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Partito Radicale Centro Radicale - 23 febbraio 1996
Tribunal: interview avec Antonio Cassese

PAS DE PAIX SANS JUSTICE EN BOSNIE

Pour le Président du TPI, juger les criminels de guerre est indispensable

Interview avec Antonio CASSESE, président du Tribunal sur les crimes de guerre commis en ex-Yougoslavie

Recueilli par Marc Semo

Libération, vendredi 23 février 1996

Le président du Tribunal pénal international de La Haye pour les crimes de guerre dans l'ex-Yougoslavie, Antonio Cassese, 59 ans, Italien, professeur de droit international à Florence, a commencé hier tournée des capitales européennes par Paris où il assure avoir reçu »un message de soutien total et sans faille . Au niveau politique, comme sur le plan pratique, avec le détachement d'une dizaine de magistrats français pour aider le TPI à trier dans les milliers de dossiers envoyés par les commissions d'enquête locales, ce qui est du sort de cette Cour internationale. Dans les locaux du quotidien la Croix, il a répondu aux questions de quelques journalistes, dont Libération.

Q. Pourquoi la poursuite des criminels de guerre représente-t-elle pour vous une nécessité pour le processus de paix?

R. Sans la justice, il ne peut y avoir de paix durable. Je tiens à le répéter même si cela peut sembler une banalité. Le grand juriste hollandais Bert Rölling, qui fut l'un des juges du procés de Tokyo (le Nuremberg des criminels de guerre japonais, ndlr), soulignait la différence en la paix formelle, c'est-à-dire le simple arrêt des combat et la paix réelle avec aussi la fin des rancunes et des haines. Celle-ci n'est possible que par le châtiment de coupables de crimes, ceux commis par les militaire comme ceux des dirigeants qui ont planifié massacres et génocides. A Dayton, la communauté internationale n'a pu éviter d'insérer dans son plan de paix cette mécanique judiciaire sans précédent au lieu des amnisties et garanties d'immunité qui accompagnent habituellement les accords marquant la fin d'un conflit. Les trois aspects du processus de paix, le militaire, la reconstruction et la justice, sont étroitement imbriqués. Il était certes indispensable de mettre d'abord en place le dispositif de la force multi

nationale pour occuper le terrain et bien faire comprendre à tous que les combats étaient finis. Maintenant commencent la reconstruction et la justice. Et celle-ci est tout aussi importante que les autres aspects du plan, comme l'ont rappelé mes interlocuteurs à Paris. La France a été le pays qui lança l'idée d'un tel tribunal et qui en a rédigé les statuts.

Q. Le TPI ne dispose d'aucune force propre pour exécuter ses mandats d'arrêt, et des inculpés de premier plan, comme Radovan Karadzic, ont pu ces dernières semaines franchir des barrages de I'Ifor sans être inquiétés. Est-ce que quelque chose va changer maintenant?

R. Nous avons reçu des assurances en ce sens. Des ordres stricts ont été donnés et 10.000 affiches avec les portraits de 17 inculpés, tous ceux dont nous disposons des photos, ont été distribués. lls seront arrétés s'ils arrivent aux barrages, même si ces inculpés sont protégés par des escortes bien armées. De ce que m'a affirmé l'amiral Leigthon Smith (commandant de l'Ifor, ndlr), je pense que cette aide sera réelle. Les soldats iront jusqu'au bout et n'hésiteront pas à tirer en cas de nécessité. En tant que tribunal, notre tendance n'est pas d'accuser des lampistes. Leurs cas doivent être laissés aux juridictions nationales. Je ne vois pas, par exemple, pourquoi la France ou l'Allemagne ne traduiraient pas en justice des suspects de crime de guerre qui auraient été arrêtés sur leur territoire. Nous devons éviter la surcharge du tribunal en lui donnant des compétences sélectives. S'il s'agit de personnes qui ont joué un rôle clé ou disposent d'informations capitales sur les dirigeants ou de responsables mil

itaires de haut niveau, nous entrerons en jeu et demanderons aux Etats de se dessaisir des dossiers.

Q. Pensez-vous encourager les témoignages en offrant des remises de peine aux inculpés acceptant de collaborer avec les enquêteurs, c'est-à-dire des lois sur les repentis?

R. Nous nous sommes posé la question, et moi le premier puisque j'ai pu personnellement constatar en Italie l'efficacité de telles mesures, y compris auprès de mafieux de haut vol. Les accusés de ce tribunal doivent néanmoins répondre de crimes encore plus graves, des viols, des massacres. Nous avons estimé ne pas pouvoir assumer une telle responsabilité. En tant que juge »siégeant , nous pourrons seulement reconnaître des circonstances atténuantes à des accusés coopératifs. En revanche, le procureur peut, lui, décider de ne pas engager d'action pénale, et donc assurer l'impunité à quelqu'un à même de fournir des informations très importantes sur des dirigeants politiques et militaires de premier plan.

Q. Aller au plus haut niveau, est-ce que cela pourrait signifier éventuellement la mise en accusation de dirigeants politiques qui ont été parmi les signataires des accords de paix comme le président serbe Slobodan Milosevic ?

R. La logique judiciaire n'est pas celle de la diplomatie ou de la politique. Si par exemple Radovan Karadzic, une fois arrêté, affirmait qu'il a obéi à des ordres supérieurs, le procureur ne pourrait que mettre cela aux actes et en tirer toutes les conséquences. Notre volonté est d'aller jusqu'au bout. Nous y sommes d'ailleurs obligés par notre statut. Quand, en juillet dernier, fut décidée la première inculpation de Radovan Karadzic et de Ratko Mladic, beaucoup estimaient que le TPI allait ainsi réduire à néant tout le processus de négociations puisqu'ils étaient encore à l'époque des interlocuteurs obligés. Mais nous avons procédé. Aujourd'hui, ces deux messieurs ne peuvent plus de fait sortir du territoire sous contrôle serbe bosniaque et ils ont été mis sur la touche.

Q. Les accords de Dayton font obligation aux parties croate, bosniaque et serbe de coopérer avec le TPI. Où en est-on ?

R. Nous ne sommes pas très satisfaits. La Croatie coopère mais jusqu'à un certain point. Elle a permis à nos enquêteurs d'ouvrir un bureau du procureur à Zagreb, mais elle n'a pas exécuté les mandats d'arrêt signés par nos juges. Les Bosniaques coopèrent très bien, mais il faut voir si cela va continuer quand il y aura les premiers actes d'accusation contre des Musulmans bosniaques. Belgrade s'est mis de côté jusqu'à présent mais nous a fait maintenant des promesses. Il faudra voir ce qu'il en sera concrètement. Des moyens de pression existent, au travers des Etats. La résolution qui a suspendu les sanctions contre Belgrade prévoit qu'elles peuvent être rétablies sans qu'il y ait un nouveau vote bloqué par un veto russe, si le Conseil de Sécurité constate des violations importantes des accords de Dayton. Le préambule de cette résolution rappelle la nécessaire coopération avec le TPI. Sur Zagreb, les moyens de pression sont moins directs, mais ils existent au niveau politique, notamment au travers des aides e

uropéennes qui, comme l'a rappelé le ministre allemand Klaus Kinkel, dépendront aussi de cette coopération avec notre tribunal.

 
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