L'EUROPE, REMPART DE LA DEMOCRATIE
par Christophe De Caevel
Nord Eclair, 19/20 mai 1996
En septembre 1985, vous êtes arrêté à Dubrovnik pour avoir distribué massivement des tracts appelant à l'adhésion immédiate de la Yougoslavie à la Communauté européenne, unique moyen de transition pacifique de ce pays vers la démocratie . Comment aviez-vous senti les risques d'explosion dans ce pays ?
Olivier Dupuis: Depuis le début des années 80, on sentait qu'il fallait faire quelque chose pour accrocher 'la Yougoslavie au wagon démocratique de l'Europe. Nous avons interpellé les institutions européennes mais elles se sont contentées de gérer le problème avec une approche strictement économique. Quand elles ont réagi, il était trop tard, la partie libérale de la classe dirigeante serbe était déjà épurée .
Pourquoi ce manque de réponse de l'Europe .
O. Dupuis : En raison de rivalités internes certainement mais surtout à cause de l'absence d'Europe en tant que telle et de réflexion sur ce qui l'entoure. Ce qui se passe hors de nos frontières ne nous intéresse' pas. La lutte contre le chômage monopolise toutes les énergies et l'on en oublie les autres questions. Et finalement on y apporte de mauvaises réponses. Pas seulement morales ou humaines : le coût de la guerre en Yougoslavie, de l'envoi de nos militaires et, demain, de l'aide à la reconstruction de ce pays, grèvent bien Pl us nos budgets que ne l'aurait fait une réaction politique rapide. De tels manquements m'ont incité à être candidat aux élections européennes et à militer en faveur d'une véritable politique étrangère commune, menée par la Commission.
Cette politique étrangère commune peut, selon vous, s'avérer économiquement rentable ?
O. Dupuis: Evidemment. Regardez l'Afrique. Nous y investissons beaucoup d'argent mais de manière désordonnée, sans véritable politique de développement, sans véritable partenariat avec les forces démocratiques. Résultat : en dépit des millions engloutis, aucun marché ne s'ouvre là-bas. Une Europe fédérale pourrait de toutes façons mieux fixer et faire respecter les règles du jeu économique. Face à la Chine ou d'autres régimes autoritaires, nous serions plus forts pour imposer le respect des droits de l'Homme et continuer à faire du business. Ces fameux contrats avec la Chine, c'est également une vue à court terme Le début de libéralisation économique a créé des richesses mais n'a entraîné aucune modification politique en Chine. C'est vraiment la loi de la jungle : les industriels proches du pouvoir ont tous les droits et les autres aucun. Nous devrions pousser plus fermement à la démocratie sinon ce pays explosera bientôt, et nos joliscontrats avec.