Plus de 750 000 non-Serbes ont été chassés de leurs foyers.par Isabelle Vichniac
(Le Monde, 22-9-94)
Condamnations internationales, menaces, dénonciations; rien n'aura, en fin de compte, réussi à interrompre le » nettoyage ethnique pratiqué en Bosnie-Herzégovine et redevenu, ces derniers temps, systématique. A preuve, les informations - quasi quotidiennes aujourd'hui - sur les expulsions de femmes, d'enfants et de vieillards dans le nord de la République, sous contrôle des forces serbes.
Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), on évalue à plus de 75O 0OO le nombre de no-serbes expulsés au cours de deux ans et demi de guerre et de politique d'épuration ethnique en Bosnie-Herzégovine. Ron Redmond, l'un des porte-parole du HCR, a précisé, mardi 20 septembre, que seulement 80 000 habitants autres que des Serbes étaient demeurés dans leurs foyers.
En Bosnie du Nord, la population non serbe serait passée de 537000 à 70000 environ. Depuis la mi-juillet, près de 4000 personnes ont été expulsées vers la Croatie et la Bosnie centrale. En Bosnie de l'Est où résidaient avant la guerre 300000 Croates et Musulmans, il en resterait aujourd'hui moins de 10000.
Ce chiffre se réduirait à quelques centaines pour la zone de Bijeljina, où l'on comptait 30 000 Musulmans et d'où, depuis la mi-juillet également, 6 000 personnes auraient été expulsées et forcées de franchir la ligne de front pour rejoindre Tuzla, dont la population a presque doublé.
Cependant 59000 Serbes (sur 82000) ont dû fuir cette dernière ville et ses environs. Dans d'autres zones tenues par les Musulmans, le nombre de Serbes a également fortement diminué, passant de 30000 à 1600 à Bihac et de 80000 à 20000 à Zenica.
Pour sa part le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) affirme que, les 18 et 19 septembre, 2700 Musulmans (1800 dimanche et 900 lundi) ont été contraints de traverser la ligne de front entre Bijeljina et Tuzla. Deux de ces personnes ont péri pendant leur exode et de nombreuses autres ont été blessées, traumatisées et épuisées. Pourtant, le CICR avait reçu des assurances de la part des plus hautes autorités serbes selon lesquelles il ne serait plus procédé à des expulsions. Au surplus, le nombre de détenus, en général des civils, augmente de manière alarmante.
Isabelle VICHNIAC