Radicali.it - sito ufficiale di Radicali Italiani
Notizie Radicali, il giornale telematico di Radicali Italiani
cerca [dal 1999]


i testi dal 1955 al 1998

  RSS
gio 27 feb. 2025
[ cerca in archivio ] ARCHIVIO STORICO RADICALE
Conferenza Partito radicale
Partito Radicale Centro Radicale - 17 maggio 1996
ex-Yougoslavie

BOSNIE: LA RECHERCHE DES VRAIS COUPABLES

par Rémy Ourdan

Le Monde, le jeudi 16 mai 1996

Au-delà du cas personnel de Dusan Dusko Tadic, accusé d'avoir assassiné et torturé des détenus musulmans dans le camp serbe d'Omarska et dans un village voisin, le premier procès de l'histoire du Tribunal pénal international (TPI) de La Haye est devenu celui de la guerre en ex-Yougoslavie. L'accusation tente de démonter le mécanisme de la purification ethnique, conçu par les artisans de la Grande Serbie afin de diviser la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, tandis que la défense essaie de souligner les inquiétudes que pouvaient avoir les minorités serbes sur les sols croate et bosniaque. Dès l'ouverture de l'audience, un substitut du procureur a évoqué le cataclysme qui a ébranlé la Yougoslavie en 1991, insistant sur ce que l'homme a fait à l'homme, et soulignant que la guerre de Bosnie-Herzégovine fut une attaque systématique contre la population non-serbe. Les faits reprochés à Dusko Tadic - treize meurtres et dix-huit cas de torture à l'encontre de Bosniaques musulmans - ont été brièvement énoncés. juste as

sez pour rappeler au tribunal la réalité quotidienne des crimes de la purification ethnique, comme lorsque Dusko Tadic aurait forcé un prisonnier à boire de l'huile de moteur puis à arracher de ses dents les testicules d'autres détenus bosniaques du camp d'Omarska. Dusko Tadic, un tranquille patron de café, n'avait aucune responsabilité dans le projet de créer une République serbe en Bosnie, puis d'unifier ce territoire avec la Serbie. Il fut simplement un partisan zélé de la cause grand-serbe, un pion ordinaire qui aimait visiter les prisons afin d'y torturer les gens. L'accusation s'efforce de prouver que l'armée serbe et les milices années par Slobodan Milosevic poursuivaient, en revanche, un but politique, et qu'elles s'appuyaient localement sur des hommes comme Dusko Tadic. Dans la salle d'audience, les véritables accusés sont en fait Slobodan Milosevic, signataire du plan de paix et dorénavant partenaire précieux des Occidentaux, Radovan Karadzic, inculpé de génocide, qui règne toujours à Pale, dans le

s collines qui surplombent Sarajevo, et tous les chefs militaires ou paramilitaires qui ont servi leur cause. A Sarajevo, les gens ont été surpris par la première semaine de débats. Leur besoin de justice' commence, disent-Us, à être enfin entendu. Peu à peu, ils prennent confiance en ce Tribunal de La Haye qui a sommeillé durant trois ans. Evidemment, ils indiquent que la tenue de ce premier procès devant le TPI ne doit pas masquer le fait que les vrais responsables du cataclysme n'y sont pas présents, et qu'ils continuent de gouverner la moitié de la Bosnie-Herzégovine. L'OTAN se refuse encore à les arrêter, alors qu'ils deviennent une entrave évidente à l'application du plan de paix (retour des réfugiés, élections démocratiques ... ). A Sarajevo, on note également que les présidents serbe et croate, MM. Milosevic et Tudjman, considérés ici comme les véritables assassins de la Bosnie, ne sont même pas inculpés par le TPI, et que leur nouveau statut d'hommes de paix leur éviteracertainement de répondre un j

our des crimes qu'ils ont ordonnés. La machine judiciaire est toutefois lancée. Tant que les Etats qui ont voté la création du Tribunal de l'ONU ne cherchent pas à l'étouffer, les enquêteurs devraient, au fil des investigations et des procès, remonter la piste des hauts responsables. Il serait étrange de ne pas dévoiler les liens étroits entre Slobodan Milosevic et l'armée du général Mladic, alors que les Occidentaux furent les premiers à aller directement à Belgrade dès que les attaques s'intensifiaient sur le sol bosniaque, afin d'y réclamer de multiples cessez-le-feu. Les diplomates et les chefs successifs de la Forpronu feront de parfaits témoins. Chacun sait que l'armée serbe bosniaque était en fait l'armée serbe. Les officiers prenaient leurs ordres à Belgrade, et percevaient leurs salaires à Belgrade. De même, la Communauté de défense croate (HVO), qui officiait en Bosnie-Herzégovine, n'était qu'une émanation de l'armée croate, et les officiers prenaient leurs ordres à Zagreb. Le procès de Dusko Tadic

, s'il est exemplaire et sans doute historique, ne doit donc pas servir d'exutoire à la communauté internationale. Trois ans et demi après sa création, le 17 novembre 1993, avec la prestation de serment de ses onze juges, le Tribunal de La Haye devient un pilier du processus de paix en ex-Yougoslavie. Cinq mois après la signature du traité de paix à Paris et le déploiement des forces de l'OTAN en Bosnie, il joue désormais un rôle majeur dans l'après-guerre. Le tribunal doit permettre d'éclaircir les vraies responsabilités et l'échelle des crimes, en ne négligeant aucune piste. Il doit échapper à l'accusation serbe d'être un tribunal anti-serbe, tout en prenant soin de ne pas être à l'image de la communauté internationale, qui a pris plaisir, ces dernières années, à répéter que les belligérants se valaient dans l'horreur. Les leaders des séparatistes croates de Bosnie sont inculpés eux aussi, et leur chef militaire, le général Tihomir Blaskic, est incarcéré à La Haye. Des gardiens de prison musulmans sont éga

lement inculpés, pour des crimes et des tortures qui valent bien les atrocités commises par Dusko Tadic.

Le TPI devra cependant faire la différence entre ce que l'homme a fait à l'homme et ce que l'homme a conçu de faire à l'homme. Dans le premier cas, il s'agit de juger des crimes abominables, qui ont pour point commun d'être commis dans toutes les guerres. Les Balkans n'ont pas le monopole de la sauvagerie, et aucun conflit n'a jamais épargné les femmes, les enfants ou les prisonniers. Dans le second cas, il s'agit d'établir la volonté politique d'anéantir une population ou un pays, comme cela a été le cas dans l'ex-Yougoslavie. S'il faut se méfier de l'emploi permanent du terme de génocide par les Bosniaques, il n'en demeure pas moins que l'armée serbe avait des consignes précises concernant la division du pays. D'autre part, les milices les plus sanguinaires venues de Serbie étaient financées par la police de Belgrade, une institution encore plus étroitement contrôlée par Slobodan Milosevic que l'ex-armée fédérale.

Lorsque le jour sera venu de juger les massacres commis à Srebrenica, il ne faudra pas seulement mettre en cause les soldats qui ont mitraillé des milliers d'hommes désarmés. Il ne faudra pas seulement demander des comptes au général Ratko Mladic, qui sillonnait cette région et a personnellement ordonné l'élimination des prisonniers. Il faudra également s'interroger sur les raisons qui ont conduit le général Mladic et son état-major à pratiquer cette politique. Le Tribunal de La Haye,qui juge des personnes soupçonnées de crimes contre l'humanité pour la première fois depuis les procès de Nuremberg et de Tokyo en 1945 et 1946, représente une chance pour la paix en ex-Yougoslavie. Il offre une chance aux enfants de cette guerre de ne pas être éduqués selon les manuels d'histoire édités par leurs aînés. Seul le TPI peut atténuer l'envie de revanche des Bosniaques, dont le pays a été morcelé. Peut-être un jour servira-t-il également de référence au peuple serbe, assailli par la propagande des médias liés aux che

fs de guerre. La crédibilité du Tribunal de La Haye est un enjeu majeur pour la communauté internationale, qui a trop souvent habitué le peuple de l'ancienne Yougoslavie à formuler des promesses ensuite vite oubliées.

 
Argomenti correlati:
stampa questo documento invia questa pagina per mail