Radicali.it - sito ufficiale di Radicali Italiani
Notizie Radicali, il giornale telematico di Radicali Italiani
cerca [dal 1999]


i testi dal 1955 al 1998

  RSS
dom 18 mag. 2025
[ cerca in archivio ] ARCHIVIO STORICO RADICALE
Conferenza Partito radicale
Partito Radicale Centro Radicale - 14 ottobre 1994
Le rôle de Milosevic

MILOSEVIC OU MILOSEVIC

par Ivan Djuric *

SOMMAIRE: L'homme fort de Belgrade propose à la Serbie le choix entre deux visages: Milosevic et son populisme panserbe ou Milosevic "la colombe", un rôle destine à rassurer l'opinion internationale.

(Libération, 13-10-1994)

Bien qu'en principe, il soit immodeste de se référer à ses propres écrits, je citerai néanmoins partiellement un texte que j'ai publié, sous le titre » Le retour dans la Serbie , voici aujourd'hui quinze mois. J'y écrivais entre autres:

» Malheureusement, les Serbes en dehors de Serbie n'ont pas compris deux choses: 1) la Serbie démocratique est la seule qui est en état de veiller sur le respect de leurs droits nationaux, au cas où ils seraient menacés dans la Croatie et dans la Bosnie-Herzégovine, et 2) leurs peurs, non seulement compréhensibles, mais aussi souvent justifiées, ont été exploitées au profit du régime de Belgrade, d'ailleurs trop loin d'eux. Ce régime s'est servi d'eux pour exercer un "chantage", destiné à la Serbie; par la suite, ce régime a fait de ces serbes les principaux acteurs dans le conflit et, finalement, d'abord, à Knin (en Croatie) et maintenant même en Bosnie, Belgrade s'est débarrassée d'eux. Il reste à noter que c'est la mauvaise conscience de la Serbie proprement dite, qui a facilité, elle aussi une telle issue... Enfin, une telle issue a été aussi favorisée par la myopie politique de la CEE qui voit dans Slobodan Milosevic, sinon le prochain lauréat du prix Nobel de la paix, au moins son interlocuteur privilé

gié... Peu importe aujourd'hui si Milosevic est sincère ou non, dans son divorce avec les Serbes de Bosnie. Ce qui est important, c'est que les Serbes de Bosnie ne le croient plus. Il est encore plus important que l'homme fort de Belgrade, pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir (depuis qu'il s'est servi du fantasme du "Kosovo"), ne cherche plus l'appui à son régime auprès de la "diaspora" serbe, mais dans la Serbie même.

Pour comprendre l'attitude actuelle de Milosevic, il ne faut pas perdre de vue que le populisme est la première caractéristique de son régime. Et un pouvoir populiste, les expériences du passé le prouvent abondamment, n'existe que s'il sait être également pragmatique. L'irrationalisme collectif réactivé par le populisme n'est utilisé qu'à seule fin de prendre et de conserver le pouvoir. D'ailleurs, Milosevic n'est pas du tout un rêveur nationaliste, mais seulement un esprit certes destructeur mais d'abord pragmatique qui, au gré de ses besoins, exploite diverses frustrations nationales: vers le milieu des années 80, chef en titre des communistes de Belgrade, il réglait assidûment ses comptes avec le nationalisme infantile des académiciens de Belgrade voire avec l'anticommunisme naïf des démocrates serbes avortés; en 1987, afin de s'emparer du pouvoir, Milosevic s'est servi du seul vrai fantasme national de la Serbie profonde, le Kosovo (bien qu'il soit perdu sur le plan démographique); face à cette province

fétiche, ni Knin ni Pale ne pourront jamais susciter un pareil enthousiasme nationaliste chez les Serbes de Serbie; avant même cette Serbie, enivrée par ses promesses irresponsables, il a été le premier à comprendre qu'il n'a plus rien à gagner au Kosovo, et il s'est tourné vers les Serbes en dehors de la Serbie, vers leurs craintes et leurs frustrations (la perte de la patrie, c'est-à-dire de la Yougoslavie identifiée à la Serbie; la perte des privilèges généreusement octroyés par Tito en récompense de leurs souffrances durant la Seconde Guerre mondiale ainsi que la panique face aux réminiscences de plus en plus ouvertes des pogroms des oustachis); Milosevic savait aussi que cette » diaspora (Serbes originaires de Croatie et de Bosnie-Herzégovine: deux cinquièmes de la totalité des Serbes, un tiers des Serbes de la Serbie actuelle) pouvait l'aider momentanément sans oublier qu'il ne pouvait régner durablement en Serbie sans les Serbes de Serbie.

Jusqu'au printemps 1993, il a donné constamment l'avantage aux Serbes en dehors de la Serbie (majoritaires au sein de l'armée et de l'administration ex-communiste). La Serbie, passionnée est elle-même d'être hostile à l'idée d'un élargissement territorial, surtout s'il ne lui coûte guère. Milosevic est même aidé par l'opposition qui, à l'époque où elle existait encore en Serbie, a été en grande partie tout aussi nationaliste que le pouvoir. Il a été encouragé aussi par la communauté internationale qui l'a traité comme son interlocuteur exclusif, à un moment où ce n'était encore pas le cas et, finalement, il a été conforté par l'opinion publique internationale, dont les bonnes intentions ont été annihilées par son ignorance, ses préjugés historiques et son manichéisme apolitique. Il a été également soutenu par l'émigration de plus de 300.000 membres de l'élite de Serbie (entre 1991 et 1994), pour la plupart opposants au régime, dont le départ a été systématiquement encouragé (proportionnellement, ce chiffre

correspondrait à un million et demi de membres de l'élite française). Même les sanctions économiques auront aidé, du moins au début: en effet, elles ont fourni un alibi à tous les maux dont souffre la Serbie, la corruption, les vols et l'absence de la moindre volonté de réforme (en Serbie, 13 % seulement des industries sont privatisées). Enfin, Milosevic a su profiter de l'» autosuffisance économique de la Serbie, pays riche en énergie et en biens alimentaires. Le nationalisme autoritaire du pouvoir de Zagreb et les prémices erronées sur lesquelles se sont appuyées les autorités de Sarajevo (notamment le principe selon lequel il est préférable que la vie politique en Bosnie-Herzégovine se passe des partis » civiques d'après le critère » une nation, un parti ne pouvaient que lui rendre service. Entre-temps, parallèlement aux conquêtes territoriales et aux purifications ethniques, son image négative se répandait irrésistiblement dans le monde. Désigné comme le principal coupable parmi les protagonistes p

olitiques de la crise yougoslave, il est de plus en plus accusé de porter une responsabilité personnelle pour les crimes commis. Au moment où les buts de guerre semblaient atteints (au printemps 1993), alors qu'il n'était toujours pas discrédité en tant que partenaire privilégié dans les négociations avec la communauté internationale, Milosevic a tenté pour la première fois de changer d'attitude envers les Serbes hors de Serbie. Ce changement s'est opéré au printemps de l'année dernière, au moment où il a décidé de se rendre à Pale, accompagné de l'ex-Premier ministre grec Mitsotakis, afin de convaincre sur place les fanatiques de renoncer à mener à terme leur projet fou. Il a échoué. Plus exactement, à Pale, il n'a pas été compris. Ils ont préféré croire que leur chef bluffait. D'ailleurs, les faucons de Pale, victimes de cette même illusion, perdront quelques précieuses semaines dans leur » fuite en avant durant l'été dernier. Telle a été la force de son mythe nationaliste auprès d'eux. Mais, Milosevic n

'a pas oublié la gifle de Pale de l'année précédente. En outre, il est poussé par l'imminence de la catastrophe nationale: la Serbie est devenue un refuge pour les criminels où ont afflué quelque 600.000 personnes, conséquence directe de la politique » dans l'intérêt national des autorités de Belgrade vis-à-vis des Serbes en Croatie et en Bosnie-Herzégovine; ces immigrés serviront de plus en plus de boucs émissaires aux difficultés économiques et à la mauvaise conscience de la Serbie; ensuite, le » tutorat politique sur la crise yougoslave a été repris par Washington et Moscou, ce qui a provoqué une modification des axiomes sur lesquels devrait reposer sa solution (le rejet formel de la transformation des frontières entre les Etats successeurs de l'ex-Yougoslavie, la contrainte de la cohabitation entre différentes communautés ethniques, l'approche globale de la crise qui inclut non seulement la Bosnie, Gorazde, Sarajevo ou Knin, mais aussi le Kosovo ainsi que la position des minorités ethniques partout o

ù elles se trouvent), enfin, l'homme fort de Belgrade a pu se rendre compte que, comparé aux grands cadeaux politiques offerts par les Etats-unis aux Russes, la protection sans condition accordée par Moscou à ses » frères orthodoxes faisait de moins en moins le poids.

Actuellement, Milosevic a deux sources de préoccupation: comment rester au pouvoir en Serbie et comment gagner une respectabilité dans l'opinion publique internationale. Il a obtenu certaines promesses des » tuteurs de la crise yougoslave. Il en a besoin, puisque, en bon anticipateur qu'il est, il sait qu'il faudra bientôt payer la note pour la guerre en Bosnie et que la Serbie est en train de perdre patience. Mais il sait aussi que la Serbie est nécessaire aux » tuteurs internationaux. Dans son nouveau rôle de » colombe , Milosevic préférerait partager avec un partenaire de Serbie où l'opposition politique est détruite: durant les quatre années de » parlementarisme pas un seul parti n'a échappé à deux scissions au moins. Les » socialistes serbes y sont pour quelque chose. La dernière volte-face de Milosevic met les survivants de l'alternative politique dans une situation impossible: soit » être plus catholique que le pape et tenter de contester l'auréole panserbe de milosevic en soutenant les Tch

etniks de Pale, soit soutenir la » colombe naissante, au risque de s'anéantir en tant qu'alternative.

Quelle que soit l'option, Milosevic est le gagnant. Milosevic propose à la Serbie un choix entre ses deux visages. Kramer contre Kramer. Jusqu'à quand jouera-t-il le rôle de la » colombe . Aussi longtemps qu'il croit tenir ainsi la Serbie et qu'il espère d'une réhabilitation internationale.

* Historien, président du Mouvement pour les libertés démocratiques.

 
Argomenti correlati:
stampa questo documento invia questa pagina per mail