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Partito Radicale Centro Radicale - 28 agosto 1995
interview à de Charette

Deux mois pour une solution en Bosnie

Hervé de Charette définit les orientations de la politique étrangère de la France

recueilli par Pierre Haski et Patrick Sabatier

(Libération, le 28 août 1995)

Il y a trois semaines, l'offensive croate en Krajina avait contraint le chef de la diplomatie française, Hervé de Charette, à écourter sa visite dans la région. Non sans avoir rencontré le président bosniaque Alija Izetbegovic et proposé de l'inviter à Paris. A quelques heures de son arrivée ce soir, le ministre des Affaires étrangères fait le point, pour Libération, sur la négociation bosniaque comme sur les autres points chauds de la diplomatie française. La communauté internationale est-elle en train de passer l'enclave musulmane de Gorazde par pertes et profits?

A la conférence de Londres, en juillet dernier, nous avions proposé à nos partenaires d'intervenir à Srebrenica: ils l'ont refusé. Il fallait au moins qu'on tienne la ligne rouge que j'avais appelée à l'époque Sarajevo-Gorazde. Nous avions même proposé d'intervenir avec la Force de réaction rapide, la moitié de l'effectif nécessaire (environ mille hommes) étant fourni par la France. Cette proposition a été refusée par les Américains, les Britanniques et, finalement, l'ensemble de la Conférence. Mais il a été convenu que nous défendrions bien Gorazde, mais par le moyen de frappes aériennes éventuelles.

Je constate le retrait des contingents ukrainien et britannique qui se trouvaient à Gorazde, dont le mandat arrivait à échéance, et pour lesquels le secrétariat général de l'ONU n'a pas trouvé de troupes de remplacement. Cela n'est pas un signal positif et c'est la raison pour laquelle la France ne l'a pas approuvé. Nous souhaitons que l'ensemble de la communauté internationale marque clairement que cette décision ne change rien à l'exigence intangible affirmée à Londres de défendre Gorazde.

La France n'est-elle pas isolée au sein du Groupe de contact dans la détermination qu'elle affiche, et en décalage par rapport à l'initiative américaine?

J'ai été stupéfait de voir qu'on parlait d'isolement. Nous défendons en Bosnie des principes fondamentaux, pas des intérêts matériels. Pendant des mois, nous avons plaidé pour une politique de paix fondée sur la reconnaissance mutuelle des Etats issus de l'ex-Yougoslavie, Sur l' intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine, et sur le pluralisme. Pendant des mois, nous nous sommes heurtés à une attitude américaine pour le moins réservée, souvent sceptique, parfois hostile à ce que nous faisions. Aujourd'hui, pour l'essentiel, la démarche américaine consiste à rejoindre les positions françaises. D'où qu'elle vienne, la paix est urgente à condition qu'elle soit juste.

Le président Izetbegovic a eu raison de dire qu'il nous restait deux mois, c'est-à-dire peu de temps, pour rechercher la paix d'une façon efficace, concrète et conforme aux principes. Je sais qu'on peut se montrer sceptique. Moi je n'ai pas le droit del'être: il faut impérativement que dans les deux mois qui viennent nous parvenions à des progrès décisifs.

Qu'attendez-vous de la visite du président Izetbegovic à Paris?

C'est d'abord un signal politique montrant l'importance que nous attachons à la préservation de la Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat dans ses frontières et devant être organisé sur une base pluraliste. Ce sera aussi un moment d'intenses discussions: Carl Bildt, le médiateur européen sera à Paris. De même que le négociateur américain. J'ai envoyé des émissaires à Zagreb et à Belgrade. Nous recevrons bientôt à Paris le ministre des Affaires étrangères croate ainsi que les représentants du groupe de contact des pays islamiques. Bref, sous l'impulsion du président de la République, la France reprend l'initiative, parallèlement à celle des Américains. L'urgence impose de coordonner nos actions.

Votre insistance sur l'intégrité de la Bosnie-Herzégovine n'est-elle pas pure rhétorique aujourd'hui? Il nous paraît nécessaire aujourd'hui, sans soupçonner qui que ce soit de quoi que ce soit, de rappeler qu'il n'y aura pas de solution durable sans le respect de l'intégrité et du pluralisme de la Bosnie-Herzégovine. Sans doute, sur le plan institutionnel, faut-il faire preuve d'un peu d'imagination. Serbes, Croates et Bosniaques ont traversé des périodes terribles, et on peut comprendre que, le cas échéant, cela implique certaines formes particulières de dispositif institutionnel. A partir de là, il y a une contribution des diplomates des pays tiers, et des parties elles-mêmes, à commencer par les Bosniaques, c'est-à-dire, je le souligne, les victimes.

Vous parlez d'un délai de deux mois. Quelle est la sanction en cas d'échec, la levée de l'embargo sur les armes par les Etats-Unis et le retrait des Casque bleus français?

Si j'évoque un délai, ce n'est pas, pour nous enfermer dans un calendrier, mais parce que je pense qu'il faut enclencher quelque chose de nouveau. Les conséquences d'un échec seraient désastreuses pour les peuples concernés. La France, s'il le faut, prendra en temps voulu les décisions qui lui paraîtront appropriées.

Pensez-vous qu'il faille continuer de discuter avec toutes les parties et de ne pas porter de jugement après ce qui s'est passé à Srebrenica selon M. Maziowecki?

Je vais recevoir M. Maziowecki parce que son rapport est en effet accablant. Il y a en Bosnie des gens soupçonnés de crimes de guerre, des atrocités sans fin ont été commises. Il faut les juger, et en même temps retrouver la paix. La Bosnie est l'un des éléments centraux des préoccupations françaises aujourd'hui parce que l'intérêt supérieur de l'Europe et les valeurs fondamentales auxquelles notre peuple est attaché y sont enjeu. Ces valeurs sont engagées en ex-Yougoslavie.

La France est elle-même mise en accusation sur l'ensemble de la planète pour ses essais nucléaires. Quand il s'agit du Japon, je comprends l'émotion. Pour le reste, les bras m'en tombent devant cette montagne d'hypocrisie. Les pays d'Europe occidentale, et le Japon lui-même, ont été bien heureux de vivre sous le parapluie nucléaire américain. S'agissant des pays de l'Union européenne j'ai été blessé par telle ou telle déclaration gouvernementale sur le sujet. On ne peut pas vivre ensemble dans l'Union sans un minimum de considération pour les préoccupations de ses partenaires. Mais peut-être la jeunesse de l'adhésion decertains pays explique leur comportement...

Ne sommes-nous pas déjà dans l'ère postnucléaire? Il y a là une part de vérité. La dissuasion nucléaire a été l'une des conséquences de la confrontation Est/Ouest. Mais renoncer à la dissuasion en raison de la disparition de cette confrontation serait une imprudence folle, une erreur tragique qu'un jour ou l'autre nous payerions. Aucun chef d'Etat français ne pourrait l'envisager. Les moyens de notre dissuasion doivent être maintenus. La décision du président de la République inclut la volonté de contribuer activement au succès de la négociation sur le futur Traité d'interdiction totale des essais qui sera un. progrès formidable pour le désarmement mondial. Sans doute le plus important de ces 50 dernières années.

M. Juppé a évoqué l'idée d'uneeuropéanisationde la force de dissuasion...

Nous sommes à un tournant en ce qui concerne la politique de sécurité européenne. La France veut conserver l'Alliance atlantique, accueillir dans celle-ci les pays d'Europe centrale et orientale, doter l'Otan d'un pilier européen et faire de l'UEO l'outil principal de cette identité européenne de défense. Un jour ou l'autre, et le plus tôt sera le mieux, la question du rôle européen de la for-ce nucléaire française sera posée. Personne en Europe ne conteste qu'elle contribue déjà à la sécurité européenne. Il faudra en tirer les conséquences. Jusqu'à présent la France n'a jamais défini quels étaient ses intérêts vitaux, et la question peut être posée par nos partenaires. Mais ceux-ci doivent aussi dire s'ils sont intéressés par un rôle éventuel de la force de dissuasion française. A Santander au niveau des ministres des AE, comme à Palma entre chefs d'Etats et de gouvernements, la France ne manquera de mettre sur la table la question générale de la sécurité et de la défense de l'Europe dans le cadre de la pré

paration de la Conférence intergouvernementale.

La France peut-elle prendre des Initiatives pour

apaiser l'émoi de l'opinion internationale.

Nous sommes attentifs à cet émoi et faisons tout pour y répondre quand il est sincère, au Japon par exemple. Mais les déclarations souvent excessives de tel ou tel ministre australien ne me troublent pas. Quand au Pacifique-sud, la France en fait partie, même si ça ne plaît pas à certains pays qui depuis des années cherchent à nous en expulser. Quand tout cela sera passé, on mesurera mieux la détermination française en vue de réduire les risques que le nucléaire militaire fait peser sur la sécurité mondiale.

Après trois mois au Quai d'Orsay, quelles sont vos priorités?

Notre démarche doit être résolument europositive L'Union européenne est un élément formidable de la prospérité et de l'influence françaises dans le monde. Nous devons accepter l'élargissement de L'Union non plus avec suspicion et réserve, mais de manière amicale et chaleureuse, parce qu'il est inscrit dans l'Histoire. Mais nous devrons refuser les ambiguïtés et les hypocrisies. Par exemple pour le Conseil européen- il faut certainement en renforcer le rôle, cela suppose qu'on admette qu'on y vote plus souvent à la majorité qualifiée, faute de quoi on irait à l'impasse et à la paralysie. Mais, bien entendu cela conduira à prendre en compte le poids propre de chaque pays.

Hors d'Europe, la France devra consacrer beaucoup de ses efforts et de ses moyens à l'Asie. L'Asie est la nouvelle frontière dela politique étrangère de la France. La paix arrive en Méditerranée et de manière durable. Cela change totalement la donne. La réunion de Barcelone va marquer un changement historique: pour la première fois la quasi-totalité des pays concernés sera autour de la table. La France doit anticiper la reconstitution de la communauté des peuples méditerranéens.

L'Algérie n'est-elle pas une bombe qui risque de bouleverser la politique étrangère française? La France n'a pas l'intention de se mêler des problème de la politique intérieure algérienne. Par contre, s'agissant de sa sécurité, elle n'aura aucune faiblesse.

 
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