Basile Guissou: ancien Ministre des Affaires Etrangères du Burkina Faso. Membre du Conseil Fédéral du Parti Radical
Depuis deux semaines,la situation politique au Togo est extrèmement tendue,après que l'armée ait occupé la radio télévision,donné l'assaut contre la résidence du premier ministre(faisant plus d'une quinzaine de morts)et pris en otage ce dernier.Depuis,l'armée exige la formation d'un nouveau gouvernement provisoire où "toutes les forces politiques seront representées" et la dissolution du "haut conseil de la république",organe législatif provisoire,issu de la "conférence nationale souveraine".L'armée togolaise n'en est pas à sa première tentative de retour au pouvoir depuis le mois de aout dernier,avant,pendant,et après la conférence nationale souveraine,regroupant les forces politiques,les syndicats,les associations,et les autorités religieuses et coutumières du pays.
Cette fois-ci,c'est la publication d'un décret du "haut conseil de la république" qui décidait la dissolution de l'ancien parti unique(RPT)du général président Eyadéma,auquel la conférence nationale avait enlevé une partie importante de ses pouvoirs,qui a donné le prétexte aux militaires putchistes pour agir.Selon ces derniers,tous les partis politiques,y compris l'ancien parti unique ont le droit à l'existence légale et à la participation au gouvernement transitoire.La décision de dissoudre le parti du président serait "anti démocratique".Bien sur,le president Eyadema est soupçonné d'etre l'inspirateur du coup d'état.Les partis politiques de l'opposition ont dénoncé ce coup de force de l'armée et certains ont demandé l'intervention militaire de la France pour "défendre la démocratie" au TOGO.
Le premier ministre,semble avoir accepté(sous la menace des armes disent certains opposants,alors que d'autres approuvent)le principe de former un nouveau gouvernement provisoire,dans lequel le parti du président serait inclus. Jusqu'ici,le gouvernement en question n'est toujours pas formé.Le 10 décembre 1991,les radios étrangères(radio france internationale et la british boadcoasting cooperation)ont annoncé une rencontre entre le président et le premier ministre au sujet de la formation du nouveau gouvernement.
La situation au TOGO est extrèmement complexe.Beaucoup de facteurs exogènes comme l'opposition regionaliste Nord/Sud,la composition de l'armée où les troupes spéciales d'élite sont toutes issues de la région natale du président,tout comme la majorité des officiers,et les vingt cinq ans de règne sans discontinuité du régime militaire à parti unique sont à prendre sérieusement en compte,pour négocier une sortie pacifique de la crise actuelle.
L'essentiel est la poursuite du processus démocratique jusqu'à la tenue d'élections libres et pluripartistes,après l'adoption d'une constitution.C'est l'absence d'institutions démocratiques issues d'un vote démocratique des électeurs(constitution,assemblée nationale)qui explique la confusion politique actuelle où tous les acteurs de la scène revendiquent soit la "légalité",soit "la légitimité".L'objectif de toute démarche efficace en faveur de la démocratisation doit mettre cela au centre de ses propositions de solutions.Autrement,toutes les parties,chercheront à imposer leurs seules vues,au nom d'un peuple qui jusqu'ici a perdu beaucoup de ses fils au cours des affrontements de rue,des tentatives de coups d'état,sans avoir encore eu à se prononcer par le bulletin de vote.
ROME ce 11 Décembre 1991
Basile GUISSOU.