Mes chers compatriotes,
suite au coup de force perpétré par les Forces Armées Togolaises contre le Haut Conseil de la République les 22 et 23 octobre 1992, je tiens à faire connaître au peuple qui est une fois de plus plongé dans un profond désatroi, les événements et à faire le point sur la poursuite de notre processus démocratique.
En prenant la parole pour faire la présente déclaration, je voudrais que mes premiers mots soient pour affirmer ceci:
En adoptant par référendum la constitution devant régir la IV République, les prérogatives et les compétences d'organe législatif de la transition dévolues par la Conférence Nationale Souveraine au H.C.R. ont été définitivement ratifiées par le peuple togolais par le résultat du vote que vous connaisses.
Il ne saurait être question pour les Hauts Conseillers de la République, quelles que soient les èpreuves et les humiliations, de renoncer à la mission qu'ils tiennent désormals directament du peuple et qui est celle de conduire la transition jusqu'à la mise en place des nouvelles institutions de la IV République.
Toute tentative ou tout acte tendant à remettre en cause ces prérogatives ne peut être qualifié que de crime contre la Nation Togolaise et réprimé en tant que tel.
Sur les événements: l'aggression a débuté à 10 heures 10 minutes le 22 octobre 1992, alors que le H.C.R. réuni en séance plènière interpellait le Ministre de l'Administration Territoriale et de la Sécurité ainsi que le Ministre des Affaires Etrangères et de la Cooperation en prèsence du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, chargé des relations avec le H.C.R.
Les deux Ministres interpellés étaient venus informer le HCR sur la politique extérieure du TOGO et sur les problèmes de sécurité intérieure liés aux récents événements de TCHAMBA et à ceux qui ont amené à la fermeture de notre frontiére avec le GHANA, aux arrestations, aux morts que nous avons eu à déplorer à KPALIME et à la frontiére d' AFLAO.
C'est à l'instant précis où le HCR débattait sur l'opportunité de prononcer ou non le hius-clos, qu'un groupe de militaires fortement armés de fusils mitrailleurs et de grenades offensives, a fait irruption dans la salle et a intimé l'ordre aussi bien aux Hauts Conseillers qu'aux observateurs de ne pas bouger ni sortir de la salle.
C'est alors, que le chef du commando a déposé devant moi le document des forces armées togolaises contenant les revendications relatives au dégel des fonds du RPT assorti d'un ultimatum de 48 heures sous peine de dissolution du HCR.
Sous la menace permanente des armes, une déclaration de dégel des fonds a des lors été préparée par une commission ad hoc du HCR et soumise à plusieurs reprises à l'approbation des militaires et des deux Ministres interpellés.
Il s'agit de la déclaration que vous avez écoutée sur les ondes aux environs de 14 heures et autorisant le dégel des fonds du RPT parti-Etat qui avaient été gelés en exécution des mesures conservatoires prises par la C.N.S..
Toujours, sous la menace des armes, cette déclaration sera suivie le lendemain d'une attestation dont le texte a été présenté à la signature du Président du HCR par les Ministres AGBEYONE Kodjo et BOURAIMA autorisant les banques de la place à dégeler les fonds du RPT parti-Etat.
Au cours de ces 25 heures de sèquestration, nous avons eu malheureusement à déplorer des comportements indignes et inhumains infligés aux membres du HCR dont l'immunité parlementaire a été confirmée par le peuple togolais a travers l'adoption de la constitution.
C'est ainsi que pendant les six premiéres heures de notre séquestration, toute autorisation d'aller aux toilettes pourtant proches de la salle de réunion a été refusée, à tel point que certains Hauts Conseillers se sont trouvés obliges d'improviser un petit coin dans la salle.
Ensuite, moi-même j'ai été sorti de la salle et sous la menace des armes, j'ai été conduit à l'extérieur, exposé au soleil sur le goudron et soumis à un interrogatoire de circonstance.
C'est enfin le traitement inadmissible par paroles, gestes et actes infligés à certains membres du HCR; à titre indicatif les Hauts Conseillers, Maître AGBOYIBOR, Edem Kodjo, Mr Ayeva Zarifou, Mr Gozo, Mr Lawson Nicolas, Mr Ayeva SESSEREKUA, Me DOE-BRUCE ont été giflès, allongés et fessés avant leur liberation.
Ces traitements n'ont pas épargnés d'autres personnes comme Mr M'BA KABASSEMA non membre du HCR et qui se trouvait par hasard au Palais des Congrès.
Il est à noter également que les chauffeurs et gardes du corps des membres du HCR ont été molestés et séquestrés pendant les 25 heures et que des véhicules des membres du HCR ont été saccagés at leurs contenus pillés.
Ce qu'il faut retenir de ce drame national, c'est d'abord l'atteinte à un organe légitime et législatif que les forces armées togolaises ont obligé à ènoncer une décision sous la contrainte.
C'est ensuite les traitements contraires à la dignité humaine, aux droits de l'homme, aux prescriptions légales et internationales, infligés à des dignes représentants du peuple togolais investis de la mission de faire aboutir le processus démocratique en cours.
C'est le lieu de s'interroger sur la validité d'une telle décision abtenue sous la menace et qui du reste n'a pas fait l'objet d'un vote par les membres du HCR.
Par ailleurs, il y a lieu de se poser la question de savoir si les dirigeants du RPT nouveau qui est devenu depuis l'adoption de la Charte des Partis Politiques, un parti au même titre que les autres partis existants, sont habilités à prendre et distribuer des fonds publics appartenant au RPT parti-Etat.
Mes chers compatriotes,
C'est le lieu de remercier vivement au nom des Membres du Haut Conseil de la République, les populations togolaises, dont la mobilisation massive a été pour nous d'un grand réconfort et démontre leur détermination à oeuvrer pour l'avènement d'un Etat de droit.
Nos vifs remerciements s'adressent également aux diverses chancelleries et à la Communauté Internationale dont les actions ont contribué à un dénouement heureux de ce drame.
Il faut surtout rendre grâce à Dieu dont la toute puissance a permis de sauver la vie des membres du HCR et celle des Observateurs présents dans la salle.
Je voudrais par ailleurs adresser mes sentiments les plus sincéres de compassion à tous les Hauts Conseillers qui ont eu à subir, à l'occasion de cette séquestration, des humiliations de toute sorte et plus particuliérement à ceux d'entre eux qui ont été battus.
Nos compassions vont également aux familles qui ont eu à déplorer des victimes innocentes au cours de ce drame.
Mes chers compatriotes
A la suite de ces événements douloureux et déshonorants pour notre Pays, la mobilisation de tous les Hommes de bonne volonté épris de liberté et de paix s'impose afin que triomphent dans notre Pays la démocratie, le principe de l'alternance politique, le droit à la différence et la fraternité entre tous les fils de ce Pays.
Mes chers compatriotes
Aujourd'hui et plus que jamais, malgré les intimidations, les actes de violence, l'assassinat de ces membres, le Haut Conseil de la République est résolument déterminé à poursuivre la mission qui lui a été confiée par le peuple.
A la lumière de ces événements, il s'avère indispensable de procurer aux membres du HCR des garanties minimum de sécurité.
Cette garantie peut se manifester par la mise en place d'un corps au service de la transition et de la démocratie et chargé spécialement de protéger les organes de la transition dont le HCR.
A cet égard, au nom du peuple togolais, et en prenant à témoin la communauté internationale, je lance un appel solennel au Chef de l'Etat, Chef Suprême des Armées et au Premier Ministre, Chef du Gouvernement pour qu'ils prennent toutes les mesures tendant d'une part à une proclamation solennelle et sans ambiguité de la netralité des F.A.T. dans le jeu politique et d'autre part pour la mise en place urgente des mesures de sécurité de protection des organes de la transition.
Ce sont là les conditions minimum pour que notre processus démocratique se poursuive sans heurts, pour que enfin nostre Pays se dote de nouvelles institutions issues d'élections libres, démocratiques et transparentes.
Le peuple attend, la nation togolaise attend que chacun prenne ses responsabilités afin d'éviter de précipiter notre Pays dans un gouffre sans fin et pour qu'enfin au TOGO le droit triomphe de la Force.
Pour ma part, en tant qu'homme d'Eglise sollicité par la Nation Togolaise pour présides d'abord la Conférence Nationale Souveraine et ensite le Haut Conseil de la République, je ne suis animé d'aucune ambition politique et je n'ai d'autres préoccupations que de contribuer à conduire à bon port et dans la paix notre processus démocratique.
Mon voeu le plus cher est de terminer cette mission le plus tôt possible afin de retourner dans mon diocèse, à l'unique service de l'Eglise.
Vive le TOGO,
Vive le Renouveau Démocratique
LOME, le 27 Octobre 1992
LE PRESIDENT DU HAUT CONSEIL DE LA REPUBLIQUE