Radicali.it - sito ufficiale di Radicali Italiani
Notizie Radicali, il giornale telematico di Radicali Italiani
cerca [dal 1999]


i testi dal 1955 al 1998

  RSS
mar 25 feb. 2025
[ cerca in archivio ] ARCHIVIO STORICO RADICALE
Conferenza Partito radicale
Partito Radicale Paolo - 16 ottobre 1995
espéranto

LE REVE IMPOSSIBLE D'UNE LANGUE UNIVERSELLE

Ludwik Lejzer Zamenhof, le père de l'espéranto, fut l'homme qui voulait que tous les hommes se comprennent. récit de cette folle ambition.

Par Laurence Vidal

(Le Figaro Littéraire, le 5 octobre 1995)

En 1870, à Bialystok, ville du nord-est de la Pologne depuis un demi-siècle soumise à la souveraineté russe. Sur la place du marché, une foule cosmopolite mêle ses couleurs et ses criailleries. Ici, un officier arrogant élève le ton: il parle russe, et feint de ne pas comprendre le paysan polonais à qui il s'adresse. Plus loin, la voix du mercier juif tente de couvrir celle du villageois biélorusse... Dans un coin, silhouette muette au coeur de la cohue, un gamin, les yeux écarquillés, fait le plein d'images et de sons. Il a dix ans. Il se nomme Lejzer, Lejzer Zamenhof, et connaît bien la Bible. Aucune des histoires révélées par le Livre ne l'a marqué comme celle de Babel: la punition divine, cette confusion entre les hommes qui désormais ne pourront plus s'entendre car ils ne parleront pas la même langue, il en constate chaque jour les tragiques effets. Fils d'un professeur polonais imprégné de culture russe, Lejzer est israélite. Dans cette ville où les communautés se côtoient dans la plus grande méfiance,

chacune brandissant sa langue comme un bouclier lancé à l'incompréhension de l'autre, il parle déjà le russe, le polonais, le yiddish et l'hébreu de la synagogue. Mais cela ne suffit, pas. A voir ses compatriotes dressés les uns contre les autres, chacun cloîtré dans sa culture, son ethnie, son langage, et hostile à tous les autres, le garçonnet s'interroge. Peut-on aller contre la colère de Yahvé, et rendre aux hommes ce lien qu'un jour Il leur a ôté ?

Enfantine élucubration ? Rêverie passagère d'un idéaliste en herbe que la vie se chargera de ramener à de plus pratiques considérations ? Loin de là. Aux espoirs d'harmonie universelle nés d'une enfance tiraillée entre la douceur maternelle, messagère d'amour, et le spectacle de l'incompréhension quotidienne, Ludwik Lejzer Zamenhof sera fidèle toute sa vie. A dix ans, la première Tragédie en cinq actes qu'il entreprend d'écrire en russe est déjà liée au mythe babélien. A 15 ans, installé depuis peu à Varsovie, il joue à combiner des mots de son invention et transmet sa passion à ses camarades de lycée. A 19 ans, il fête la création de sa première lingwe uniwersala, idiome reposant sur son observation de l'anglais, avec une orthographe fidèle à la prononciation, un vocabulaire et une syntaxe réduits à l'essentiel, peu de déclinaisons, des verbes exclusivement réguliers... Un brouillon de l'espéranto, déjà. Mais Markus Zamenhof veille. Lejzer a beau réussir brillamment ses études, l'autoritaire père de famille

observe d'un oeil mauvais les inventions de son fils. Un jour, profitant de l'absence du jeune homme parti étudier la médecine à Moscou, il livre aux flammes tout le travail de Lejzer. Ludwik Lejzer Zamenhof a vingt et un ans. Son premier rêve est parti en fumée? Tant pis. Ou peut-être: tant mieux. Parce qu'il la porte tout entière dans sa tête, y travaillant la nuit, en rêvant le jour par-delà ses occupations estudiantines, l'inventeur obstiné recréera tout entière une Lingwe uniwersala améliorée. Même la proclamation, en 1880, de la naissance d'une langue réputée mondiale, ne l'abat que quelques mois. Le temps de mettre la main sur un manuel de ce volapük inventé par l'abbé Schleyer, de le passer au crible de sa compétence, et de constater que, décidément, non, le prêtre de Constance n'a rien apporté au monde: sa langue est, certes, structurée avec logique, mais les mots sont inintelligibles, pire, ils sont imprononçables et, pour la plupart, impossibles à retenir, coupés qu'ils sont des racines europée

nnes dont ils se réclament. Loin de refroidir son ardeur, donc, l'apparition du volapük donne un nouvel élan au jeune homme. L'esprit critique qu'il a appliqué au volapük, il se l'applique désormais à lui-même. La langue universelle dont il finira par accoucher n'en sera que plus dépouillée, musicale, accessible à tous, bref plus adaptée à l'idéal qu'elle sert: permettre aux hommes de bonne volonté du monde entier - quels que soient leur origine et leur degré de culture - de s'entendre et de se comprendre. Le 26 juillet 1887, paraît un opuscule en langue russe. Son auteur: le Doktoro Esperanto, pseudonyme qui donnera bientôt son nom à la langue elle-même. Son titre: Lingvo Internacia. L'appellation universelle a été abandonnée. Loin de vouloir supplanter les langues nationales, la langue inventée par Zamenhof se veut, en effet, simple trait d'union entre les peuples dans leurs relations inter-nationales. Son contenu: quarante pages composées d'une introduction, d'une grammaire de seize règles sans exceptions

, d'un lexique de quelques neuf cents radicaux et quelques dizaines d'affixes (préfixes et suffixes) et, en guise d'exemples, de quelques traductions de poèmes ou d'extraits bibliques. C'est l'Unua libro, l'ouvrage historique dont tous les espérantistes, aujourd'hui encore, se réclament. même si, depuis, le livre de référence est le Fundamento de Esperanto, et si le Plena Ilustrita Vortaro de Esperanto, le plus complet dictionnaire d'espéranto, contient aujourd'hui plus de quinze mille éléments. Les dés sont jetés. Aussitôt, le courrier sollicité par le docteur Esperanto abonde. Des quatre coins du monde, des lecteurs conquis par la simplicité de cette langue autant que par l'idéal qui la porte, écrivent leur enthousiasme... dans la lingvo internacia. Bientôt, Zamenhof, les larmes aux yeux, ouvre sa porte à des étrangers qui s'adressent à lui en esperanto. L'espéranto n'est plus un rêve: c'est une langue à part entière. Au fil des dix années à venir, le docteur Zamenhof, ophtalmologiste, sa femme Klara et l

eurs trois enfants, auront à peine de quoi se nourrir: n'importe, l'espéranto se propage. Des associations d'espérantistes voient le jour un peu partout: en Russie, en Pologne, en Allemagne, en France,en Suède... jusqu'aux Etats-Unis, en Bolivie ou au Japon. Un premier congrès international se tient, à Boulogne-sur-Mer, en août 1905, où le Fundamento de Esperanto que vient de publier Zamenhof aux éditions Hachette est adopté par les délégations espérantistes des vingt nations présentes. Avec un enthousiasme entaché de heurts, parfois, de rivalités et de trahisons - deux espérantistes français n'ont-il pas profité de la confiance de Zamenhof pour tenter d'imposer en 1907 une langue internationale à eux, l'Ido, déviation de l'espéranto ? - le mouvement esperantujo s'organise. Les adeptes se multiplient. Zamenhof estleur héros, qui déteste pourtant le vedettariat et répète à qui veut l'entendre que la lingvo internacia appartient à ceux qui la pratiquent, et non à son inventeur. Lui, chaque soir, quand son cabi

net d'ophtalmologie est enfin silencieux, travaille à ses traductions: textes de Dickens, de Shakespeare, de Gogol, de Goethe, de Shiller, contes d'Andersen et puis l'Ecclésiaste, puis les Psaumes, puis la Genèse... Il est le premier à oeuvrer à cette bibliothèque espérantiste qui lui tient à coeur. Mais il paye aujourd'hui des années de labeur et parfois de misère. A cinquante-quatre ans, quand la Grande Guerre éclate, il en paraît soixante-dix. C'est le coeur qui est atteint. Et les informations désespérantes qui lui parviennent de ses amis espérantistes des deux camps ne font que l'user davantage. L'Europe sous ses yeux participe à un gigantesque banquet de haine, ensanglantant son idéal d'une humanité fraternelle. Zamenhof, terrassé par des angines de poitrine à répétition, ne parle plus... Mais son lit est jonché de notes, de projets pour les temps de paix. Cette paix, Zamenhof ne la connaîtra pas. Il s'éteint à Varsovie le 14 avril 1917. Il a cinquante-sept ans. L'espéranto en a trente. L'enfant chéri

de Zamenhof continuera d'oeuvrer, contre guerres, moqueries et indifférence. Aujourd'hui implanté dans plus de cent quinze pays, l'espéranto enregistre comme autant de victoires les premiers gestes de reconnaissance officielle, telles l'admission, en 1993, de l'Esperanto-PEN-Klubo au sein du PEN-Club ou la bénédiction papale de Noël et de Pâques, énoncée en esperanto depuis 1994. Espérance la bien nommée n'a pas dit son dernier mot.

B.A. -Ba

grammatical

Dans l'espéranto, point d'exceptions aux règles syntaxiques, ni verbes irréguliers, ni déclinaisons compliquées. Rien que seize règles de base, une prononciation fidèle à la graphie, un accent tonique sur l'avant-dernière syllabe et... une logique sans faille. A partir d'un mot racine dérivé des langues européennes, c'est la terminaison qui permet de déterminer s'il s'agit du substantif (o au nominatif, on à l'accusation de l'adjectif (a), de l'adverbe (c) ou du verbe (i à l'infinitif, as au présent, is au passé, os au futur, us au conditionnel, etc). Ainsi la parole devient-elle la parolo (la parolon à l'accusatif), les paroles la paroloj (la parolojn à l'accusatif), oral parola, oralement parole et parler paroli ; je parle est mi parolas, tu parlais vi parolis, il parlait li parolos, nous parierions ni parolus... Quant aux mots composés, ils s'obtiennent par la simple réunion des éléments qui le forment, le mot fondamental à la fin. Ainsi bateau à vapeur s'écrit-il vaporshipo, à partir de vapor(vapeur) shi

p (bateau) et o (terminaison du substantif..

POUR EN SAVOIR

PLUS

L'Espéranto, PUF,

collection Que sais-je ?.

Association France-Espéranto, 4 bis rue de la Cerisaie, 75004 Paris. Sur Minitel: 3615 Espéranto.

 
Argomenti correlati:
stampa questo documento invia questa pagina per mail