L'ONU EXIGE LE RETRAIT DES SERBES SANS AUCUNE INTENTION DE L'IMPOSER
(Le Monde, 14/07/95)
LE CONSEIL DE SECURITE des Nations unies a adopté, mercredi 12 juillet, une résolution demandant au secrétaire général d'user de toutes les ressources à sa disposition pour rétablir, en conformité avec le mandat de la Forpronu, le statut de zone de sécurité de Srebrenica et exigeant des Serbes qu'ils se retirent sur-le-champ de la ville. Mais peu importe, à vrai dire,-les termes de cette résolution, adoptée à l'unanimité : il ne se passera rien à Srebrenica. Le Conseil de sécurité a renoué mercredi avec une pratique qui lui est chère face à la guerre en Bosnie - celle des résolutions non destinées à être appliquées.
L'offre française, réitérée mercredi par MM. Chirac et Juppé, de participer à une opération militaire pour rétablir le droit international à Srebrenica n'a suscité que commentaires polis ou incrédulité. Je n'ai pas l'impression que la France veuille vraiment reprendre Srebrenica par la force, déclarait ainsi le conseiller militaire de M. Boutros-Ghali, et de toute façon, en ce moment, cela est militairement impossible.
Dans les interventions formelles, lors de la réunion du Conseil de sécurité, aucun pays, à part la France, n'a fait allusion à une utilisation de la force, nous rapporte notre correspondante à New York, Afsané Bassir Pour. L'ambassadeur français, Jean-Bernard Mérimée, tout en affirmant que la France ne peut en aucun cas admettre la mise en cause du statut des enclaves, a tout de même ajouté que Paris, bien entendu, n'impose pas de recourir à tel moyen plutôt qu'à tel autre. Nous disons tout simplement, a-t-il précisé, que nous sommes prêts, si les autorités civiles et militaires de l'ONU l'estiment possible, à mettre nos forces à la disposition de telles opérations qu'elles considéreraient comme utiles et réalisables.
Dans les milieux de l'ONU, on n'exclut pas la chute d'autres enclaves. Si les Serbes veulent prendre Zepa, on n'y peut rien , explique un diplomate. Allant plus loin, il ajoute: L'abandon des enclaves orientales, à proximité de la Serbie, aux Bosno-Serbes pourrait, à long terme, être la solution pour une stabilité dans ce pays. L'alternative est une guerre contre les Serbes. qui va l'entreprendre?
Même si aucun officiel ne l'admet ouvertement, les Nations unies ont donc renoncé de fait à la notion de zone de sécurité pour Srebrenica et peut-être pour d'autres enclaves. Le ministre des affaires étrangères, Muhamed Sacirbey, a récusé mercredi la proposition faite par les Britanniques de tenter d'obtenir le retrait serbe en échange de la démilitarisation de Srebrenica. Il faut arrêter de parler en termes fantaisistes , disait M. Sacirbey, en se demandant qui, dans une telle hypothèse, garantirait la sécurité de l'enclave.
Le président de la République, Jacques Chirac, a de nouveau fait allusion mercredi, au Sénat, à un départ de la Forpronu si elle se révèle incapable de remplir sa mission: Si la communauté internationale ne réagit pas, alors il faut se demander ce quela Forpronu fait sur place et, le cas échéant, en tirer les conséquences. Si les enclaves ne sont pas respectées, si celle de Srebrenica n'est pas réhabilitée, c'est toute la mission de la Forpronu qui est en cause. - Cette idée d'un retrait ne figure pas, en revanche, dans le communiqué publié mercredi par Matignon à l'issue d'un conseil ministériel restreint sur la Bosnie. Le secrétaire au Foreign Office, Malcolm Rifkind, a jugé pour sa part qu'il faudrait plusieurs jours avant de savoir si les événements de Srebrenica doivent avoir des conséquences fondamentales sur la présence de l'ONU en Bosnie . Il a accueilli avec réserve la proposition française: Si certains ont des propositions sérieuses, alors nous voudrons entendre ce qu'ils ont en tête et s'ils o
nt envisagé la manière dont les problèmes pratiques peuvent être résolus. A Washington, le porte-parole de la Maison Blanche a répété que, pour Bill Clintôn, il était souhaitable et important que l'ONU reste en Bosnie.