RESOLUTION SUR LA SITUATION AU TIBET
relative à la protection du peuple Tibétain et de sa culture
(Déposée par M. Jacques Lefèvre et consorts)
La Chambre,
- Vu la résolution relative à la protection du peuple tibétain adoptée le 29 mars 1994 par la Chambre des représentants de Belgique (Doc. Chambre n 1132/7-92/93);
- Vu la résolution de la Deuxième Conférence mondiale des parlementaires sur le Tibet qui s'est tenue à Vilnius en Lituanie du 26 au 28 mai 1995;
- Vu la résolution n B4-1007/95 votée par le Parlement européen le 13 juillet 1995;
- Vu les résolutions 1353 (XIV) de 1959, 1723 (XVI) de 1961 et 2079 (XX) de 1965 de l'Assemblée générale des Nations Unies;
1. Histoire du Tibet
- Considérant que tout au long de son histoire le Tibet est parvenu à garder une identité nationale, culturelle et religieuse distincte de la Chine, jusqu'à ce que commence l'érosion à la suite de l'invasion chinoise;
- Considérant que le Tibet historique est constitué de trois régions: l'U-Tsang, l'Amdo et le Kham;
- Considérant qu'avant l'invasion chinoise de 1949, le Tibet était reconnu de facto par de nombreux Etats et que, selon les principes établis du droit international et les résolutions des Nations Unies, le Tibet est un territoire occupé;
2. Nature du problème tibétain
- Considérant que la question du Tibet est essentiellement une question politique: celle de l'assujettissement du Tibet par la République Populaire de Chine et de la résistance du peuple tibétain à cette domination;
- Considérant que le caractère spécifique des violations des droits de l'homme au Tibet vise les Tibétains en tant que peuple affirmant son identité propre et son désir de garder celle-ci intacte, et que, de ce fait, les violations des droits de l'homme au Tibet résultent en grande partie d'une discrimination raciale et culturelle institutionnalisée;
3. La lutte pacifique du peuple tibétain et du Dalai Lama
- Conscient de la volonté du peuple tibétain de recouvrer ses droits fondamentaux et de préserver et développer sa culture;- Reconnaissant les propositions de négociations faites au cours des quinze dernières années par le Dalaï Lama au gouvernement chinois en vue d'obtenir une solution pacifique au problème tibétain;
- Considérant que dans sa quête d'une solution négociée au problème tibétain, le Dalaï Lama n'a pas réclamé l'indépendance totale pour le Tibet et, qu'en réponse à ses propositions conciliantes, la Chine n'a pas cessé d'implanter des colons chinois au Tibet, de sorte que les Tibétains se trouvent aujourd'hui réduits à une minorité dans leur propre pays;
- Considérant que le Dalaï Lama reste prêt à négocier avec la Chine et que les propositions, telles que son Plan de Paix en Cinq Points (1987) et sa proposition faite au Parlement européen (1988), qui ont été bien accueillies au niveau international, peuvènt encore constituer une base rationnelle pour des négociations sans conditions préalables;
4. Les transperts de population
- Condamnant comme violation grave du droit international le transfert de population chinoise Han - encouragé officiellement - mis en oeuvre par divers moyens, et notamment, par la substitution de fonctionnaires chinois à des agents tibétains compétents à divers niveaux de l'administration, ainsi que par l'obligation faite, en vertu d'une décision récente, à l'ensemble du personnel militaire en poste de s'établir au Tibet en fin de service sous peine de perdre ses droits à la pension;
5. La discrimination en matière d'éducation
- Condamnant la discrimination pratiquée par les autorités chinoises dans le domaine de l'éducation, en privant les enfantstibétains des facilités appropriées; ou de même à l'encontre des Tibétains désireux d'étudier leur langue et leur culture propres; ou encore par le rappel sous contrainte des enfants tibétains faisant des études hors du Tibet;
6. La politique de contrôle des naissances
- Considérant que le nombre de Tibétains vivant au Tibet (U-Tsang, Kham et Amdo) s'élève aujourd'hui à environ 6.000.000 d'âmes, que la surface du Tibet est de 2,5 millions de kilomètres-carrés (soit 0,42 habitant par kilomètre-carré);
- Constatant dès lors que la politique chinoise de contrôle des naissances ne peut être justifiée en raison de la faible densité de population tibétaine vivant au Tibet et qu'elle n'est donc qu'un des moyens utilisés par la République Populaire de Chine pour réduire le nombre de Tibétains vivant au Tibet;
7. Le problème du Tibet équivaut à une purification ethnique
- Condamnant les autres violations graves et systématiques des droits de l'homme au Tibet, notamment, l'arrestation et la détention arbitraires ainsi que la torture de Tibétains pour raisons politiques; les violations des droits des femmes,notamment, les stérilisations et avortements forcés; la privation de la liberté religieuse; toutes offenses qui, avec la destruction de la riche culture tibétaine et le transfert de population, menacent la survie même du peuple tibétain et équivalent dès lors à une purification ethnique;
8. Problème de l'environnement
- Préoccupée par la destruction de l'environnement naturel du plateau tibétain, et notamment, le déboisement abusif, le stockage de déchets toxiques et radioactifs, qui a des conséquences non seulement au Tibet, mais pour toute la région et pour le monde entier;
9. Le droit à l'autodétermination
- Réaffirmant le droit inaliénable du peuple tibétain à l'autodétermination;
10. Le droit d'ingérence
- Soulignant que les violations des droits de l'homme, et notamment, du droit à l'autodétermination, ainsi que toutes autres violations du droit international sont, par définition, l'affaire légitime de tous les membres de la communauté internationale, et ne sauraient être une affaire intérieure d'un quelconque Etat.
1. Demande au gouvernement belge:
- d'exhorter la République populaire de Chine de mettre immédiatement fin à toutes les politiques et pratiques qui violent les droits de la personne et des libertés fondamentales des Tibétains;
- qu'il soutienne, par tous les moyens diplomatiques, les processus de négociation prônés par le Dalaï Lama et les représentants du gouvernement tibétain en exil, avec les autorités chinoises, en vue de l'obtention du droit à l'autodétermination du peuple tibétain et à l'établissement d'une zone de paix démocratique au Tibet;
- qu'il presse la République Populaire de Chine de mettre fin à la politique de contrôle des naissances consistant à stériliser et avorter par la force les Tibétaines;
- qu'il exige de la République Populaire de Chine qu'elle mette fin à la politique de transfert de population chinoise menée par la Chine au Tibet en violation flagrante de l'article 49 de la Quatrième Convention de Génève (1949); - d'obtenir que tous les prisonniers d'opinion tibétains détenus dans les prisons et camps de concentration chinois au Tibet soient immédiatement libérés;
- d'insister pour que la République populaire de Chine, membre du Conseil de Sécurité des Nations Unies, respecte les Conventions qu'elle a signées, à savoir: la Convention des Nations Unies contre la torture (1984), la Convention sur l'élimination de toute forme de discrimination raciale (1966) etla Convention sur les droits de l'enfant (1989) et pour que soient appliquées les résolutions adoptées par le Parlement européen, le Conseil européen et la Chambre des Représentants de Belgique (29 mars 1994);
2. Invite le gouvernement belge à proposer au Conseil européen des ministres des affaires étrangères de prendre position à ce sujet et de la faire connaître aux autorités de la République Populaire de Chine;
3. Demande que la Belgique mette tout en uvre afin d'obtenir que soient appliquées les résolutions 1353 (XIV), 1723 (XVI) et 2079 (XX) des Nations Unies et que le gouvernement tibétain en exil obtienne sans délai le statut d'observateur auprès de cette institution internationale.