POUR L'EUROPE CHOISIR LE FRANCAIS
Pour affirmer sa personnalité, pour renforcer sa cohésion, le seul choix possible de l'Europe est le français
par Hervé Lavenir De Buffon
(LE Figaro, le 12 octobre 1995)
Sous le titre L'anglais et la signature de M. Denis Colrat, Le Figaro du 15 septembre a publié une lettre de lecteur exposant les quatre principales raisons pour que l'anglais s'impose comme langue européenne : large diffusion en Europe et, en tarit que langue commerciale, dans le monde entier ; nombreux mots d'origine latine ; facilité d'acquisition.
Ces raisons sont-elles vraiment déterminantes ? A mon sens, absolument pas, et pour beaucoup d'autres raisons essentielles qui dépassent, elles, de beaucoup, le domaine linguistique, car elles tiennent à la finalité même, à la raison d'être de la politique d'union ou de réunion de l'Europe.
1.Il s'agit bien, en effet, de l'Europe, à réunir et développer dans sa diversité. Il s'agit de sa personnalité, de sa civilisation, de son organisation en tant que puissance mondiale maîtresse de son destin : peut-on prétendre réunir et recréer cette Europe en lui donnant comme langue véhiculaire - c'est-àdire comme première langue étrangère commune de tous les Européens dont elle n'est pas la langue maternelle - la langue des Etats-unis d'Amérique, qui constituent maintenant, à tous égards, le premier pays rival de l'Europe ?
Non à l'américanisation
2.La nécessité de s'opposer à l'américanisation est d'autant plus grande et urgente que l'anglo-américain est, de fait, très simple, étant composé, en grande partie, ne l'oublions pas, d'un français qui s'est abâtardi et d'un anglo-saxon qui s'est francisé depuis la conquête de l'Angleterre par les Normands. Sa simplicité même le rend dangereux pour toutes les langues de l'Europe. Comme l'écrivait l'historien anglais Arnold Toynbee, la force de pénétration d'un élément culturel est inversement proportionnelle à la valeur culturelle de cet élément : autrement dit, plus c'est simple, plus c'est bête ou vulgaire, mieux cela passe... Le français, lui, est beaucoup moins dangereux pour les autres langues et cultures, car plus qualitatif que le basic anglo-américain : il représente, constatait Aldous Huxley, un autre Anglais, la synthèse même de l'Europe . 3.Les EtatsUnis d'Amérique - qui jouent leur jeu, comme nous devrions jouer le nôtre - s'opposent obstinément (et pas seulement en Méditerranée et au Proche-Or
ient) à l'indépendance de l'Europe, en matière de politique internationale et de défense, faussent les échanges économiques par leur politique monétaire, ne cessent d'influencer outrageusement la politique européenne (et pas seulement non plus par les constantes et inadmissibles ingérences de leurs lobbies auprès des administrations européennes deBruxelles) ; Ils dominent l'audiovisuel européen et veulent maintenant faire accepter par les Européens l'instauration d'une zone de libre-échange transatlantique, où s'exercerait plus encore leur domination... Et nous devrions, en sus, choisir l'anglais comme langue véhiculaire européenne? , Pour protéger l'Europe dans sa diversité, pour affirmer sa différence et sa personnalité dans le monde, pour renforce sa cohésion, le seul choix possible vrai ment européen est celui du français.