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Partito Radicale Paolo - 29 giugno 1995
Bosnie, embargo

IL FAUT LEVER L'EMBARGO SUR LES ARMES EN BOSNIE

par Haris Silajdzic, premier ministre de la République de BosnieHerzégovine

(Le Monde, 29/06/95)

L'EMBARGO sur le armes imposé à la Bosnie-Herzégovine est une cause directe de mort et de malheur dans mon pays. Nous estimons cet embargo illégal, immoral - et inhumain. Il nous tue. Il doit être levé immédiatement.

Il est grotesque qu'un embargo sur les armes puisse frapper les victimes d'un génocide. La communauté internationale, derrière les Etats-Unis, doit avoir la force de revenir sur cette erreur, et réparer l'injustice faite à mon peuple il y a trois ans lorsqu'on nous a privés des moyens de nous défendre. Le droit légitime à sa propre défense est primordial dans la législation internationale, il ne peut être modifié par des politiques d'apaisement ou limité par les décisions du Conseil de sécurité.

L'agression perpétrée par les Serbes a fait plus de deux cent mille victimes dans mon pays parmi lesquelles dix-sept mille enfants. Il existe plus de cent cinquante charniers où l'on dé-nombre jusqu'à cinq mille corps. Vingt mille femmes au moins ont été violées durant la campagne de nettoyage ethnique - un euphémisme pour génocide.

Sarajevo est aujourd'hui encore assiégée; la nourriture n'arrive pas; il n'y a ni gaz ni électricité;

l'eau manque - exactement comme il y a trois ans. Très peu de choses ont changé. L'agression serbe se poursuit sans reláche et l'étau se resserre autour de la ville.

Comment est-il possible qu'un pays comme les Etats-Unis, qui croit en la justice et en la démocratie, puisse approuver un embargo sur les armes contre un peuple dépourvu de toute arme ? En Bosnie, il y a un agresseur et il y a une victime. Il y a ceux qui tirent et ceux sur lesquels on tire, il y a ceux qui violent et ceux qui sont violés.

Il y a des assiégeants et il y a des assiégés. A l'évidence, le monde doit pouvoir distinguer entre les uns et les autres.

Si nous n'appliquons pas le principe de moralité, nous aurons très vite un peu partout des situations à la bosniaque. En ne distinguant pas entre le bien et le mal en Bosnie, le monde envoie un très dangereux signal: fi de la loi internationale ; place aux rapaces et à la mêlée générale. Dans le cas de l'ancienne Yougoslavie, un mutant, produit du fascisme, du stalinisme et de l'hitlérisme, progresse à grands pas pour donner corps à Belgrade au rêve de la Grande Serbie. Il dévorera tout sur son passage, de la Bosnie-Herzégovine jusqu'au Caucase.

Pour Belgrade et au-delà, le message est clair: tyrans, brutes et dictateurs, n'ayez crainte !

La communauté internationale a jusqu'ici suivi une politique d'endiguement en Bosnie. Cette politique a ses instruments - parmi lesquels l'embargo sur les armes. La reconnaissance du statu quo en est un autre. Le plan de paix que nous avons acceptéest, lui aussi, devenu un moyen d'ajourner, d'enrayer le conflit.

Il est tout à fait évident aujourd'hui que la communauté internationale a cherché, plutôt que de résoudre le problème, à le circonscrire à la Bosnie. Sa stratégie est à présent, semble-t-il, d'appuyer la force de protection de l'ONU, non d'apporter la paix à la Bosnie-Herzégovine.

Certains dirigeants déclarent que leur priorité en Bosnie est de libérer les otages de la Forpronu et de protéger leurs troupes sur le terrain. Elle devrait être d'apporter la paix, afin qu'ils puissent un jour rentrer chez eux définitivement.

Il existe beaucoup d'arguments désormais éculés contre la levée de l'embargo. Je puis vous assurer qu'aucun n'est valable. L'expérience a échoué dans ce laboratoire de la mort qu'est la Bosnie.

On dit que les Serbes vont envahir le reste du pays si l'embargo sur les armes est levé. Si les Serbes en sont capables, pourquoi ne le font-ils pas dès à présent? Qu'est-ce qui les retient ? Certainement pas leur réputation. Pas plus que les Nations unies, qui ont fait la preuve de leur impuissance. Ce sont nos soldats et courageux combattants de la liberté qui les empêchent d'envahir le reste de notre pays.

On dit aussi que nous ne saurons pas nous servir des armes sans véritable entraînement. Trois années d'un entraînement intensif au combat ne suffisent-elles pas ? Nous pourrions entraîner les autres avec ce que ces trois années nous ont appris. Nous avons subi l'agression d'une armée équipée de chars d'assaut, de canons, d'avions. Nous avons souffert la torture, les camps d'extermination, la faim et la soif, et nous sommes encore là.

Trop c'est trop. Si des amis nous approvisionnaient en armes, nous réglerions le problème nous-mêmes. Les politiques d'ajournement et l'endiguement n'ont conduit qu'à l'échec.

On dit que lever l'embargo sur les armes fera s'étendre la guerre et contaminera d'autres régions. Le sang coule en Bosnie, mais il ne coule pas pour le moment hors de Bosnie. Et les politiques sont résolus, semble-t-il, à nous sacrifier a cause e la paix mondiale.

je crains que d'ici deux ans nous ne nous apercevions que tout cela aurait pu être arrêté en Bosnie. Pour nous, le maintien de l'embargo est une prime à l'agression, une aide aux forces du génocide, le soutien d'un injuste statu quo - et la création d'un dangereux précédent.

Depuis le début des hostilités, les Nations unies ont oublié leurs promesses à notre égard, oublié leur propre Charte et leurs résolutions. Elles ont échoué à faire acheminer les convois humanitaires. Echoué à exiger des frappes aériennes de l'OTAN. Echoué à prendre en considération l'article 51 de leur Charte qui garantit explicitement à un Etat membre le droit de se défendre. Elles font peu de cas du chapitre 7 qui les autorise à user de la force pour défendre leurs Etats membres et les résolutions du Conseil de sécurité.

Quand j'entends des officiels déclarer ne pas vouloir prendre parti en Bosnie ni se battre là-bas, je comprends parfaitement cela. Il appartient à chaque nation de décider souverainement de son intervention ou de sa non-intervention. Mais nous aussi avons le droit souverain de défendre notre pays.

Pour nous ce n'est pas un privilège, c'est une nécessité. Personne mieux que nous ne sait ce qui est bon pour nous. Qu'est-ce qui autorise un Etat à en priver un autre de ses droitsles plus sacrés ? Nous ne demandons pas que des soldats venus d'ailleurs meurent ici. Nous exigeons l'application de notre droit à nous défendre.

L'embargo sur les armes est une intervention aux côtés de l'agresseur. Il est un instrument du génocide. Il est immoral. C'est un échec. Et il est inhumain. il doit prendre fin.

 
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