Radicali.it - sito ufficiale di Radicali Italiani
Notizie Radicali, il giornale telematico di Radicali Italiani
cerca [dal 1999]


i testi dal 1955 al 1998

  RSS
lun 12 mag. 2025
[ cerca in archivio ] ARCHIVIO STORICO RADICALE
Conferenza Partito radicale
Partito Radicale Centro Radicale - 17 novembre 1994
Ex-Yougoslavie.

DES ARMES POUR LES BOSNIAQUES

par Rémy Ourdan

SOMMAIRE: Malgré l'embargo international, les forces de Sarajevo

se sont renforcées, grâce aux » amis étrangers et à la Croatie

(Le Monde, 17-11-1994)

La Fédération croato-musulmane, créée en mars sous l'égide des Etats-Unis, a permis à l'armée gouvernementale bosniaque (à composition essentiellement musulmane) de réaliser un véritable bond en avant, après deux ans d'un conflit au cours duquel les séparatistes serbes se sont emparés de plus de 70 % de la Bosnie-Herzégovine.

Encerclées par les Serbes, héritiers de l'armement de l'ex-armée yougoslave (JNA), et les Croates, qui ont réussi à équiper leur armée grâce notamment à leur importante façade maritime, les forces bosniaques sont longtemps restées les enfants pauvres de la guerre qui dévaste le pays. Redevenus alliés de Zagreb au printemps, les Bosniaques se sont considérablement approvisionnés en armes à travers le territoire croate, jouant sur leurs amitiés avec les Etats-Unis ainsi qu'avec les pays arabes, dont la Turquie, l'Iran, le Pakistan, l'Arabie saoudite...

» Les récentes offensives menées par les forces bosniaques ont été révélatrices d'un changement radical d'équipement et de comportement, confie un officier de la FORPRONU à Sarajevo, chargé de collecter des renseignements militaires. Les soldats sont disciplinés, ils portent des uniformes de combat, la plupart d'origine américaine, et des chaussures de qualité, souvent produites localement. Ils sont équipés d'armes légères sophistiquées, du pistolet-mitrailleur au fusil de précision. Ils ont des armes lourdes, surtout des mortiers de 82 mm et de 120 mm, quelques canons de 122 mm 130 mm et 203 mm d'une portée de 20 kilomètres. » Le bilan conclut cet officier, est que l'armée bosniaque, bien que toujours nettement inférieure à l'armée serbe de Bosnie, est désormais apte à surprendre son ennemi, à percer ses positions, puis à défendre le territoire conquis. Elle ne peut cependant pas encore affronter une éventuelle contre-attaque massive, car les Serbes sont de parfaits artilleurs et possèdent un nombre incal

culable de canons et de chars d'assaut.

L'essentiel de l'armement parvenu aux Bosniaques a transité par la Croatie. Le port de Ploce, en Dalmatie, l'île de Krk, voire l'aéroport international de Zagreb, sont les lieux de transit les plus fréquemment utilisés. En 1993 à Zagreb, les douaniers croates ont découvert un stock d'armes à bord d'un Boeing 747 iranien et l'ont confisqué. "A la suite de cet épisode, se souvient Vladimir Matek chef de cabinet du ministre croate des affaires étrangères, plusieurs pays nous ont contactés. Ils nous ont dit clairement que même s'ils devaient payer plus cher, ils feraient parvenir des armes aux Bosniaques, par le côté serbe." M. Matek refuse d'en dire plus, mais il est évident que la Croatie a intérêt, à demeurer la plaque tournante pour les armes à destination de la Bosnie. Les gouvernements expéditeurs paient très cher les autorités croates pour fermer les yeux à l'arrivée de certaines cargaisons, et les Croates d'Herzégovine prélèvent ensuite un tiers des marchandises sur la route menant aux territoires contrô

lés par l'armée bosniaque.

Ainsi, fin mai, des témoins affirment avoir vu trente-quatre camions escortés par la police croate acheminer deux cent tonnes d'armes chinoises vers Zenica, en Bosnie centrale. Quelques jours plus tard, les brigades de la région étaient équipées de missiles antichars Norinco Red Arrow 8, dont un exemplaire a été photographié par un journaliste français près du front de Gradacac. Ces missiles, de fabrication chinoise et qui n'avaient jamais été vus hors de Chine, ont une portée de 3 000 mille mètres et percent le blindage des chars de la JNA dont sont dotés les Serbes. Le 4 mai, selon le Washington Post citant des diplomates en poste à Zagreb, 60 tonnes d'explosifs, de détonateurs et de munitions seraient parvenues aux Bosniaques via Zagreb - à bord d'un autre Boeing iranien.

Production locale

» Si les Musulmans bosniaques veulent se procurer des armes, ils doivent coopérer avec la Croatie, c'est une évidence, déclare Vladimir Matek. Mais il y a également de l'armement qui transite par notre territoire clandestinement. Nous savons que des pays occidentaux utilisent des convois humanitaires des Nations unies ou d'organisations non gouvernementales pour acheminer des armes en Bosnie centrale. L'armée bosniaque, privée des stocks yougoslaves au début du conflit, a cependant réussi à contrôler plusieurs régions riches en usines d'armement. Six des treize usines officiellement répertoriées en Bosnie se trouveraient ainsi dans les zones tenues par les forces gouvernementales, cinq aux mains des Serbes et deux chez les Croates, assure-t-on de source croate.

"L'armée gouvernementale a une production considérable d'armement et surtout de munitions, note un diplomate occidental. Ces armes ne sont pas très sophistiquées, mais elles sont efficaces." Le souci des Bosniaques est de se procurer les matières premières, facilement transportables et dissimulables; les usines et la main-d'oeuvre locale font le reste. Sont ainsi produites des munitions pour les mortiers de 60 mm et 82 mm, des balles pour les nombreux fusils d'assaut de type kalachnikov AK-47 et des munitions pour les mitrailleuses de calibre 12,7 mm.

Les principaux problèmes des troupes gouvernementales bosniaques sont d'ordre politique et tactique. La Croatie, intéressée par le fait de contrôler les armes en transit et de s'en approprier une partie ne souhaite pas contribuer à la constitution d'une armée bosniaque trop puissante. Le conflit croato-musulman est encore dans toutes les mémoires, et les alliances en ex-Yougoslavie sont très fragiles. Rien n'indique qu'elles ne se renverseront pas demain. Le souci supplémentaire des Bosniaques est d'enseigner aux combattants, hier garagistes ou étudiants, à manier l'armement reçu de l'étranger et d'apprendre aux officiers à mener une bataille en tirant le meilleur profit des moyens disponibles. » Aucun pays naissant ne construit une armée en deux ans, commente un officier de l'état-major des » casques bleus . Presque tous les officiers de valeur de l' ex-armée yougoslave se battent avec les Serbes; les Bosniaques sont donc partis du point zéro. Ils ont progressé, certes, mais ont encore besoin de temps pour

faire jeu égal. "Beaucoup de temps...", conclut-il songeur. De fait, la hiérarchie de l'armée de terre yougoslave était majoritairement composée d'officiers serbes. Croates et Musulmans se sont donc trouvés » pénalisés , s'agissant de l'encadrement opérationnel de leurs forces terrestres.

De longues années seront nécessaires, à moins qu'un soutien réel et efficace ne parvienne au gouvernement de Sarajevo. Les Bosniaques se tournent évidemment vers les Américains, après la décision de Washington de ne plus participer au contrôle de l'embargo sur les armes. "Cette décision ne précède pas un soutien des Etats-Unis à Sarajevo, elle l'entérine, commente un diplomate basé dans la capitale bosniaque. La présence de conseillers américains aux côtés des forces bosniaques est un secret de Polichinelle. Je pense même que les Etats-Unis ont constitué un étatmajor opérationnel, probablement à bord d'un navire croisant dans l'Adriatique, en liaison permanente avec le commandement de l'année bosniaque." En réalité, ce diplomate dit ce que chacun pense intimement, à savoir que l'armée bosniaque n'aurait jamais pu, seule, mener les offensives des trois dernières semaines. Des experts occidentaux ont consciencieusement analysé la tactique des forces gouvernementales, et leur verdict est clair : les Serbes, pou

r la première fois, doivent faire face à un comportement militaire de haut niveau.

Mission militaire américaine

Les fameux conseillers américains, s'ils existent, demeurent invisibles. Des témoins affirment avoir rencontré de solides gaillards parlant avec l'accent d'outreAtlantique, dans des régions connues pour abriter des camps d'entraînement. De source officielle à Sarajevo, on ne cache plus la visite - attendue depuis longtemps - du général américain John Galvin, aujourd'hui »à la retraite (1), censé aider les Bosniaques et les Croates à bâtir une » armée de Ici fédération . » Des volontaires étrangers sont venus en Bosnie défendre une cause , déclare en souriant Kemal Muftic, conseiller du président bosniaque Alija Izetbegovic. » Pourquoi des militaires occidentaux à la retraite ne viendraient-ils pas défendre cette cause ? ".

Selon le quotidien londonien The Independent, citant la semaine dernière un diplomate britannique à Sarajevo, les Etats-Unis aident l'armée bosniaque par l'intermédiaire de conseillers militaires et également en lui fournissant des renseignements, dont des photographies aériennes des positions serbes. Selon nos informations, ce sont également des experts américains qui auraient aidé les Bosniaques à remettre en état l'aéroport de Visoko, en Bosnie centrale, désormais susceptible d'accueillir, de nuit, des avions porteurs de cargaisons clandestines.

» Ces rumeurs sont vraies , confirme un officier supérieur bosniaque, en ajoutant qu'elles ne peuvent pas être officiellement reconnues vis-à-vis des Européens et de la FORPRONU. " Ce soutien est pourtant légitime, après deux années et demie de souffrances extrêmes, poursuit-il. Les Américains ont choisi le chemin le plus moral, tandis que l'Europe consacre son énergie à lever les sanctions économiques contre la Serbie. Cette attitude est honteuse, et je suis fier que les Etats-Unis se soient enfin engagés plus concrètement en Bosnie. Même si nous ne sommes qu'à l'aube d'une réelle coopération, les Américains commencent à nous fournir ce dont nous avons vraiment besoin... Pas seulement des paroles encourageantes.

L'armée gouvernementale, si elle veut mettre un jour les Serbes vraiment en mauvaise posture ou les forcer à signer un plan de paix équitable, doit composer. D'abord avec les Etats-Unis, maîtres incontestés de la situation, puis avec les pays arabes, grands argentièrs de la cause bosniaque et enfin avec les Croates, intermédiaires quasi incontournables dans l'acheminement. Ainsi, le chemin est-il encore long pour parvenir à l'équilibre des forces. Quant à une victoire des Musulmans...

Rémy OURDAN

(1) Ancien commandant suprême des forces alliées en Europe, entre 1987 et 1992, le général John R. Galvin s'est rendu à Sarajevo en octobre, à la tête d'une mission d'une quinzaine d'officiers de réserve de l'armée de terre américaine, pour y préparer l'entraînement des cadres de la future armée de la fédération croato-musulmane de Bosnie-Herzégovine.

 
Argomenti correlati:
stampa questo documento invia questa pagina per mail