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Partito Radicale Centro Radicale - 18 ottobre 1996
Nations Unies

QUEL SECRETAIRE GENERAL POUR L'ONU?

par Olivier Russbach

Le Monde, Vendredi 18 octobre 1996

Il serait dommage que le débat sur le secrétaire général de l'ONU et son éventuelle réélection soit dominé par l'animosité que lui portent les Etats-Unis. Dommage aussi que la contribution de la France à ce débat soit limitée à affirmer, comme l'a fait tout récemment M. Chirac, que Paris souhaitait un secrétaire général francophone - sinon, comme on l'avait beaucoup souligné lors de l'élection de M. Boutros-Ghali, francophile. L'élection qui doit intervenir d'ici à la fin de l'année demande que l'on s'arrête aussi sur ce qu'est, ce que peut être et doit être un secrétaire général de l'ONU. Quelles que soient les responsabilités particulières, civiles ou pénales que M. Boutros-Ghali ou ses représentants sur le terrain peuvent avoir engagées - leur gestion du conflit en ex-Yougoslavie et, de manière plus générale, l'action de l'ONU aux premiers jours du génocide de 1994 au Rwanda font actuellement l'objet d'actions judiciaires en responsabilité -, c'est en effet, au-delà des reproches médiatiques, politiques,

et désormais juridiques aussi, la conception de la fonction qui fait problème. Le fil rouge qui, déjà, apparaît dans le bilan de l'action de M. Boutros-Ghali au cours de son mandat est l'insistance avec laquelle il s'est toujours plu à répéter combien il était faible et impuissant devant la volonté des Etats. Moi, je suis sous les ordres du Conseil de sécurité, déclarait M. Boutros-Ghali dans un entretien avec Le Nouvel Observateur, à l'automne 1995, au moment où la communauté internationale tentait de réparer à Dayton les échecs de quatre années d'atermoiements à Genève, Londres, Bruxelles, New York et dans les capitales de l'ex-Yougoslavie: je ne puis me permettre de dire non au Conseil de sécurité.. En cela même, le secrétaire général donne des Nations unies, des fonctions du Conseil de sécurité et de ses propres fonctions une idée erronée, contraire à la Charte et qui porte préjudice à toute tentative de faire de l'Organisation un outil efficace à la disposition des objectifs pour lesquels elle a été

créée. Il laisse accroire que les Etats membres du Conseil de sécurité sont en droit de dénaturer les buts et objectifs qui ont été donnés à l'organisation, en droit de la vider de toute substance, et que les dysfonctionnements qui ont pu être observés sont inhérents à l'entreprise, dès lors utopique, de créer un état de droit international. La lecture de la Charte ne permet pourtant pas de voir dans le secrétaire général de l'ONU un exécutant servile de volontés ou raisons d'Etats, un mandataire docile du Conseil de sécurité ou de ses cinq membres permanents. Certes, la vie et l'efficacité de n'importe quelle association dépendent toujours de la volonté de ses membres.L'ONU n'échappe pas à la règle, et les gouvernements qui, comme le pose le préambule de la Charte, ont associé leurs efforts pour la créer lui donneront,selon les périodes ou selon les conflits, la force qu'ils voudront bien (ou pourront bien parfois) lui donner. La Charte de l'ONU prévoit un mode de fonctionnement, institue des organes, avec

des fonctions, pouvoirs ou compétences, des droits et des obligations: tout un corpus de règles, une architecture dont il convient de se servir avant de crier à l'échec, à la faiblesse, à l'utopie. A la faute des autres. Au fil de ses interventions dans la presse, M. Boutros-Ghali a fait beaucoup pour renforcer la vision très médiatique d'une impuissance inhérente à la machine ONU. Ainsi est née l'image d'un secrétaire général portant sur ses épaules toutes les misères d'une structure prétendument faite d'irresponsabilités plurielles. La lettre et l'esprit de la Charte des Nations unies, texte fondateur du système, donnent au secrétaire général une tout autre mission, un tout autre pouvoir que ceux que M. Boutros-Ghali s'est appliqué à présenter au long de son mandat. Grand spécialiste de L'Organisation mondiale, pour reprendre le titre d'un de ses ouvrages, le professeur Michel Virally écrivait que le secrétaire général assume, du fait de ses fonctions, une responsabilité personnelle dans le maintien de la

paix et de la sécurité internationales . Il jouit, selon Virally, d'une autonomie d e jugement qui ne doit connaître d'autre guide que les buts et principes de la Charte. Ce constat pouvait s'inspirer, notamment, de déclarations de Dag Hammarskjöld, secrétaire général de 1953 à 1961, qui affirmait être au service de l'Organisation [... ], au service des principes de la Charte et de ses buts . Dans un article sur le rôle du secrétaire général de l'ONU publié en 1971, U Thant, secrétaire général de 1961 à 1971, parlait pour sa part de responsabilité étendue , d'obligation envers la communauté humaine, de l'obligation de se vouer entièrement à la réalisation des buts et principes de la Charte [... ] . Selon lui, l'article 99 de la Charte, qui donne au secrétaire général le pouvoir d'attirer l'attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales , lui confère un droit tout à fait spécial, dépassant tous les pou

voirs qui ont jamais été reconnus au chef d'une organisation internationale [et] une responsabilité [qui] exigera de sa part l'exercice des plus hautes qualités de jugement politique, de tact et d'intégrité . A ces droits, devoirs ou obligations soulignés et développés par les théoriciens et praticiens de la fonction, s'ajoute la règle prévue dans la Charte selon laquelle dans l'accomplissement de leurs devoirs, le secrétaire général et le personnel [du secrétariat] ne solliciteront ni n'accepteront d'instructions d'aucun gouvernement ni d'aucune autorité érieure à l'Organisation . Si, donc, le secrétaire général peut être amené à devoir exécuter telle ou telle mission qui lui serait confiée par le Conseil de sécurité ou l'Assemblée générale de l'ONU, fi ne pourrait, une fois cette mission confiée, prétendre expliquer ou justifier son éventuel échec au motif qu'il serait la proie de volontés étatiques antagonistes, fût-ce des Etats membres des organes qui lui ont confié la mission originelle. Les Etats peuve

nt jouer un double jeu, tenir un double langage. C'est précisément le rôle du secrétaire général - libre, lui, de toute raison d'Etat 1 - que d'incarner et défendre, dans ces cas, les principes et objectifs del'ONU. Il n'est, pour le moins, pas certain que le combat engagé par Washington contre M. Boutros-Ghali à titre personnel ait pour objectif, ou simplement permette, un débat. Un débat qui placerait le secrétaire général - M. Boutros-Ghali ou son successeur - au coeur, au centre névralgique et décisionnel, d'une organisation qu'on voudrait voir fonctionner efficacement. Ce débat est celui que les citoyens doivent avoir pour décider ce qu'ils veulent faire de la maison onusienne.

 
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