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Brisbois Marc - 16 luglio 1991
MITTERAND-METTERNICH

LE CHEF DE L'ETAT AIME-T-IL AUTANT L'EUROPE QU'ON POURRAIT L'ESPERER?

Par Paul Fabra (Le Monde, mercredi 3 juillet 1991)

Les électeurs de François Mittérand ne s'attendaient sans doute pas que, dans les semaines et les mois qui suivirent la célébration en grande pompe de la Révolution française et de son idéal de liberté, le président de la République chercherait à se faire le Metternich de l'Europe.

Tout s'est passé, après la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, comme si l'Elysée, en attendant de voir venir, s'était donné pour objectif de maintenir, aussi longtemps qu'il était possible, ce qui restait de l'ordre international ancien. Cette nostalgie n'a pas complètement disparu. Elle reste à l'oeuvre chaque fois que l'occasion lui est encore offerte de se manifester.

L'exemple le plus remarquable a été la manière dont la France officielle a raté le rendez-vous avec la réunification allemande. Une série de gestes qui se voulaient spectaculaires et significatifs se révélèrent vite comme autant de vaines tentatives pour éviter ou retarder l'inévitable: le voyage de Kiev du 6 décembre 1989, bientôt suivi de la visite, avant les fêtes de fin d'année, aux dirigeants est-allemands aux abois.

Au moins implicitement, on admet en haut lieu le caractère intempestif de ces démarches en se flattant qu'elles n'ont eu aucune conséquences négative pour la suite des événements, notamment la construction de l'Europe à douze.

La réalité - il est de plus en plus difficile de le dissimuler - ne coïncide pas avec cette version optimiste. Pour ne pas être immédiatement visibles, les conséquences de l'attitude présidentielle ont été et sont toujours importantes. L'une d'elles est de vider de toute substance l'objectif implicite de l'union politique, à savoir une Europe alliée mais indépendante des Etats-Unis.

Ce n'est pas seulement à l'ancien adversaire germanique que la France s'efforça, dans un premier mouvement, de barrer la route. La vérité oblige à dire qu'elle continue à montrer beaucoup d'incompréhension pour les aspirations d'anciens amis qu'on ne traite que trop superficiellement d'amis retrouvés.

Cela est particulièrement vrai pour l'entrée à terme dans la CEE, l'institution-clef de toute unification européenne, des Polonais, des Tchécoslovaques et des Hongrois, qui sont en train de négocier à Bruxelles le très lâche traité d'association qu'on leur offre. Ils veulent, de toutes leurs forces - hélas !

très faibles - obtenir un engagement ferme pour leur adhésion dans un avenir prévisible. A Paris, ils se heurtent à un mur.

Le cri du coeur, qui passa chez les intéressés pour de l'absence de coeur et du pseudo-réalisme, M. François Mitterrand le poussa malencontreusement à la veille d'une réunion qu'il avait provoquée et qui eut lieu, du 12 au 14 juin, à Prague, sous le nom accrocheur d'Assises de la Confédération. On peut dire que le président de la République y gâcha dès le début l'ambiance par la déclaration qu'il avait faite avant l'ouverture. Selon lui, il faudrait "des dizaines et des dizaines d'années", autant dire une éternité, avant que ces nations puissent prétendre trouver leur place dans le club de Bruxelles.

Sans tenir davantage compte de la sensibilité et des réactions des principaux intéressés, M. Roland Dumas avait, le 15 novembre 1989, prononcé à l'Assemblée nationale ces paroles prophétiques : "Nous savons aujourd'hui [le mur de Berlin était renversé depuis moins d'une semaine !] que la réunification ne peut pas être un problème d'actualité.."

Pour justifier le même jour devant les parlementaires le refus de la France d'avancer la date du conseil européen, le ministre des affaires étrangères leur déclarait qu'en cas de session d'urgence, "on risquait de ne voir" le conseil européen "s'occuper que de l'Europe de l'est, au détriment des grands sujets". Parmi ces grands sujets, le chef du Quai d'Orsay citait (en deuxième position), avec une délicatesse qui a dû être appréciée dans les capitales où d'extraordinaires mouvements de libération venaient d'avoir lieu, "l'audiovisuel".

Comment s'étonner après cela de la peu commune déconvenue éprouvée par M. Mitterrand aux Assises de Prague ? Son hôte, le président Vaclav Havel, y rejeta sans autre forme de procès la notion française de "confédération", amenant M. Mitterrand à ravaler les Propositions auxquelles il tenait le plus.

Qui peut être sûr que, demain, la voie restera ouverte pour le seul engagement européen qui vaille aux yeux des peuples et des gouvernants des nouvelles démocraties : un traité avec la CEE stipulant une adhésion d'ici, disons, la fin du millénaire? Il est urgent d'en parler, Pense-t-on à Varsovie, Prague, à Budapest, où l'on sait d'expérience que tout peut arriver. C'est une opinion largement partagée dans l'Europe communautaire, l'exception du nouveau Metternich (et de Jacques Delors). Raymond Aron faisait naguère grief à Valéry Giscard d'Estaing de manquer du sens tragique de l'Histoire. La même remarque vaudrait-elle pour le successeur de l'homme qui faisait confiance à Brejnev ? A moins que l'actuel de I'Etat français ne caresse secrètement le rêve (moins beau que celui du poète) de "ramener l'ordre des anciens jours".

Comment expliquer l'attitude élyséenne ? Est-elle tenable ? Sert-elle les intérêts à long terme de la France ? Quelles en sont déjà les répercussions ?

PREJUGES GAULLISTES

Tout se passe comme si I'Elysée avait pu jusqu'à ce jour - du moins devant l'opinion publique française sur du velours à la faveur d'idées reçues sans discussion par le public depuis l'époque gaulliste. L'un de ces préjugés est qu'il faut donner la priorité à la consolidation de l'Europe communautaire telle qu'elle existe. Après quoi, et à condition que les candidats à l'adhésion soient eux mêmes prêts, on pourra songer à l'élargir. Cet argument paraît avoir beaucoup de force. Il n'est pas sûr qu'il résiste à l'examen.

Il est une autre façon, traditionnelle en France, d'exprimer l'argument. M. Mitterrand en a encore récemment usé en déclarant: "Il est un danger qui pèse sur la Communauté, c'est que le grand nombre finisse par en faire simplement une zone de libre-échange." En évoquant la notion de zone de libre-échange, on croit entendre les foudres du général de Gaulle ou, au contraire, les applaudissements de Mme Thatcher, deux raisons pour l'hôte actuel de I'Elysée de la rejeter sans plus de formalité. Cependant, présentée de cette manière, la question est biaisée, et cela pour deux raisons au moins.

D'abord parce qu'en réalité la Communauté est déjà une zone de libre-échange, ce qui n'est pas un piètre résultat. La libre circulation des marchandises, des capitaux et, bien sûr, des hommes est la condition nécessaire pour une intégration. Et une intégration à la base, grâce au truchement des innombrables contrats conclus entre entreprises et particuliers autonomes. Pour que ce processus puisse jouer à plein entre pays limitrophes, il convient qu'il soit complété par la "liberté d'établissement" (le droit pour une société ou un médecin français de s'installer librement en Belgique ou en Allemagne avec réciprocité pour un résident belge ou allemand en France). C'est ce que le traité de Rome prévoyait mais qui n'a été que très imparfaitement réalisé. L'Acte unique, entre autre choses, veille à ce que ce retard soit comblé. C'est à la lumière de cette première observation qu'il convient de realiser l'obstacle de l'"impréparation" des nouveaux pays candidats à la CEE.

La doctrine officielle française est que la condition du libre échange n'est pas suffisante pour créer une Communauté, a fortiori une Union. C'est largement vrai mais admettre cela n'est pas nécessairement donner la première place aux "politiques communes", mode d'intégration par le haut, c'est-à-dire par la centralisation du pouvoir politique et de la bureaucratie. La politique commune par excellence, c'est la politique agricole du même nom. L'exemple suffit à montrer les limites de l'exercice.

Ce qui, de plus en plus, détermine concrètement la personnalité propre à la Communauté (et à la future Union), c'est que celle-ci est une zone de libre-échange plus une Cour de justice. Les nationalistes à tous crins ne s'y trompent pas, pas plus en France qu'en Grande Bretagne et ailleurs. Ils détestent cette intégration par le droit qui intéresse directement la vie des citoyens et leur confère de nouvelles libertés économiques (et sans doute aussi, un jour, sociales). A cela s'ajoute, bien sûr, le rôle des autres institutions communautaires: le conseil des ministres, cette école où les gouvernements apprennent à gouverner en commun; la Commission, dont la fonction, Dieu merci, va bien au-delà de la gestion des "Politiques communes", le Parlement, enfin, mais celui-ci ne s'est guère encore recommandé par son comportement auprès du public.

L'ARGUMENT DE LA DILUTION

Pour amorcer la pompe du développement économique, les pays ex-communistes ont beaucoup plus besoin de débouchés pour leurs produits que des crédits de la BERD (Banque européenne pour la reconstruction et le développement). Les traités d'association en cours de négociation leur promettent l'ouverture, avec beaucoup d'exceptions, de nos marchés dans dix ans. Ils risquent fort d'être asphyxiés avant le terme.

L'autre besoin urgent, c'est un afflux d'investissements étrangers. Les capitaux ne viendront que si est proclamé dans un traité le principe d'une adhésion à la Communauté dans des délais raisonnables mais suffisamment rapprochés. Seule une telle perspective rendra possible le succès de la réforme économique en cours et crédible la perpétuation des régimes démocratiques. Inversement, il reste à prouver que cette perspective peut être dangereuse pour la construction communautaire.

L'argument de la "dilution" de la Communauté est spécieux. Avant de servir à essayer de perpétuer la structure à douze, il a été mis en avant pour préserver une Communauté à six excluant la Grande-Bretagne. Du moins le général de Gaulle s'opposait-il à l'entrée d'un pays riche qui ne faisait pas mystère de son intention de changer la Communauté de l'intérieur. M. Mitterrand veut faire attendre indéfiniment des pays appauvris par quarante-cinq ans de marxisme et qui viennent, de la façon la plus éclatante et la plus courageuse, de prouver leur tropisme communautaire.

A cela s'ajoute une autre considération que Paris ne pourra pas toujours ignorer. Le rejet de candidatures émanant de pays européens et démocratiques est tout simplement illégal, contraire aux dispositions du traité de Rome. Quelle que soit la portée de l'argument juridique, il reste que ce genre d'affaires se règle sur le terrain politique.

Devant la chambre de commerce belgo-luxembourgeoise, à Paris, un ancien vice-président de la Commission européenne, dont l'influence reste très grande sur les milieux européens, le vicomte Etienne Davignon, exprimait l'idée que le défi majeur qui se pose à l'Europe occidentale, c'est précisément ses relations avec les pays ex-communistes : "De la même manière, a-t-il dit, que l'Allemagne a accompli sa réunification du fait des contraintes qui auraient pesé sur l'Allemagne de l'Ouest au cas où celle de l'Est serait restée séparée d'elle, de même il est tout à fait illusoire de s'imaginer que nos intérêts ne seraient pas gravement affectés si une réponse positive n'était pas donnée aux énormes difficultés qui assaillent les pays ex-communistes et à leur aspiration à s'agréger à l'Europe de l'Ouest." Conclusion de l'ancien vice-président de la Commission: qu'il soit bien clair que l'union économique et monétaire doit "être la prochaine étape de l'intégration" mais il ne peut y avoir qu'une raison pour fermer la

porte de la Communauté, "c'est qu'ont ne veut pas d'eux".

LES DESIRS POUR LA REALITE

La crispation sur le statu quo est encore contraire à l'idée, confédération ou pas, que les Européens doivent prendre leurs affaires et leurs relations mutuelles en main. Elle laisse à d'autres, et singulièrement aux Américain, le rôle exclusif du recours et le soin de façonner un destin acceptable pour l'Europe, c'est-à-dire un destin conforme à la volonté populaire (si clairement exprimée par les dissolutions successives du pacte de Varsovie et du COMECON).

A peine M. Mitterand était-il revenu de Kiev que le secrétaire d'Etat américain prononçait un premier discours, à la fois prémonitoire et directif, à Berlin. M. James Baker y déclarait - c'était le 12 décembre 1989 - qu'une Allemagne réunifiée devrait être membre de l'OTAN. Autant les propos américains annonçaient l'avenir, autant les premières réactions françaises devaient vite se révéler et contraires à la logique de la situation et de nature à engendrer un climat de suspicion - non complètement dissipé à ce jour - à l'intérieur de l'Europe.

Prenant sans doute ses désirs pour des réalités, on se flatta d'abord à Paris que le secrétaire d'Etat eût mis la barre très haut, en posant une condition "inacceptable" à M. Gorbatchev. N'était-ce pas le signe que Washington n'était pas plus pressé que Paris et Londres de voir la division de l'Allemagne prendre fin ? En formulant cette hypothèse, l'Elysée et le Quai d'Orsay montraient aussi qu'ils n'avaient pas encore pris la mesure du leadership des Etats-Unis et de l'incapacité soviétique à s'y opposer.

Le souci de ne pas gêner les Soviétiques n'a pas disparu des préoccupations françaises, fût-ce au risque de s'aliéner la sympathie des alliés plus naturels que sont les nouvelles démocraties du centre et de l'est de l'Europe, voire la sympathie des partenaires de la Communautés. On aurait, a Paris, accueilli sans déplaisir l'acceptation par la Pologne de l'offre que lui faisait Moscou de conclure avec elle un traité de sécurité (comme il en existe un entre I'URSS et la Roumanie). Si M. Vaclav Havel repousse aussi catégoriquement l'idée de confédération, c'est parce qu'elle a une certaine similitude avec la "maison commune" " chère à M. Gorbatehev.

A peine M. Mitterrand était-il rentré des Assises de Prague que M. James Baker prononçait (le 18 juin) un deuxième et retentissant - sauf en France - discours. Il y assurait les nouvelles démocraties du soutien de l'Ouest. Sur un registre plus futuriste, il évoquait la perspective d'"une Communauté.

euro-atlantique s'étendant de Vancouver à Vladivohtok" Nous voici transportés loin d'une Confédération purement européennes. Si vous habitiez Varsovie ou Berlin, à laquelle de ces visions accrocheriez vous vos espoirs ?

Au début de ce même mois de juin avait eu lieu à Copenhague une conférence des ministres des affaires étrangères de I'OTAN à laquelle participait, comme il se doit, M. Roland Dumas. A l'usage de l'opinion publique française, le Quai d'Orsay prétendit qu'à l'occasion de cette réunion avait été accepté l'idée d'un "pilier" européen de défense, conformément a" voeu de la France. La réalité est tout autre : c'est la conception américaine d'une défense intégrée qui l'emporta. De quoi sera faite la future politique étrangère et de défense de Europe communautaire ?

 
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