1. Dix années de dénonciations contre l'Iraq et le gouvernement italien.
Pendant dix années nous avons criblé le gouvernement de dizaines de motions et interpellations, d'interventions dans les débats parlementaires que nous avions provoqués, de campagnes de presse et de querelles, pour l'avertir de la dramatique situation qui s'instaurait en Iraq, avec la complicité et la myopie de tout le monde industrialisé. Nous dénoncions le gouvernement italien qui ne faisait rien pour empêcher le réarmement de l'Iraq, pour interdire, malgré l'embargo, l'exportation d'armements, de munitions, de technologies pour la production d'armes chimiques vers le régime de Saddam Hussein. Nous dénoncions le silence du gouvernement italien envers la violation des droits du peuple iraquien et kurde, ce dernier exterminé par la technologie chimique fournie par l'Italie. Nous dénoncions encore la compromission de la Banque d'Italie dans le scandale de la Banca Nazionale Del Lavoro d'Atlanta. Il y a deux ans à peine, nous revenions à la charge pour l'implication des industries italiennes dans la vente
à l'Iraq de bombes "cluster". Pendant deux législatures la Commission d'Enquête du Parlement Italien a discuté une dénonciation que j'avais présenté à l'encontre de plusieurs ministres pour les pots-de-vin liés à la vente à l'Iraq d'une flotte navale toute entière: 135 Milliards de Lires.
La guerre est la condition de survie des dictateurs
Des années durant, inécoutés, nous avons dénoncé le comportement suicide de l'Occident qui pensait faire une bonne affaire en troquant les droits humains des arabes, des somaliens, des éthiopiens, des kurdes, en échange des pétrodollars ou des commandes militaires. Lorsque nous dénoncions les millions d'arabes exterminés par les polices ou les armées des dictateurs arabes, nous n'étions pas réconfortés par les manifestations de masse du Parti Communiste italien, par les protestations des pacifistes. Les "démocrates" étaient trop engagés à exalter et soutenir la révolution de Khomeini contre le Shah. Saddam Hussein, Siad Barre, Hailé Mariam Menghistu, Affez Assad, représentent exactement le visage de l'Occident dans le Sud du Monde. La guerre est la condition nécessaire de survie pour ces dictateurs qui doivent se défendre avant tout contre leur propre peuple, en l'affamant, en l'envoyant à la guerre, en l'exterminant.
2. Que proposaient les radicaux pour rétablir le droit violé par l'Iraq.
La position des députés et des sénateurs du Groupe parlementaire fédéraliste européen (auquel appartient encore la majorité des députés inscrits au PR) sur la crise du Golfe, était indiquée avec extrême précision dans les deux documents présentés ces jours-ci (...). Dans ce dispositif on demandait en substance de ne pas utiliser la force militaire, comme cela était légitime selon le droit international (art.42 de la Charte des Nations-Unies), mais la force non-militaire jusqu'au bout, et en particulier, d'activer une grande offensive d'information adressée au peuple iraquien et arabe. Il ne s'agissait donc pas uniquement de prolonger l'embargo, mais de se fixer clairement l'objectif d'une révolte du peuple iraquien, d'une partie de sa classe dirigeante, contre Saddam Hussein. L'embargo, même s'il avait obtenu des résultats importants en ce qui concerne l'isolement politique et économique de l'Iraq, n'était pas en mesure de produire ce résultat, et la présence militaire des USA, intervenus sur demande d
es pays arabes pour empêcher l'opération amorcée par l'invasion du Kuwaït, ne pouvait durer à l'infini, à cause même de problèmes d'ordre religieux.
Une conférence sur les droits de la personne et sur la sécurité en Méditerranée et au Moyen-Orient
On demandait en outre au gouvernement, d'annoncer la convocation non pas d'une conférence de paix sur le Moyen-Orient, c-à-d exclusivement liée au problème palestinien, mais d'une "Conférence sur les droits de la personne et sur la sécurité en Méditerranée et au Moyen-Orient, c-à-d d'affronter les causes véritables d'instabilité de cette région, qui résident avant tout dans l'absence de démocratie. On demandait ensuite des engagements précis pour arriver à un traité international pour la limitation et le contrôle du commerce des armes.
Nous n'avons pas encore l'instrument politique transnational adéquat.
Ça n'était malheureusement qu'une proposition, un témoignage d'une position, parce que nous n'avons pas encore l'instrument politique transnational adéquat pour la transformer en une option effectivement présente dans le débat politique international, pour l'organiser à travers une lutte à mener dans les places et dans les parlements des principaux pays du monde.
C'était une position intégralement nonviolente qui s'opposait à la position "pacifiste" parcequ'elle se rangeait sans équivoque contre Hussein, avec toutes les résolutions des Nations-Unies (la 678 demandait d'utiliser tous les moyens pour... et par conséquent, pas nécessairement la force militaire) et elle proposait d'utiliser la force contre ce dictateur. Force par conséquent et non pas les instruments diplomatiques, comme le demandent les "pacifistes", qui n'ont produit aucun effet. La voie diplomatique, la "négociation" qui est évoquée aujourd'hui dans les places, ne pouvait-être poursuivie qu'à une seule condition: céder sur la question du retrait du Kuwaït que Saddam Hussein ne voulait même pas prendre en considération et récompenser ainsi le dictateur. Je crois que seules les personnes désinformées ou de mauvaise foi, peuvent mettre en discussion un fait: on a tenté toutes les voies diplomatiques possibles et même les tentatives d'"amis" de Hussein, comme Arafat ou le Roi Hussein de Jordanie, on
t échoué.
3. Le vote des radicaux après le commencement du conflit armé
Lorsque les USA, l'Angleterre, l'Arabie Saoudite et le Kuwaït ont décidé d'exécuter, par l'emploi de la force militaire, la résolution n.678 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies, la proposition de notre motion tombait dans le néant.
Ces pays, et en particulier les USA, ont estimé d'un côté que l'embargo n'aurait pas eu l'effet souhaité, et de l'autre, ils ont pensé qu'Hussein n'aurait pas engagé un affrontement militaire dans lequel il se serait retrouvé certainement perdant. Moi-même, sur le plan strictement rationnel, j'ai pensé, jusqu'au bout, qu'Hussein, à la fin, se serait retiré, évitant ainsi une tragédie supplémentaire à son peuple. Evidemment, ses valeurs et ses logiques sont différentes des miennes.
Le Parti Radical, à travers les paroles de son Secrétaire, ne pouvait certainement pas prendre position sur le vote mais il l'a fait certainement, en ce qui concerne le jugement sur les responsabilités de l'Occident et de l'Iraq. Les inscrits au PR ont assumé des positions différentes, du NON de Bordon (Pci), Mattioli, Lanzingher et Andreani (groupe Vert), Tessari, Corleone, Modugno, Mellini et Strick-Lievers (groupes fédéralistes), au OUI de Stanzani, Bonino, Zevi, Staller, Calderisi, Negri, Cicciomessere (groupe fédéraliste) (...).
4. Pourquoi j'ai voté OUI
Si j'avais été un député du Congrès américain, j'aurais voté contre le décision d'utiliser la force militaire pour mettre en acte la résolution 678. Dans ce siège-là et à ce moment-là, il était, du moins théoriquement, possible d'imposer par le vote, le choix de l'utilisation de la force non-militaire. Si le vote à la Chambre des Députés italienne avait eu lieu avant le commencement du conflit, j'aurais voté la motion radicale et repoussé celle de la majorité. C'était en fait l'orientation de la majorité des députés radicaux, au 16 Janvier.
Lorsque nous avons été appelés à nous exprimer, malheureusement, la décision de passer à l'usage de la force militaire avait été déjà prise. On nous demandait de décider si l'Italie devait s'associer aux pays qui, en toute légitimité du point de vue du droit international, étaient en train d'exécuter une résolution des Nations-Unies, ou si au contraire, elle devait se dissocier.
Cela aurait été très facile et "populaire"
Je crois qu'il aurait été très facile et "populaire" à l'encontre de l'électorat "radical", de voter NON. Mon engagement, depuis quatre législatures, contre le soutien militaire, politique et économique du gouvernement italien à l'Iraq, m'aurait donné d'autres bonnes raisons pour dire au Gouvernement italien: "ce sont vos affaires, vous êtes les seuls responsables de l'ascension politique et militaire d'Hussein, vous avez semé le vent et aujourd'hui vous récoltez la tempête". En somme la position facile de "ne pas adhérer ni saboter".
Lorsqu'il y a la guerre on ne peut rester neutre
Mais malheureusement lorsqu'il y a la guerre on ne peut pas rester neutre. Je pense que l'histoire poursuit son chemin justement lorsque l'on a le courage de prendre des positions impopulaires. C'est uniquement alors, d'un côté et de l'autre, que l'on est obligés de se servir de l'intelligence, de surmonter la facilité des poncifs, de se défaire des convictions consolidées et de pratiquer les voies du vrai dialogue.
Je me suis décidé pour le vote en faveur de la motion de la majorité, essentiellement sur la base d'une seule demande: qu'est-ce que j'aurais fait si aujourd'hui, dans cette circonstance, et non pas hier ou avant-hier, j'avais eu l'entière responsabilité de décider sur le comportement de l'Italie?
Du côté de ceux qui usent de violence pour affirmer le droit contre ceux qui usent de violence pour le violer
J'aurais choisi, j'aurais dû choisir, sans le moindre doute, de me ranger du côté de ceux qui usent de violence pour affirmer le droit contre ceux qui usent la violence pour le violer. Je n'aurais pas démissionné de mes responsabilités au moment où l'Italie a partagé, avec mon consentement également, toutes les résolutions, de la 660 à la 678, approuvées par l'ONU.
J'ai pris en charge les responsabilités du gouvernement, qui appartiennent, sous des formes différentes, tant à la majorité qu'à l'opposition. En somme, je n'aurais pas été en paix avec moi-même, si j'avais choisi par couardise, par opportunisme, pire encore, par calcul électoral, de voter NON. C'est le sentiment que j'ai lu dans les yeux de tant de députés communistes qui, après le vote, sont sortis de la salle sans l'habituelle crânerie et sans l'habituelle hostilité à l'égard de ceux qui ne sont pas d'accord avec eux.
Le Mahatma Gandhi
Je suis parfaitement conscient des difficiles contradictions entre ce vote et mes convictions nonviolentes. Mais en tant que laïc, je ne crois pas que la vérité passe à travers les cohérences et les certitudes de granit. Comme était laïc, je le répète, le Mahatma Gandhi, lorsque, à l'occasion de la Deuxième Guerre Mondiale, il vivait sûrement le drame de sa nonviolence et simultanément, de sa profonde conviction de ne pas pouvoir lever le petit doigt pour empêcher les indiens de se battre contre le nazisme. Cela ne l'a pas pour autant empêché de professer et de pratiquer la nonviolence.
Même si je n'entends pas le moins du monde me comparer à Gandhi, je ne cesserai, après le vote du 17 Janvier, de professer et de pratiquer la nonviolence, de revendiquer mon antimilitarisme, d'affirmer que la guerre est toujours un crime contre l'humanité, que les armées sont toutes "noires" que les moyens doivent-être adéquates aux finalités et que même lesdites "guerres justes" laissent dans leur sillage, non seulement l'injustice des morts injustes, mais aussi la mortelle conviction que la guerre est la continuation de la politique, que nous devrons encore nous armer par crainte ou par l'alibi d'autres Hussein. Mais surtout, je ne cesserai de risquer même l'incohérence, pour essayer de gagner un millimètre d'espoir de construire un monde où personne ne sera plus obligé de mourir de faim pour affirmer la justice.
5. Guerre ou action de police
Dans le langage commun, c'est une guerre que l'on est en train de combattre dans le Golfe. Mais sommes-nous sûrs que c'est le terme le plus précis pour définir, du point de vue juridique, du droit, ce qui est en train de se dérouler aujourd'hui? Je comprends qu'il est difficile de se convaincre que, selon le droit international accepté par tous les pays représentés à l'ONU, Iraq compris, décharger des tonnes de bombes chaque jour, ne doit pas être considéré comme une action de guerre, mais comme une action de police. Même de nombreux camarades radicaux (...) semblent refuser cette distinction qui paraît tout d'abord inacceptable. Mais les choses qui paraissent évidentes ne sont pas toujours vraies.
L'une des plus grandes conquêtes de l'humanité a été de transférer à un pouvoir supérieur l'utilisation légitime des armes et le droit de faire régner la justice. Au particulier il n'est pas permis, sinon exceptionnellement en cas de légitime défense, d'utiliser les armes contre une autre personne, de faire sa propre justice. Le droit à l'autodéfense a été entièrement transféré à l'Etat, aux forces de police et au pouvoir judiciaire. Les conséquences sur le plan juridique et sémantique sont dans ce cas, claires pour tout le monde: si un citoyen tire et tue un voleur, il commet un délit d'homicide et dans la conscience commune c'est un assassin. Si c'est la police qui le fait, ce n'est pas un délit et personne ne pense que le policier, s'il a utilisé les armes comme extrême ratio, est un assassin.
Le deuxième pas historique
Le deuxième pas historique dans cette direction est celui de transférer à un organe de droit supranational et démocratique, la prérogative typique des états nationaux, celle de la défense militaire. La charte des Nations-Unies le prévoit expressément même si jusqu'à aujourd'hui, aucun état n'a délégué et transféré complètement cette prérogative de l'autodéfense militaire à l'ONU. (...)
En conclusion, lorsque l'ONU entreprend, aux termes de l'art.42 de sa charte, "avec des forces aériennes, navales ou terrestres, toute action nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationale", les pays qui fournissent les contingents militaires n'agissent pas pour leur propre compte contre un autre pays, mais ils ne sont que le bras armé des Nations-Unies. Comme il est évident dans ce cas, les Nations-Unies ne font pas la guerre contre un autre pays mais elles imposent par la force militaire le respect du droit international violé.
Ils ne sont pas en guerre contre l'Iraq
Aujourd'hui, pour la première fois dans l'histoire des Nations-Unies, du moins en ce qui concerne un affrontement aussi dramatique (si je ne me trompe, le seul précédent comparable est celui de la Corée), nous nous trouvons exactement dans l'application de l'art.42 de la Charte. D'un point de vue strictement formel, les pays qui opèrent dans le Golfe le font sur mandat et en représentation des Nations-Unies. Ils ne sont pas en guerre contre l'Iraq.
Ces considérations n'enlèvent rien à l'horreur de la "guerre" en acte. Mais l'objectif du nonviolent ne peut-être celui de discréditer et de délégitimer l'ONU parce qu'il utilise les seuls instruments de force qu'il connaisse, les instruments militaires, mais d'opérer afin qu'ils puissent-être remplacés par d'autres et plus efficaces instruments de force non-militaire. Il doit donc les inventer et il ne peut les confondre avec les instruments ordinaires de l'initiative diplomatique.
La guerre froide n'a pris fin que depuis un an seulement
Il se pose encore d'autres problèmes en relation au caractère pas tout-à-fait démocratique des Nations-Unies, au droit de veto, à la nécessité que l'Europe politique puisse contrebalancer le pouvoir des USA, mais il ne me semble pas que ces aspects puissent modifier les questions de fond en jeu aujourd'hui. Tout comme les considérations sur le comportement différent que l'ONU a eu dans d'autres violations du droit, n'ajoutent rien non plus. Ceux qui utilisent ces arguments semblent oublier que la guerre froide n'a pris fin que depuis un an seulement, et avec elle, le jeu des veto croisés des deux superpuissances et le partage du monde par zones d'influence.
6. Nonviolence et conflit dans le Golfe
L'aspiration d'un démocrate et fédéraliste, d'un vrai pacifiste, devrait-être celle d'arriver à transférer toutes les prérogatives nationales en matière de défense et de sécurité aux Nations-Unies, de mettre en acte toutes les parties de la Charte, de transformer dans le sens démocratique le Conseil de Sécurité, d'abolir en somme la guerre, entendue comme affrontement militaire entre puissances nationales. Est-ce aussi l'objectif d'un nonviolent?
Non pas, par conséquent, la paix à tout prix
La nonviolence politique propose en extrême synthèse de substituer la violence par le droit. Dans le cadre international, le nonviolent lutte afin que ne soit pas considéré inéluctable - même pour la défense des intérêts légitimes comme le territoire national ou les institutions démocratiques - l'usage de la violence. Non pas, par conséquent la paix à tout prix - surtout au prix du droit - mais le droit à tout prix.
L'objectif du nonviolent coïncide donc avec celui du "démocrate" (je crois que l'on ne peut-être démocrate sans être nonviolent), en ce qui concerne le transfert des pouvoirs sur l'usage des armes de l'état national à un organisme supranational. Il sait qu'en substituant par le droit et le devoir de l'Etat de prendre en charge la sécurité du citoyen, la loi de la jungle, de la légitime défense, on abaisse drastiquement le niveau de violence. Comme il sait que dans le cas de la Sécurité Nationale, si effectivement les Nations-Unies étaient dotées des pleins-pouvoirs de police internationale, la conflictualité entre Etats serait réduite considérablement. Mais le nonviolent lutte aussi afin que tombe, surtout dans les institutions, la nécessité de recourir à la violence. Il veut en quelque sorte, convertir progressivement les armes militaires de l'autorité légitime en armes nonviolentes.
Aujourd'hui, si le premier objectif, celui du transfert à un pouvoir supranational des prérogatives de la défense et de la sécurité des Etats, trouve une première, très partielle réponse - mais décisive en tant que précédent - on ne peut certes pas dire que nous nous trouvons devant des signes qui révèlent des tendances à la conversion des instrument de guerre.
Mais, je me demande, à quel titre nous pouvons prétendre que cette conversion se réalise lorsque la nonviolence politique, celle qui est exprimée uniquement par le Parti Radical, n'est pas, du moins au niveau international, un point de référence pour certains?
A quoi pouvons-nous nous attendre lorsque les seules cultures confrontées dans les médias occidentaux, à travers des images de guerre et des manifestations pacifistes, sont d'une part, celles qui confient l'affirmation du droit à la terrible puissance militaire, et de l'autre, celles, depuis toujours perdantes, qui seraient disposées à fouler aux pieds n'importe quel droit, la vie-même de millions d'iraquiens et d'arabes exterminés des années durant par d'autres arabes, pourvu que l'on puisse défendre sa propre tranquilité et son propre bien-être du moment?
Voilà, c'est justement dans ces deux questions que réside le pari du Parti Radical: organiser la culture de la nonviolence - qui est la culture de force, d'intervention et non pas de faiblesse et de résignation - pour pouvoir s'opposer aux deux seules cultures, celle de la force de la violence et celle de la faiblesse de la neutralité, qui sont représentées chaque jour dans les télévisions du monde entier, par des images de la terrible efficacité militaire et de la protestation stérile de proposition des marches "pacifistes".
7. Le statut du PR: Tu ne tueras point, même par légitime défense.
Je ne veux pas m'en sortir en disant, comme je l'ai fait plus haut, que penser à la nonviolence comme à un parcours sans contradictions, sans défaites, sans ambiguités, est profondément erroné et vélléïtaire. Et ceux qui exigent une cohérence présumée à leurs dogmes nonviolents présumés, démontrent une fureur catéchistique qui est étrangère à la patiente religion du dialogue, à l'humble recherche, jusque dans l'horreur de la guerre, des petites trouées qui peuvent faire avancer, même d'un seul milimètre, les espoirs de vie, de droit.
Je ne veux pas m'en sortir non plus en rappelant, comme il est vrai, que nous parlons de préambule du Statut et non pas de Statut, affirmation donc, de volonté politique, de projet politique et non pas condition préjudicielle pour l'adhésion au Parti Radical.
Le blasphème de la guerre plutôt que la défaite de la résignation et de la complicité
Il n'est pas en effet contestable que la nonviolence, le symbôle gandhien, représente le trait caractéristique du Parti Radical. Ainsi personne ne peut penser que l'action militaire dans le Golfe accomplie en exécution d'un mandat de l'ONU, même si elle représente une expression légitime du droit international, puisse être exaltée comme expression et succès de la nonviolence. Il s'agit d'autre chose, comme j'ai essayé de le dire dans les 6 points précédents. Il n'est donc pas nécessaire de se servir du "préambule" pour se rendre compte de tout cela, pour savoir de combien de contradictions, que j'espère fécondes, est faite la vie d'un radical, de quiconque s'aventure dans la voie mystérieuse de la recherche, de celui qui a abandonné les chaudes et accueillantes certitudes, de celui qui, comme moi, a choisi le blasphème de la guerre plutôt que d'accepter la défaite de la résignation et de la complicité.
Pour ceux qui sont vraiment interessés à comprendre le préambule radical et non pas seulement à s'en servir pour chercher nos contradictions (bien en vue et en direct), ils doivent avant tout le placer dans l'affrontement politique concret de notre société et dans le contexte de la politique et ne pas le prendre pour une relecture du 5ème Commandement.
Avec le préambule, on veut affirmer que l'impératif chrétien "Tu ne tueras point" doit devenir aussi un impératif pleinement politique qui doit pas rencontrer d'exception même face aux raisons de la légitime défense. Un Etat national ne devrait faire usage d'instruments de guerre, même en cas de légitime défense.
Sur cela j'ai déjà écrit: même le principe de la guerre d'autodéfense doit-être ramené à un droit supranational, transféré comme prérogative exclusive aux Nations-Unies. Le préambule a une signification grande et claire: les Radicaux qui partagent l'objectif politique et la méthode de la nonviolence politique s'engagent à s'organiser pour son affirmation. En combien de temps? Le temps de la lutte et de la volonté politique et non pas celui de l'imagination. Personne, je l'espère, ne peut penser que les radicaux sont assez présomptueux pour croire que par le seul fait de l'adopter dans un Congrès, le préambule est devenu une loi de la communauté internationale. Après cinq années de lutte pour l'affirmer contre l'extermination par la faim, nous avons dû prendre acte que l'instrument d'organisation, le PR, dont nous disposions alors, n'était pas assez suffisant et adéquat. Malgré cela nous sommes allés de l'avant et nous sommes en train de nous munir d'un nouvel instrument politique transnational, jamais
conçu par personne, en mesure d'engager la lutte nonviolente dans le plus grand nombre de pays possible.
Quel est le rapport, je me le demande, du préambule du Statut radical, avec le vote du 17 Janvier? L'objectif du préambule n'a été réalisé ni la nuit du 17 Janvier, lorsque se sont abattues les premières bombes sur Bagdad, ni le 2 Août lorsque Hussein a crû pouvoir envahir impunément le Kuwaït, ni lorsque la communauté internationale n'a pas écouté la requête des Prix Nobel, du Parti Radical, pour un engagement prioritaire contre la faim dans le monde, et il ne le sera pas pendant logntemps encore.
Le parcours de la nonviolence politique n'est pas simple, il n'est pas bref, et on ne le peut imposer par décret. Ce n'est pas une voie pour les gens pressés, pour ceux qui cherchent des raccourcis et surtout des alibis pour se convaincre que la nonviolence est vaincue pour toujours.