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Partito Radicale Centro Radicale - 9 settembre 1994
ONU. UNE ORGANISATION PERIMEE
par Maurice Bertrand *

(Le Monde des Débats, Juillet-Août 1994)

Il n'y a aucune chance aujourd'hui pour que la Charte de l'ONU soit sérieusement transformée ou, à plus forte raison, remplacée par un texte entièrement nouveau. Les gouvernements, surtout ceux des grandes puissances, s'accommodent fort bien des institutions mondiales existantes et de l'ONU en particulier. Or la Charte de l'ONU est un texte archaïque, périmé, hypocrite et nuisible. Conçue en 1945, en s'inspirant largement du Pacte de la SDN de 1919, elle a pour idée centrale le » maintien de la paix - c'est-à-dire celui de l'ordre mondial établi par les vainqueurs - par le moyen de la » sécurité collective . Tout le reste est secondaire et sert seulement d'habillage institutionnel ou verbal à l'instrument central qu'est le Conseil de sécurité dominé par ses cinq membres permanents dotés du droit de veto. Tout cela ne fonctionne pas et n'a même plus de sens, mais personne ne semble oser dire que le roi est nu.

La Charte est encore considérée, dans les chancelleries et dans les universités, connne un monument respectable. Son préambule et son chapitre 11, auraient le mérite de définir de nobles objectifs pour la communauté intemationale. Les » organes principaux qu'elle crée (chapitre 11), l'Assemblée générale (chap. IV), le Conseil de sécurité (chap. V), le Conseil économique et social (chap. X), le Conseil de tutelle (chap. XIII), la Cour internationale de justice (chap. XIV), le secrétariat (chap. XV), ne fonctionneraient imparfaitement que par la faute des Etats membres qui ne respecteraient pas suffisamment la lettre et l'esprit du texte. Il en irait de même de la coordination entre l'ONU et les agences spécialisées dont les pères de la Charte avaient organisé l'indépendance dans les domaines de la monnaie, du travail, de l'éducation, de l'agriculture, de la santé... pour permettre à la coopération sur des questions techniques de se développer à l'abri des querelles politiques.

Surtout, la Charte aurait le mérite d'avoir institué un système de sécurité mondial, en prévoyant dans son chapitre VII l'application de sanctions économiques (art. 41) ou militaires (art. 42) pour réprimer ou dissuader les agresseurs, puis en complétant ces mesures par des méthodes destinées à obtenir le règlement pacifique des différends (chap. I) et par des accords régionaux (chap. VII). Le secrétaire général de son côté aurait été investi d'une mission essentielle par l'article 99 qui lui permet d'» attirer l'attention du Conseil sur toute affaire qui à son avis pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales .

Ce système aurait rendu de grands services pour le maintien de la paix dans le monde. Certains vont même jusqu'à affirmer que l'ONU aurait permis d'éviter une troisième guerre mondiale. Le système n'aurait pas pu fonctionner correctement pendant quarante ans en raison de l'opposition Est-Ouest et de l'usage systématique du veto par l'URSS, mais aujourd'hui l'accord des cinq membres permanents autoriserait tous les espoirs. Enfin, l'invention des » casques bleus par Lester Pearson et Dag Hammarskjöld en 1956 - à l'occasion de la guerre de Suez - serait venue heureusement compléter l'arsenal des mesures de sécurité. L'établissement de la paix est une tâche extrêmement difficile, et il ne faudrait pas s'étonner qu'on ne puisse la faire régner partout. De toute manière, il ne serait pas possible de changer la constitution du monde, les institutions mondiales n'ayant pu être créées qu'à l'occasion de moments d'émotion collective comme ceux qui ont suivi la fin des deux premières guerres mondiales. Une véritab

le idéologie de la Charte, qui en fait un texte sacré, continue ainsi de régner.

Un examen plus objectif permettrait de constater :

- que ce texte est en grande partie rédigé en » langue de bois ;

- que la structure de l'ONU et de l'ensemble des organisations mondiales décentralisées qui l'entourent ne permet pas de traiter sérieusement des problèmes mondiaux ;

- surtout que le système de sécurité ainsi instauré est à la fois irréaliste et dangereux.

La langue de bois consiste à énoncer de grands principes et à utiliser de grands mots sans fournir les moyens de contrôler leur mise en application. Le préambule qui proclame sa » foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine , qui veut »favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande , commence par » Nous les peuples alors qu'il s'agit d'une organisation strictement intergouvernementale et qu'aucune représentation démocratique n'y est prévue. Le chapitre Ier, qui propose de » réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel, ou humanitaire , ne fournit aucune indication sur les moyens par lesquels ces nobles objectifs pourraient être atteints. Et surtout l'article 2, 7, interdit expressément de vérifier que les Etats membres respectent ce à quoi ils viennent ainsi de souscrire en précisant que rien » n'autorise les Nations un

ies à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat .

Cet aspect irréaliste et hypocrite de la Charte est encore mis plus clairement en lumière par le fait qu'au moment où ce texte était approuvé, la structure d'ensemble du » système des Nations unies avait déjà été décidée : dès 1944 avaient été créés le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Et les autres agences spécialisées étaient ou devaient être complètement indépendantes de l'ONU. A partir du moment où les décisions concernant la monnaie, le crédit et l'ensemble des problèmes techniques mondiaux devaient être prises dans d'autres instances que l'ONU, il était illusoire de créer des organes tels que l'Assemblée générale ou que le Conseil économique et social, qui n'avaient aucune autorité sur les autres agences de l'Organisation. La structure même de l'ONU, copiée sur celle des organisations techniques, où peut exister un certain degré de consensus, ne répondait pas aux besoins d'une organisation politique qui a pour objet de négocier et de rapprocher les points de vue.

En réalité, il s'agissait essentiellement d'une organisation de sécurité. Or le système de sécurité collective qui est le coeur de la Charte a été le produit d'une double illusion : celle éprouvée par les grandes puissances victorieuses elles-mêmes qui ont cru au caractère éternel de leur alliance du temps de guerre ; celle qu'elles ont voulu imposer à l'opinion en tentant de faire croire que tous les gouvernements seraient prêts à s'impliquer militairement dans tous les cas de violation de la paix, même si leurs intérêts vitaux n'étaient pas concernés.

Le fait que ce système n'ait jamais fonctionné n'a pas suffi à détruire ce mythe : la Société des nations - qui n'avait pu empêcher ni la conquête de l'Ethiopie par l'Italie, ni celle de la Mandchourie par le Japon, ni l'Anschluss de l'Autriche par l'Allemagne, ni l'affaire des Sudètes, ni l'occupation de la Tchécoslovaquie - a volé en éclats ; l'ONU n'a pu empêcher aucune des innombrables agressions qui ont été commises depuis 1945, les deux seuls cas d'exercice collectif - la guerre de Corée en 1950 et celle du Golfe en 1990 - n'ayant représenté que la couverture par le Conseil de sécurité de l'intervention d'une puissance hégémonique pour la défense de ses intérêts vitaux. Les multiples échecs subis aujourd'hui dans l'apaisement des conflits intraétatiques en Angola, en Somalie, en Yougoslavie, au Rwanda, à Haïti et en d'autres lieux devraient aider à mettre fin à ce mythe tenace. Pourtant les défenseurs de la Charte continuent de penser contre toute évidence que le système peut encore fonctionner.

Or c'est un système dangereux : non seulement le Conseil de sécurité, qui en est le centre, ne sert aujourd'hui strictement à rien (sauf à patronner des activités humanitaires, ce qui n'est pas le rôle d'une organisation de sécurité), mais l'existence même de ce système de répression vient légitimer l'idée que la sécurité repose sur la force, la taille et la sophistication des armées.

C'est aujourd'hui le contraire qui est vrai. La sécurité ne peut reposer que sur des mesures de contrôle et de confiance qui permettent de vérifier l'usage éventuel des appareils militaires et sur la réduction des armements. Les seuls systèmes de sécurité à l'échelle internationale qui aient réussi à fonctionner utilement ont reposé sur ces principes, exactement inverses de ceux de la sécurité collective.

En Europe occidentale - la partie du monde qui, depuis plus de mille ans, avait été à l'origine de la plupart des guerres, y compris les deux guerres mondiales -, la paix a été définitivement établie par la création de la Communauté puis de l'Union européenne. Les guerres entre l'Italie, la France, l'Angleterre, l'Allemagne ou l'Espagne sont aujourd'hui devenues difficilement imaginables. La coopération économique et la confiance ont produit ce résultat. A une échelle plus vaste encore, celle de la Conférence sur la coopération et la sécurité en Europe, qui groupe cinquante-trois Etats et va de l'Amérique du Nord aux Etats successeurs de l'URSS en passant par tous les pays européens, c'est par l'établissement de mesures de transparence, de vérification réciproque des appareils militaires et de réduction des armements qu'une communauté de sécurité a été établie : les risques de guerre entre Etats y sont devenus presque nuls. Chacun sait aujourd'hui que c'est en s'attaquant aux causes mêmes des guerres, c'est-

à-dire aux frustrations identitaires, à l'ignorance, à l'oppression, à la misère, à l'absence d'espoir, que l'on a quelque chance d'établir la paix, Les termes de » sécurité coopérative qui sont utilisés quelquefois pour désigner ce genre d'approche n'ont peut-être pas encore été acceptés comme l'antithèse de la » sécurité collective . Et pourtant l'extension de la CSCE aux Etats riverains de la Méditerranée (projet de CSCM), ou à l'Asie (projet de CSCA présenté par Mikhaïl Gorbatchev) a déjà été envisagée.

La généralisation de cette approche sur le plan mondial devrait être la tâche fondamentale d'une organisation de sécurité construite sur ces principes : vérification internationale des appareils militaires, contrôle général et réduction effective des armements, contrôle du commerce des armes et interdiction de la fabrication de certaines d'entre elles (mines antipersonnel par exemple), stratégies de prévention fondées sur des plans régionaux de sécurité et des aides économiques massives financées par les sommes dégagées par la réduction des budgets militaires.

Il est loin d'être impossible d'imaginer une organisation mondiale dont les membres accepteraient la vérification internationales des principes auxquels ils souscriraient, qui aurait des organes représentatifs, efficaces et démocratiques, et qui serait dotée des ressources propres nécessaires à l'exécution de sa mission. Il est encore moins impossible de mettre en chantier l'élaboration de la nouvelle Charte qui la créerait: il suffirait que quelques hommes d'Etat veuillent bien constater l'absurdité de la situation actuelle et se préoccuper sérieusement de l'avenir.

Maurice BERTRAND

* Conseiller honoraire à la Cour des comptes, Maurice Bertrand -il est né en 1922 - a été, pendant dix-huit ans, membre du corps commun d'inspection des Nations unies. Il a écrit plusieurs ouvrages sur les relations internationales, dont "Refaire l'ONU" (Editions Zoé, Genève, 1986) et la "Stratégie suicidaire de l'Occident" (Editions Bruylant, Bruxelles, 1993).

 
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