LA HAYE, 24 avr (AFP) - Le Procureur du Tribunal pénal international sur les crimes dans l'ex-Yougoslavie (TPI), M. Richard Goldstone, a indiqué lundi, dans un communiqué, vouloir se saisir du dossier d'enquêtes menées par Sarajevo sur les leaders politique et militaire des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic et le général Ratko Mladic, pour génocide et autres crimes graves.
Le procureur veut demander au gouvernement de Sarajevo de se dessaisir des enquêtes sur les deux dirigeants serbes de Bosnie et sur plusieurs Croates de Bosnie.
Selon un communiqué publié à La Haye par le TPI, M. Goldstone (Afrique du Sud) demandera pour cette démarche l'accord des deux Chambres de première instance du Tribunal les 9 et 15 mai en audience publique.
A ce stade, il n'est pas encore question de mises en accusation.
Le Procureur a indiqué que les enquêtes et procédures engagées par Sarajevo "recoupent des enquêtes actuellement menées" par son bureau, et que celui-ci cherche donc à "les reprendre à son compte et à obtenir que leurs résultats lui soient transmis". L'objectif est d'éviter que les suspects ne soient poursuivis et jugés deux fois pour la même infraction.
Selon le communiqué, la première enquête porte sur "la responsabilité pénale personnelle" des responsables des Serbes de Bosnie, en particulier MM. Karadzic et Mladic, ainsi qu'un ancien chef de la police spéciale, Mico Stanisic. Les enquêtes couvrent une gamme étendue de crimes: "génocide, autres crimes graves à l'encontre de civils, et destruction de bâtiments culturels et historiques".
De plus, précise le TPI, le Procureur "examine la responsabilité pénale personnelle de ces suspects par rapportaux mises en accusation déjà prononcées par lui".
"Les chefs d'accusation sont: génocide, crimes contre l'humanité, meurtres, viols, mauvais traitements infligés à des civils, tortures et autres crimes commis dans les camps de concentration et lors d'attaques contre des civils désarmés", selon le communiqué. Il ajoute que "le siège de Sarajevo et les agressions illégales contre des membres des organisations humanitaires, des forces de maintien de la paix de l'ONU, des convois humanitaires et des avions à l'aéroport de Sarajevo font également l'objet d'enquêtes".
Par ailleurs, le TPI a indiqué que la deuxième demande de dessaisissement concernait une enquête sur les crimes commis entre septembre 1992 et juin 1993 dans la vallée de la Lasva (Bosnie centrale) par un nombre non précisé de Croates de Bosnie.
Selon le communiqué, le bureau du Procureur a réuni à ce jour de nombreux témoignages et documents "justifiant la présomption selon laquelle l'attaque d'Ahmici, de Vitez et d'autres lieux était planifiée, se soldant par des tueries massives de civils bosniaques".
C'est la première fois, note-t-on, que le Tribunal s'intéresse à des suspects non serbes.
Dans une declaration annexe au communiqué, M. Goldstone a précisé que "les autorités judiciaires bosniaques avaient déjà émis des mandats d'arrêt" dans le cadre des deux enquêtes mais que Sarajevo répondrait favorablement aux demandes de dessaisissement du TPI.
Le Procureur a rappelé qu'il estimait que "des affaires aussi importantes devaient êtres portées devant le TPI" et qu'il importait de "veiller à ce que des procédures nationales n'entravent pas le déroulement" des enquêtes menées par le TPI.
Créé en mai 1993 par une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, le TPI a mis en accusation jusqu'ici 22 Serbes de Bosnie, dont Dusko Tadic.
Agé de 39 ans, Tadic a été transféré lundi matin de Munich (sud de l'Allemagne) vers La Haye, où il sera le premier criminel de guerre présumé de l'ex-Yougoslavie à être traduit devant la justice internationale.