du procureur quant aux "circonstances particulieres" requises

lors de la demande d'une ultime prolongation de la detention

provisoire, prevue par ce meme article 40bis : "Ce n'est pas l'article

40bis mais l'article 40 qui doit s'appliquer. Nous avons saute une

etape fondamentale de la procedure. Cette procedure a ete bafouee. La

seule disposition applicable a mon client est l'article 40 du

reglement. Le ministere public a commis une erreur, le Tribunal a

commis une erreur, la defense a fait une erreur. Faute de temps, nous

n'avons pas pu la reconnaitre avant. Il faut reconnaitre ses erreurs.

Nous ne pouvons pas faire supporter le poids de nos erreurs aux

personnes illegalement detenues. En [les] reconnaissant, nous allons

permettre a ce tribunal de ne pas s'aligner sur les juridictions

africaines qui ne savent pas quoi faire des textes de droit" a plaide

Jean Degli, avant d'ajouter que "les circonstances particulieres font

desesperement defaut au dossier du ministere public". Tres directe, le

juge Pillay a alors interpelle le representant du procureur :

"Pouvez-vous m'assurer que vous pouvez dresser un acte d'accusation

contre le suspect si vous avez trente jours supplementaires ?"

ajoutant que, dans le cas contraire, a ses yeux, il n'y avait "pas de

fondement a la requete". James Stewart, tout en reconnaissant que

"c'est un pouvoir exceptionnel qui [lui] est donne", a bien affirme

que "le but est d'accuser le general Kabiligi a la fin de cette

periode".

Polemique sur les conditions de detention

-----------------------------------------

Le conseil de la defense a aussi evoque les conditions de detention du

suspect. Dans le but de prouver au Tribunal que son client est deja

considere comme un accuse, Jean Degli a fait remarquer que "ce matin,

il s'est presente en costume de prisonnier". Selon l'article 21 du

reglement de detention, "les detenus peuvent porter leurs propres

vetements civils si, de l'avis du commandant, ils sont propres et

appropries. Tout detenu indigent recoit un trousseau civil approprie

et suffisant, aux frais du tribunal". Derriere le box des accuses, le

directeur de la prison, Claude Bouchard, sert les poings : depuis

plusieurs mois, les detenus reclamaient l'application de cet article

du reglement et ont regulierement recu des vetements civils. L'avocat

a aussi suspecte l'administration d'enregistrer les conversations

entre la defense et les detenus, violant ainsi le secret des

correspondances. "[Mon client] se plaint que ses conversations avec

son avocat son enregistrees. Je ne lui ai pas telephone depuis la

derniere fois que je suis venu", a-t-il declare. Le directeur de la

prison fulmine. D'une part, l'article 65 du reglement de detention

assure le secret des correspondances entre le client et son defenseur.

D'autre part, jusqu'ici, le Tribunal n'a toujours pas acquis le

materiel necessaire a l'enregistrement des communications des detenus.

Les frasques d'Hassan Ngeze

---------------------------

Presente devant le Tribunal sans ses avocats, Hassan Ngeze a indique

qu'il souhaitait maintenant etre declare indigent. Depuis plusieurs

semaines deja, les services du greffe enquetent sur le cas Ngeze.

Celui-ci, lors de son inscription a la prison, avait declare vouloir

payer ses avocats. Repondant au juge Pillay, il a explique qu'il ne

souhaitait pas plaider seul sur la requete du procureur et a demande

un report du debat afin que ses avocats kenyans puissent venir

jusqu'au Tribunal. Profitant de sa tribune, l'ex-redacteur en chef de

la revue extremiste hutue Kangura, coiffe aujourd'hui d'un keffie

rouge et blanc, a declare : "J'aimerais vous demander l'autorisation

de vous donner les noms des gens qui ont tue les deux presidents, le

president rwandais Habyarimana et le president burundais Ntaryamira,

afin que vous puissiez les transmettre au procureur pour qu'il puisse

arreter les vrais coupables de la tragedie rwandaise. Nous avons les

noms, les pays qui ont complote et l'adresse ou se trouvent les gens"_

Presents a l'audience, a 14 h 30 le lendemain, les avocats d'Hassan

Ngeze ont souhaite proceder au contre-interrogatoire du chef des

enquetes, Oyvind Olsen. Le juge Pillay a demande a la defense de

concentrer son contre-interrogatoire sur la requete du procureur. Les

questions de l'avocat Wamuti Ndegwa ont essentiellement porte sur les

dates de parution des exemplaires de Kangura, leur traduction et la

periode a laquelle le parquet a debute ses enquetes sur le sujet.

Selon le commandant Olsen, les enquetes auraient commence en juillet

1996. L'avocat a ensuite fait remarquer que deux editions du magazine

etait diffusees, l'une en francais pour l'international et l'autre en

kinyarwanda et qu'en ce cas, les problemes de traduction etaient

attenues. "Dois-je comprendre qu'il n'est pas vrai que vous avez des

difficultes a traduire ?" a-t-il alors demande. Selon les experts, la

version francaise de Kangura - appelee edition internationale - etait,

en fait, differente de celle en kinyarwanda. Le procureur a ensuite

pris la parole pour developper les termes de sa requete. James Stewart

n'a pas souhaite evoquer un affidavit, recu le matin meme, du suspect

Ngeze mais a simplement explique que l'acte d'accusation de ce dernier

etait sur le bureau du procureur Louise Arbour, a La Haye.

Georges Ruggiu a couvert

------------------------

Georges Ruggiu arrive devant la cour, le visage integralement

recouvert. A l'ouverture de l'audience, le juge Pillay demande a "voir

le visage du suspect". En vain. Evoquant une precedente reflexion du

procureur lors de l'audience du 14 aout, l'avocat de Georges Ruggiu

declare : "Le procureur a fait une remarque sur le kaffir de mon

client. Il semble qu'il n'ait pas cru qu'il soit musulman. [Mon

client] a droit a sa liberte. On ne peut pas blesser le caractere

sacre du choix religieux de monsieur Ruggiu". Dans la defense de sa

requete, le procureur a explique que l'acte d'accusation de Georges

Ruggiu etait sur le bureau de Louise Arbour a La Haye, laissant le

choix au juge d'ordonner une detention provisoire inferieure a trente

jours.

La derniere prolongation

------------------------

Au cours de ces deux jours d'audience, le debat sur le bien-fonde de

la requete du parquet s'est repete a l'occasion de la comparution des

autres suspects arretes lors du coup de filet de juillet dernier. En

l'absence de leurs avocats designes, Sylvain Nsabimana et Aloys

Ntabakuze ont ete respectivement representes par Tiphaine Dickson et

Mohamed Aouini. Dans tous les cas, a l'issue de confrontations ou se

mesuraient le droit international et le caractere exceptionnel de la

juridiction et du contexte politique dans lequel elle ouvre, le juge a

fait droit aux requetes du procureur. A l'exception d'Hassan Ngeze,

pour qui il n'a ete requis que vingt jours de detention supplementaire

au vu de l'avancement de son dossier, tous les suspects voient leur

incarceration prolongee de trente jours. Trente jours au terme

desquels le procureur n'aura plus le choix : la remise en liberte du

suspect ou l'etablissement d'un acte d'accusation contre lui. En fait,

au-dela des difficultes des enquetes mises en avant par le parquet,

c'est le fondement de sa nouvelle strategie qui semble aussi motiver

l'utilisation maximale des delais auxquels il a eu recours. "Nous

avons au maximum quatre-vingt-dix jours, je n'entends pas les

utiliser" avait declare Bernard Muna lors d'un entretien a Ubutabera,

le 22 juillet dernier. Le procureur adjoint n'a pu l'eviter. La

question de l'avancement des dossiers a ete amplement posee lors des

audiences du 15 et 16 septembre. Mais il existe deux autres

difficultes auxquelles le bureau du procureur parait etre confronte.

Quels types d'actes d'accusation ?

----------------------------------

La premiere est conjoncturelle : la maigreur des ressources humaines

disponibles a l'heure actuelle (voir Ubutabera No 18). James Stewart

l'a reconnu lors de l'audience concernant Gratien Kabiligi : "Chaque

personne fait le travail de sept au parquet. Nous n'avons tout

simplement pas les gens pour faire le travail". La seconde tient a la

confection des actes d'accusation. Le parquet souhaite qu'ils soient,

dorenavant, systematiquement collectifs (voir Ubutabera No 15). Or les

jonctions ainsi operees peuvent repondre a differentes logiques que le

procureur doit trancher. Un acte doit-il regrouper les accuses autour

de crimes commis dans une region specifique du Rwanda ? Ou doit-il

refleter la nature et le niveau des responsabilites ? Autrement dit,

doit-il etre, en quelque sorte, "vertical" en integrant l'ensemble des

niveaux d'execution du crime - ce qui semblait, en aout, etre la

perception de Bernard Muna - ou thematique en faisant le proces de

chaque structure de pouvoir isolement ? Ou peut-il encore etre

alternativement l'un et l'autre ? Il est vraisemblable qu'une partie

des prolongations sollicitees cette semaine trouve leur raison d'etre

dans ce choix ineluctable.

Le cas singulier de Jean Kambanda

---------------------------------

Dernier cas decidement original parmi les suspects de "NAKI" : Jean

Kambanda. Depuis son arrestation, le 18 juillet, le sort et la

strategie de defense de ce dernier nourrissent les suspicions et les

demi-mysteres. L'ex-premier ministre du gouvernement interimaire

rwandais a comparu, le 16 septembre, sans avocat. Depuis son

interpellation, il a toujours souhaite presenter seul sa defense. A

l'ouverture de l'audience, le juge Pillay a demande au suspect s'il

avait des objections a la requete du procureur. L'homme a calmement

repondu : "Je n'ai pas d'objection a ce que ma detention puisse etre

poursuivie".

Le "vingt-deuxieme detenu" est libere

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""

L'operation NAKI, c'est aussi l'histoire d'un jeune Rwandais, arrete

le 18 juillet en lieu et place d'Arsene Shalom Ntahobali. Aucune

charge ne pesant contre lui, celui qu'on surnomme le "faux-Shalom"

devait etre libere immediatement. Il ne l'a ete que le 20 septembre.

Apres deux mois de detention a la prison d'Arusha. Victime d'un

feuilleton politico-judiciaire qui a piege tout le monde.

Ce 18 juillet 1997, a l'aube, les enqueteurs du TPIR tatonnent, se

passent une photographie, hesitent_ Certes, la personne qui se trouve

face a eux n'a pas la corpulence de l'individu recherche : Arsene

Shalom Ntahobali. Mais nul n'ose predire des transformations physiques

qu'entraine l'exil et la clandestinite. Le temps presse et le jeune

homme qui leur fait face ne nie pas l'identite donnee. Il est arrete

et rejoint le convoi qui se dirige dans l'apres-midi vers Arusha.

Arsene Shalom Ntahobali, le vrai, vient d'echapper aux hommes du

parquet. Pas pour longtemps : le fils de l'ex-ministre du bien-etre

familial, Pauline Nyiramasuhuko, sera arrete et transfere une semaine

plus tard, le 25 juillet.

Une meprise vite reconnue

-------------------------

La meprise est d'ailleurs tres vite etablie. Interroge par Ubutabera

le 22 juillet, le procureur adjoint et maitre d'ouvre de NAKI, Bernard

Muna, explique : "Il y avait six enqueteurs et quatre membres des

forces kenyanes. Ils ont regarde les photos, hesite. Apparemment, nous

sommes en train d'etablir que ce n'est peut-etre pas lui. S'il n'est

pas recherche, il sera libere". Il precise ensuite que le Haut

commissariat aux refugies (HCR) serait saisi du cas, s'il se revelait

que l'homme arrete par erreur ne relevait d'aucune accusation. Une

question demeure : pourquoi le jeune individu s'est-il laisse

embarquer ? Peur, inconscience, complicite ? Sans papiers, sans

statut, clandestin au Kenya comme tant d'autres de ses compatriotes,

il semblerait que le jeune homme souhaitait alors echapper aux

autorites du pays. Seule alternative pour eviter les geoles kenyanes

ou la menace d'expulsion vers le Rwanda : la prison d'Arusha.

Interroge par le bureau du procureur, a son arrivee au siege du

Tribunal, le jeune homme avoue sa reelle identite. Fin juillet, on

chuchote son nom dans les couloirs, son cas est evoque a demi-mot.

Mais personne ne doute, alors, de sa liberation imminente. Pourtant,

le Tribunal et avec lui, en premier lieu, le "faux-Shalom" sont, en

fait, pris dans un piege politico-juridique.

Le precedent au TPY

-------------------

En n'ayant pas nie l'identite qui lui etait attribuee, Esdras

Twagirimana - c'est son nom - s'est laisse prendre dans un jeu

dangereux. Il en a paye un lourd tribut, victime d'une situation qui a

depasse et embarasse tout le monde. Un precedent comparable existe. A

La Haye, le Tribunal pour l'ex-Yougoslavie a, en effet, du faire face

a une histoire en partie similaire. Le denomme Goran Lajic est arrete

en Allemagne. Son malheur : etre l'homonyme d'un accuse recherche par

le procureur. Dans son cas, une veritable procedure est engagee, parce

que les enqueteurs ignorent toujours qu'il n'est pas celui sur qui

pesent les charges. Lors de sa comparution initiale, il nie les faits

et declare : "Ce n'est pas moi". Alors que le "vrai-faux Goran Lajic"

est detenu au centre penitentiaire, les juges ordonnent au procureur

de mener des enquetes complementaires. Elles prendront beaucoup de

temps, le vrai Goran Lajic etant recherche en Bosnie. Le procureur

depose finalement une requete pour la mise en liberation de celui

arrete par erreur. En Hollande, il n'a aucun titre de sejour. Mais

l'Allemagne coopere. Il y retourne finalement, ou sa procedure de

demande de statut de refugie suit son cours normal. La cooperation

avec le Tribunal de La Haye est totale. En Afrique de l'Est, la

situation politique differe radicalement. Les Etats rechignent

aussitot a porter le fardeau du "faux Shalom". Finalement, lasse

d'attendre un reglement clair de son sort, Esdras Twagirimana a

demande a rentrer au Kenya. Il est arrive a Nairobi, le 20 septembre,

par avion.

La reticence des Etats

----------------------

Des le debut de cette affaire, les negociations sont menees par le

greffe. Les premiers contacts avec les autorites tanzaniennes, avec

pour interlocuteur le premier ministre Frederick Sumaye, echouent. Il

n'est pas question d'accepter que l'homme reste sur le territoire, pas

question non plus qu'il sorte de prison et soit heberge par le

Tribunal, le temps de trouver une solution a sa complexe situation.

Lui-meme refuse un statut de refugie en Tanzanie. Il devra rester au

centre penitentiaire tant qu'une solution annexe n'aura pu etre

negociee. Dans sa cellule, l'homme s'epuise des les premieres

semaines. Il redige des courriers au president du Tribunal, hesite

entre une liberation sans garanties et un statut negocie par le

Tribunal. Certains jours, il demande sa liberation immediate, "j'irai

a pied au Kenya s'il le faut"... D'autres jours, il trompe son

impatience dans l'espoir d'un statut solide. Pour le greffe, les

negociations continuent d'etre longues et ardues. Les autorites

kenyanes refusent ce clandestin sur leur territoire, promettent une

arrestation immediate s'il foule le sol de ce pays. Les autorites

tanzaniennes restent fermes sur leur position. Le Haut commissariat

aux refugies accepte, de son cote, de recevoir le jeune homme et sa

famille, si les autorites kenyanes en donnent l'autorisation. La

boucle est bouclee. Et le jeune homme reste dans le centre de

detention. Il est le vingt-deuxieme detenu. Celui qui ne comparait

jamais devant la cour. Dans les couloirs du Tribunal, ce que certains

prennent pour leur propre revolte grondent a voix basse, servis par

l'opacite un brin maladive du TPIR. Le silence apparemment gene qui

entoure trop longtemps l'affaire nourrit la crainte de l'arbitraire.

La situation, de fait, ne peut qu'inspirer ce malaise : un individu

est incarcere pendant deux mois sans que pese aucune charge contre

lui. Second sujet d'inquietude : il n'a pas d'avocat.

Culture du secret et rumeurs

----------------------------

Le silence grossit le mystere, qui enfle la rumeur. Des rumeurs qui

provoquent une vraie colere au bureau du greffe : "Ce qui se passe ne

nous fait pas plaisir. Certains se font de la publicite en utilisant

des individus dont ils se moquent pas mal. Dans le monde entier, les

pauvres sont traques et ainsi utilises. Il ne faut pas

instrumentaliser ce garcon. Il s'agit d'un probleme humanitaire

precis". Certes, retorque-t-on de l'autre cote, mais il existe le

souci d'une gestion solitaire et secrete du dossier qui entrainerait

le non-respect des droits de l'individu. Certains propos manifestant

le desir du Tribunal de se delester discretement du cas Twagirimana

ajoutent a la lourdeur du climat. Jusqu'au mois de septembre, la

publicite autour de cette affaire ne filtre guere des couloirs du

TPIR. L'Association des avocats de la defense (Adad) s'inquiete en

coulisses des droits et des recours possibles pour le jeune homme.

D'autres prennent des initiatives individuelles. Henri Leclerc,

president de la ligue des droits de l'homme a Paris, est alerte de la

situation. De leur cote, les detenus ecrivent a leurs avocats pour

leur narrer ce cas exceptionnel. Le 8 septembre, The East African

annonce prematurement la liberation du faux suspect. En fait, les

negociations avec les autorites kenyanes sont toujours en cours. Le

greffe n'a pu encore obtenir la regularisation du statut qu'Esdras

Twagirimana souhaite. Dans un communique de presse, date du 20

septembre, le greffier affirme que le jeune homme "a recemment insiste

aupres du Tribunal en indiquant qu'il ne voulait plus demeurer a

Arusha et qu'il souhaitait retourner a Nairobi". L'homme a donc

retrouve la liberte. Et sa precarite.

____________________

En bref

"""""""

. Affaire de Temmerman. Le 29 septembre, la premiere chambre de

premiere instance debattra sur la requete de Georges Rutaganda pour un

changement de conseil. Le 25 aout dernier, l'accuse avait depose une

lettre sur le bureau du Tribunal, demandant a ce que son avocat

principal, Luc de Temmerman, se retire du dossier. Ce dernier avait

declare, lors d'une conference de presse tenue le meme jour, ne pas

s'opposer a la demande de son client. De son cote, le president Laity

Kama aurait demande au bouillant avocat de ne pas troubler l'audience

par les virulentes declarations dont il a l'habitude d'user. Tiphaine

Dickson, aujourd'hui co-conseil, pourrait devenir conseil principal.

. Faux temoignage. La defense de Georges Rutaganda a depose une

requete "afin d'ordonner au procureur d'entreprendre une enquete

relative a un faux temoignage". Cette presomption de faux temoignage

concerne le temoin E dont une partie de l'audience s'etait deroulee a

huis clos. La defense stipule que le temoin, en repondant negativement

a la question "faites-vous l'objet de condamnations criminelles ?",

aurait menti. A l'appui de cette requete, Me Tiphaine Dickson explique

que la reponse du temoin E peut etre mise en doute par "un extrait de

journal qui contiendrait des allegations permettant de mettre

directement en cause l'honnetete du temoin E". En consequence,

l'avocate de Georges Rutaganda demande au Tribunal de produire un acte

d'accusation pour faux temoignage. C'est la seconde fois qu'une telle

requete est deposee sur le bureau du Tribunal. La precedente concerne

l'affaire Akayesu. Deposee le 3 fevrier 1997, aucune decision n'a,

pour l'heure, ete rendue par les juges.

. Affaire Ntagerura. La requete de la defense critiquant l'acte

d'accusation emis a l'encontre d'Andre Ntagerura sera entendue le 8

octobre. Prevue pour le 27 juin dernier, son examen avait ete reporte

une premiere fois, en raison de l'absence de certains juges.

. Comparution initiale. La comparution initiale d'Arsene Shalom

Ntahobali, reportee le 3 septembre dernier, en l'absence de son avocat

Dominique Tricaud, devrait avoir lieu le 16 octobre.

. Violences sexuelles. Le colloque sur les violences sexuelles, prevu

mi-septembre, se tiendra a Arusha du 4 au 6 octobre.

. Salles d'audience. A l'arrache : c'est ainsi que les travaux sur les

salles d'audience se poursuivent, s'achevent, reprennent. La seconde

salle d'audience, necessaire pour la reprise des proces le 29

septembre, devrait etre achevee d'extreme justesse. Simultanement, la

premiere salle - et l'unique jusqu'ici - est en plein reamenagement,

de facon a pouvoir accueillir les "maxi-proces" promis par le

procureur. La salle d'acces au public a ainsi ete reduite, au profit

d'un espace reserve aux avocats de la defense. La encore, ces travaux

doivent imperativement etre acheves pour le 29 de ce mois. Enfin, une

troisieme salle d'audience devrait etre construite a partir du 29

septembre et etre vraisemblablement disponible a l'issue des vacances

judiciaires, prevues de debut decembre a environ mi-janvier.

__________________________________________

Ubutabera est realise par l'association Intermedia

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""

I n t e r m e d i a

"""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""""

http://persoweb.francenet.fr/~intermed

28, rue des Moines AICC Complex, Kilimandjaro wing

75017 Paris, FRANCE 3rd Floor, room No. 318

Tel: 33 1 42 26 23 06 Arusha, TANZANIA

Fax: 33 1 48 04 87 23 Tel: 255-574207 (ext. 5160)

intermedia@micronet.fr

 
Argomenti correlati:
stampa questo documento invia questa pagina per mail