Radicali.it - sito ufficiale di Radicali Italiani
Notizie Radicali, il giornale telematico di Radicali Italiani
cerca [dal 1999]


i testi dal 1955 al 1998

  RSS
mer 30 apr. 2025
[ cerca in archivio ] ARCHIVIO STORICO RADICALE
Conferenza Partito radicale
Partito Radicale Centro Radicale - 13 dicembre 1994
Briquemont sur le conflit bosniaque.

"L'OTAN A INVENTE LA STRATEGIE DU GADGET"

par Pierre Bocev

SOMMAIRE: L'ancien chef des Casques bleus en Bosnie juge sevèrement le rôle joué par la communauté internationale dans le conflit et les ambiguïtés de la mission fixée aux troupes des Nations unies.

(Le Figaro, 13-12-1993)

LE FIGARO. - Comment en est-on arrivé à la situation inextricable d'aujourd'hui ?

Le général Francis BRIQUEMONT. - Quand de grosses erreurs sont commises au départ, elles sont difficiles à réparer. Après avoir reconnu la Slovénie et la Croatie, on aurait dû faire attention avant de recommencer : l'exemple croate montrait, déjà, que la communauté internationale n'était pas prête à faire la guerre au nom d'idéaux humanitaires ou du droit.

- Le mandat que l'Otan a reçu des Nations unies n'est pas précisément simple à exécuter...

- L'ONU a mandaté l'Alliance atlantique pour qu'elle règle le problème de la Bosnie-Herzégovine. Il aurait fallu dire que nous étions prêts à imposer une solution, autrement dit à faire la guerre. Cela aurait donné quelque chose comme l'Afghanistan ou le Vietnam. Et en l'absence d'intérêts vitaux occidentaux à défendre en ex-Yougoslavie. Or ce que l'on nous a demandé était une mission humanitaire, c'est-à-dire de respecter une stricte neutralité entre trois parties qui se font la guerre. Faire passer de l'aide humanitaire par la force, cela relève du slogan pour télévisions.

- En l'absence, de surcroît, du nombre suffisant d'hommes sur le terrain.

- Pour les zones de sécurité, il m'aurait fallu sept mille cinq cents hommes de plus, et, en dehors de la France, qui a été la seule à réagir immédiatement, ce que j'ai vu arriver, ce sont quelques Malaisiens... C'est un problème de l'ONU. Comment peut-on constituer des contingents de pays tropicaux et les envoyer en Bosnie ? J'ai vu défiler en plein hiver des Ghanéens ou des Argentins. L'Otan, qui ne veut pas s'engager dans la guerre, a inventé la stratégie du gadget : le recours à la frappe aérienne. C'est spectaculaire et sans risque. Prenez la stratégie de la double clef qui s'applique aux frappes aériennes, comme s'il s'agissait de déclencher le feu nucléaire. Quatre heures pour extorquer à New York une autorisation de frappe pendant que, moi, j'avais des Casques bleus en danger de mort.

- Ce n'est que maintenant que tout le monde est tombé d'accord, y compris les Américains, pour reconnaître que les frappes aériennes n'étaient pas une solution sur le terrain.

- C'est un concept américain qui avait sa raison d'être pendant la guerre du Golfe. Mais ce qui vaut pour le désert peut se révéler nul dans les conditions de la Bosnie. La guerre du Golfe a eu des conséquences très néfastes. L'opinion publique a fini par croire qu'une guerre pouvait être menée sans pertes grâce à la seule supériorité technologique. Situation concrète : nous sommes bloqués à un checkpoint. Est-ce que je suis supposé faire intervenir quatre F 16 contre deux femmes douaniers ?

- Avez-vous jamais eu l'impression de toucher au but ?

- A la fin de l'année dernière, les Serbes étaient prêts à signer le plan Owen-Stoltenberg. Ce sont les Bosniaques qui ont refusé, dans l'espoir d'extorquer plus sur le champ de bataille qu'à la table de négociation. A mon sens, le président Izetbegovic était prêt à signer, mais ce sont ses militaires qui l'ont convaincu de ne pas le faire. Mais cela ne sert à rien de dire qui a tort et qui a raison. C'est une polémique inutile si l'on veut obtenir une solution. L'alternative, c'est de faire la guerre, mais personne ne le veut. En tout cas, si à l'époque le Groupe de contact avait tenu le même langage que maintenant, il n'y aurait pas eu Bihac.

- Parlons-en, précisément.

- Les Musulmans ont profité de l'existence de la zone de sécurité pour lancer une offensive. A ce moment-là, le général Delic avait déjà repris le contrôle de la poche, les sécessionnistes de Fikret Abdic s'étaient retirés. C'est alors qu'il y a eu le départ des Français. Je ne les critique pas, je constate simplement l'enchaînement des faits. Et ce départ a entraîné un affaiblissement de la zone de protection de l'ONU. Maintenant, le 5e corps bosniaque ou ce qu'il en reste n'en mène pas large, Abdic est de retour, l'ONU est ridiculisée...

- Comment voyez-vous le rôle des Américains dans cette affaire ?

- Le gouvernement bosniaque croyait qu'en dernière analyse les Etats-Unis interviendraient. L'attitude de Washington a effectivement été ambiguë. Je n'en ai pas la preuve matérielle, mais je n'exclus pas que les Américains aient encouragé les Bosniaques. En tout cas, c'est ce que les Bosniaques ont cru.

- Et, aujourd'hui, il est de plus en plus question d'un retrait...

- Ça va être un problème. Il y a des endroits d'où il est, militairement parlant, assez facile de se replier, Mostar ou la Bosnie centrale, avec ses routes vers la mer. Ailleurs, c'est moins évident. Et les soldats de la Forpronu sont éparpillés, il va falloir rassembler tout ce monde. Autre problème : l'attitude des autorités locales. Les Serbes voudront-ils que nous partions ? Et les Bosniaques ? Si l'une des parties veut s'opposer à notre départ, ce sera terrible. Ce serait une situation de combat. Et les populations ? Voudront-elles nous voir les abandonner ? A Sarajevo, les gens ont conscience d'être protégés par les Nations unies. A Mostar aussi. Ce sont des réactions émotionnelles. Est-ce que nous allons écraser des femmes et des enfants s'ils essaient de nous empêcher de partir ?

Pierre Bocev

 
Argomenti correlati:
stampa questo documento invia questa pagina per mail