INTERVENTION D'OLIVIER DUPUIS SUR LE RAPPORT LIESE
Madame la Présidente, chers collègues, Madame la Commissaire,
tous les membres de mon groupe ne partagent pas le point de vue qui va suivre, je parlerai donc en mon nom personnel.
Le rapporteur nous propose le développement de cultures alternatives pour inciter les paysans du Tiers-Monde à renoncer à la production illégale de plantes hallucinogènes.
Le grand stratagème proposé: des préférences douanières pour l'exportation des produits agricoles légaux...
En bref, ce que propose le rapporteur aux paysans du Tiers-Monde c'est de leur acheter leurs pommes de terre quelques centimes plus cher et de renoncer aux revenus 100 fois supérieurs qui sont les leurs quand ils s'adonnent à la production illégale.
Cette politique à laquelle on a donné le nouveau nom ronflant de "politique des cultures alternatives" n'est en fait rien d'autre que cette politique éculée de la Drugs Enforcement Administration, la DEA américaine, mise en oeuvre depuis plus de 20 ans avec les résultats que l'on sait mais que je crois néanmoins nécessaire de rappeller à l'honorable rapporteur.
En vingt ans la DEA a dépensé des centaines de millions de dollars par an pour financer la destruction de milliers d'hectares de cultures illégales. Au cours de ces mêmes vingt ans la production et la consommation des drogues illégales a quant à elle augmenté dans des proportions littéralement sans précédent dans l'histoire des habitudes de consommation du genre humain.
Devant l'échec patent de cette politique américaine qui n'a pourtant pas - et c'est vraiment le moi ns que l'on puisse dire - manqué de moyens, l'Europe se propose la même politique ... dotée de 10 millions d'Ecus.
Tout cela serait risible, Madame la Présidente, si toute cette affaire de drogues n'était parfaitement tragique. Tragique pour ces nombreuses démocraties du Tiers-Monde déjà destabilisées par des structures occultes dont le pouvoir énorme les écrasent, tragique pour nos démocraties pénétrées lentement mais surement par l'argent sale, tragique pour ces centaines de milliers de citoyens européens victimes de consommateurs de substances illégales que l'on pousse littéralement au crime, tragique pour ces millions de consommateurs que l'on enferme à double tour dans la marginalité.
Après vingt, trente ans d'errements, de tragédies, d'effets pervers en tout genre, plus une minute n'est à perdre. Il faut restituer aux Etats et à la Communauté internationale un véritable contrôle sur la production et la distribution de toutes les substances aujourd'hui illégales. Il faut réglementer, il faut légaliser toutes les drogues. Tout de suite.
Et que l'on cesse de dire aux antiprohibitionnistes qu'un débat sur la légalisation des drogues serait une perte de temps. Après une telle catastrophe, c'est aux prohibitionnistes que revient désormais la charge de la preuve.
Je vous remercie Madame la Présidente.