LONDRES, 29 mai (AFP) - La Grande-Bretagne se trouvait lundi à la pointe de la riposte internationale contre les Serbes de Bosnie, en envoyant des renforts de troupes directement sur le terrain alors que les Etats-Unis et la France ont dépêché des navires de guerre dans l'Adriatique.
A Moscou le ministre russe des Affaires étrangères Andreï Kozyrev dont le départ "pour les Balkans" a été annoncé, a déclaré lundi que la Russie "ne peut plus tolérer la barbarie contre les forces de paix de l'ONU" en Bosnie. Cependant que le représentant spécial du président Boris Eltsine, Sergueï Zotov, attendu à Belgrade, a qualifié de "sans précédent" les actions des Serbes de Bosnie, relevant qu'après les raids aériens de l'OTAN, la "direction (des Serbes de Bosnie) avait pris le mors aux dents et ne se rend pas compte de ce qu'elle fait".
Cette mobilisation militaire, provoquée par la prise en otages ou le blocage de 328 Casques bleus et observateurs de l'ONU auxquels s'ajoutent 46 Canadiens bloqués au nord de Sarajevo,s'accompagnait d'une intense activité diplomatique.
Des contacts tous azimuts étaient marqués par la réaffirmation d'un "axe" franco-britannique et la poursuite du cavalier seul de Moscou à l'approche d'une réunion des ministres des Affaires étrangères du Groupe de contact sur l'ex-Yougoslavie (Etats-Unis, Russie, France, Grande-Bretagne, Allemagne).
La capture dimanche par les Serbes bosniaques de 33 Casques bleus britanniques a fait l'effet à Londres d'un électrochoc.
Après être restée relativement silencieuse sur les prises d'otages qui avaient précédé, notamment celles de soldats français, la Grande-Bretagne a réagi vite et fort dès dimanche soir.
Pour assurer une meilleure protection de ses 3.400 soldats déjà stationnés en Bosnie, Londres a annoncé l'envoi "dès que possible" sur le terrain de 1.200 hommes supplémentaires et de deux batteries d'artillerie lourde qui leur permettra de riposter efficacement à toute attaque terrestre ou aérienne.
Près de 4.000 autres soldats, membres d'unités d'intervention rapide, ont été placés en état alerte, prêts à rejoindre la Bosnie en quelques heures.
Au total, Londres a désormais mobilisé quelque 8.500 hommes sur le conflit en ex-Yougoslavie, un chiffre jamais atteint jusque-là.
Simultanément, les Etats-Unis ont confirmé lundi l'envoi "par précaution" de trois navires de guerre dans l'Adriatique, portant à six le nombre de leurs bâtiments envoyés dans la zone. Les trois nouveaux navires ont à leur bord 2.000 Marines spécialisés dans les opérations d'évacuation et de secours.
Le Pentagone avait annoncé samedi que le porte-avions américain Theodore Roosevelt faisait route vers l'Adriatique accompagné de deux croiseurs. Washington pourrait aussi fournir de l'équipement et une aide logistique pour "muscler" la Forpronu.
Les Français, qui ont 4.530 hommes en Bosnie dont 173 ont été capturés par les Serbes de Bosnie, ont également dépêché dans l'Adriatique un porte-avions, le Foch, qui devrait arriver mardi dans la région. Le Foch est accompagné d'une frégate lance-missiles et deux bateaux transports de chalands de débarquement.
Lundi matin, le Foreign Office continuait de souligner que Londres et Paris étaient "exactement" sur la même longueur d'onde, faisant remarquer que le Premier ministre John Major avait téléphoné dimanche au président Jacques Chirac avant la réunion spéciale du cabinet britannique consacré à la Bosnie.
A Bruxelles, le secrétaire au Foreign Office Douglas Hurd et son homologue français Hervé de Charette sont convenus de la nécessité de renforcer la Forpronu, tout en se gardant d'évoquer publiquement un retrait rapide.
Après les vives critiques du Premier ministre français Alain Juppé contre le commandement de l'ONU accusé d'avoir "mal préparé" les dernières frappes aériennes, Londres a laissé planer à son tour un doute sur la confiance accordée au jugement des Nations unies: le ministre de la Défense Malcolm Rifkind s'est refusé à dire sous quel commandement seront placés les nouveaux renforts britanniques, en expliquant que leur mission première était d'assurer la protection des soldats de Sa Majesté.
Sur le plan diplomatique, le principal rendez-vous devait avoir lieu lundi soir à l'ambassade de France à La Haye avec la rencontre du Groupe de contact, toujours confronté aux divergences entre Américains, Européens, et surtout Russes.
Alexandre Zotov, qui est également représentant russe au sein du Groupe de contact sur la Bosnie, était attendu lundi après-midi à Belgrade pour un entretien avec le président de Serbie Slobodan Milosevic.
L'agence russe Interfax assurait qu'une visite dans la région des ministres des Affairesétrangères Andreï Kozyrev et de la Défense Pavel Gratchev était toujours à l'ordre du jour.
Mardi, le ballet diplomatique se poursuivra aux Pays-Bas à l'occasion de la rencontre des chefs de la diplomatie des 16 pays de l'OTAN.
Quant aux Serbes de Bosnie, ils ont ajouté à la confusion en assurant qu'ils avaient entamé des contacts diplomatiques avec un pays européen" non identifié.