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Partito Radicale Centro Radicale - 2 dicembre 1996
L'état actuel de la Russie

LA PRE-AGONIE DE LA RUSSIE

par Alexandre Soljénitsyne

Le Monde, mercredi 27 novembre 1996

QUELLE vision de la Russie a-t-on, actuellement, depuis l'Europe? Le plus souvent, l'attention aiguë des observateurs occidentaux reste fixée non pas sur les traits essentiels qui caractérisent l'état général du pays et les processus qui s'y déroulent, mais sur les événements de l'actualité immédiate: tantôt les élections à la Douma, tantôt la présidentielle, tantôt des remaniements au sommet - le renvoi de Lébed -, tantôt l'opération à coeur ouvert du président. Et c'est ainsi qu'on perd la faculté de voir large et profond, de comprendre ce qui s'est passé en Russie et ce qui s'y passe. Autant que je puisse en juger, une opinion bien assise est répandue en Occident: au cours des dernières années, il se serait instauré en Russie, malgré une dangereuse faiblesse de l'Etat, une démocratie indéniable, et dans le domaine économique d'excellentes réformes auraient été réalisées en direction du marché libre, auquel la voie serait désormais ouverte. Cependant, l'une et l'autre idée sont fausses. Ce qu'on appelle la

démocratie russe d'aujourd'hui sert de masque à une tout autre forme de gouvernement. Si l'on se réfère à la glasnost, c'est-à-dire à la liberté pour la presse d'exprimer son avis - liberté, elle aussi, en grande partie illusoire dans la Russie actuelle, car les journaux sont confinés par ceux qui les financent derrière un mur de sévères tabous portant sur les questions essentielles de notre vie et, dans les régions, ils sont souvent soumis à une pression directe des autorités locales - je rappellerai quelle n'est pas la démocratie elle-même, mais seulement son instrument. La démocratie est, dans le sens indiscutable du mot, le pouvoir du peuple, c'est-à-dire un régime dans lequel le peuple règle effectivement le cours de sa vie quotidienne et peut infléchir sa destinée historique. Eh bien, rien de semblable n'existe actuellement en Russie. En août 1991, les soviets des députés du peuple, qui n'avaient certes qu'un rôle décoratif sous l'ancien pouvoir communiste, ont été supprimés dans tout le pays. Plus de

cinq ans se sont écoulés depuis: la résistance conjointe de l'appareil présidentiel, du gouvernement, de la Douma d'Etat, des leaders des partis politiques et de la plupart des gouverneurs de provinces a empêché jusqu'ici la création d'organismes d'autogestion locale, en commençant par bloquer toute possibilité de lui constituer une base financière. Au niveau inférieur - dans les petites agglomérations, les cantons et les districts - les organismes d'autogestion sont totalement absents, tout est décidé par l'administrateur du district, qui appartient à l'axe vertical du pouvoir. Au niveau des régions, il y a bien des assemblées législatives régionales, mais elles sont entièrement aux ordres des gouverneurs, ne serait-ce que parce que c'est le pouvoir exécutif des provinces qui les rétribue. Et il n'existe pas de voies légales qui puissent permettre au peuple d'accéder à l'autogestion locale: il devra la conquérir de haute lutte.

Dans la réalité, seul existe l'axe vertical émanant du président et du gouvernement (on n'a commencé que depuis peu à élire lesgouverneurs des provinces, il s'en faut encore de beaucoup que tous les postes soient occupés par des élus ; avant, c'était le président qui nommait à cette fonction), et cet axe est encore doublé par une seconde verticale: celle des représentants du président (ses espions) dans chaque région. Quant à la Douma d'Etat, elle est, en vertu de la Constitution adoptée dans la précipitation (et de manière douteuse) en 1993, écrasée par le pouvoir présidentiel, elle dispose de droits très réduits et, en outre, un système électoral mal conçu fait qu'elle est composée en grande partie de gens amenés là par le hasard, sans même parfois avoir été élus personnellement. Dans la Douma actuelle (élections de 1995) comme dans la précédente, on est frappé par le bas niveau de nombreux députés. La structure du pouvoir étant celle-là, le sort du pays se joue surtout lors des élections présidentielles,

tous les quatre ans. Mais celles de 1996 n'ont pas été et ne pouvaient pas être responsables ni réfléchies. Le nuage menaçant du communisme - allait-on revoir les communistes au pouvoir? - a paralysé le choix des gens. Et le parti de Ieltsine jouait à fond sur cette corde en se présentant comme le seul salut. (Les communistes redoutaient d'ailleurs eux-mêmes de revenir au pouvoir, car ils ne voyaient pas d'issue à la crise générale.) On a bien entendu suivi les pires modèles en montant de coûteuses attractions de campagne électorale - apparemment payées par les finances publiques. Dans ce climat, il n'y a eu aucun débat ni aucun discours portant sur le fond, personne n'a parlé des erreurs, des échecs, des vices de la politique suivie pendant cinq ans. Personne n'a discuté non plus les programmes des candidats, présentés du reste avec une habileté retorse, une dizaine de jours seulement avant le scrutin, sous la forme de 100 à 120 pages d'un texte flou que les électeurs n'avaient aucune possibilité de se fair

e remettre pour lire, comprendre, poser des questions et obtenir des réponses. Sans exception, toutes les chaînes de télévision à audience nationale ont fait sous toutes les formes possibles une propagande partiale et obstinée en faveur du président en exercice, sans qu'on eût la possibilité de rien objecter. (Après de nombreuses invitations de la chaîne soi-disant indépendante, NTV, je leur ai donné une interview de dix minutes où je disais que les deux partis rivaux traînaient derrière eux de lourds crimes commis - pour les uns sur une profondeur de soixante-dix ans, pour les autres depuis cinq ans - contre les intérêts du peuple, et où j'appelais les électeurs à utiliser la possibilité qu'ils avaient de voter à la fois contre les deux, ce qui aurait provoqué le renvoi de l'élection à une date ultérieure et l'apparition de nouveaux candidats. Mais NTV n'a pas supporté la transgression du tabou, elle a charcuté mon intervention pour la recoudre en une guenille de deux minutes, incohérente, pas reconnaissabl

e, vide de sens.)

Ainsi donc, le Président a été réélu sans avoir répondu de tous les vices qui avaient affecté pendant cinq ans le fonctionnement du pouvoir, - avec l'entière liberté, pour les quatre années à venir, de les conserver et de les faire évoluer en renforçant les méthodes de coercition. Le système de gouvernement ainsi créé jouit de la même absence de contrôle, de la même absence de responsabilité devant le corps social et de la même impunité que l'ancien pouvoir communiste, et on ne saurait, avec la meilleure volonté du monde, l'appeler démocratie. Tout ce qui motive l'action du gouvernement, toutes ses décisions, ses intentions, ses entreprises importantes, ainsi que tous les changementsd'affectation des personnes, sont dérobés aux yeux des masses par une obscurité complète, et seuls les résultats finissent par percer au grand jour; lorsque tel ou tel personnage est relevé de ses fonctions, on a des formules inexpressives du genre conformément au désir exprimé par l'intéressé ou pour cause d'affectation à un aut

re poste (lequel? il arrive souvent que ce ne soit pas dit) - et jamais, même en cas de faute patente commise par le personnage en question, aucune explication n'est rendue publique. Quelque temps plus tard, le même individu peut aussi bien être nommé, de manière tout aussi sournoise, à une plus haute responsabilité. L'impératif moral du pouvoir, c'est ne pas trahir les siens et ne pas dévoiler leurs fautes. AINSI d'habiles représentants des anciens échelons supérieur et moyen du pouvoir communiste, joints à des nouveaux riches titulaires de fortunes amassées en un éclair par des actes de banditisme, ont-ils constitué une oligarchie stable et fermée de 150 à 200 personnes, qui gère les destinées du pays. Tel est le nom exact de l'organisation actuelle de l'Etat russe. Ce n'est pas un arbre nourri par ses racines, mais un bâton de bois mort -ou même, aujourd'hui, un piquet de fer - fiché dans le sol par la force. Les membres de cette oligarchie sont unis par la soif du pouvoir et par des calculs intéressés; o

n ne les voit poursuivre aucun des buts élevés qu'imposerait le service de la Patrie et du peuple. On pourrait dire qu'en dix ans de transformations fébriles (du milieu des années 80 au milieu des années 90), notre gouvernement n'a pas pris une seule mesure marquée au coin du talent. Mais il y a pire encore: durant ces dix années, les milieux du pouvoir n'ont pas fait preuve d'une meilleure qualité morale que ceux de l'époque communiste. La Russie a été mise au supplice par des crimes, par un pillage du patrimoine national atteignant des milliards et des milliards de dollars - et il ne s'en est pourtant suivi aucune révélation d'envergure ni aucun procès public. Les personnes revêtues du pouvoir peuvent commettre les fautes les plus lourdes, voire de véritables crimes menant à la ruine du pays, plongeant dans la détresse des millions de gens ou en condamnant à mort des milliers, - jamais un châtiment ne les frappe: le système judiciaire est tout entier bridé dans ses actions et dans ses prérogatives. Et, en

même temps, sous les yeux d'un Tribunal constitutionnel réduit à l'état de jouet et d'une Douma d'Etat qui n'exerce son contrôle qu'avec la dernière mollesse (nombreux sont, là aussi, les gens uniquement préoccupés de leur propre bien-être), on voit pousser comme des champignons autour du président une douzaine de Conseils (à commencer par le trop célèbre Conseil de Sécurité) et de Commissions (dont les effectifs enflent immédiatement). Absolument pas prévus par la Constitution, ils doublent cependant l'action du gouvernement au sein des différents ministères, créant une irresponsable et dès à présent chaotique multiplicité des pouvoirs. Est-il si loin, le temps où nous croyions qu'il ne pouvait pas exister bureaucratie plus absurde et plus lourde que celle de l'appareil communiste? Elle a doublé, triplé même au cours des dix dernières années, et elle se nourrit tout entière sur le dos d'un peuple qui s'enfonce dans la misère. En fin de compte, nous nous retrouvons dotés d'un pouvoir central impuissant à dir

iger le pays, mais âprement accroché aux privilèges qu'il s'est arrogés. Alors qu'au sein du peuple privé de l'autogestion qui lui est due, comme de toute garantie et défense de ses droits, des milliers et des milliersde personnes débordant d'esprit d'initiative et de talents n'arrivent pas à employer leur force créatrice, car partout ils se heurtent au mur de pierre de la bureaucratie. Sous quelle démocratie le gouvernement pourrait-il sommeiller paisiblement tandis que, dans tout le pays, massivement, les salaires dus resteraient impayés des six mois durant? On voit, ces derniers temps, émerger en différents endroits l'idée de comités de salut: des organismes locaux doublant le pouvoir officiel, spontanément créés par la population pour défendre son existence en péril. Dans d'autres pays, pareille situation suffirait à provoquer une grosse explosion sociale. Mais en Russie, après soixante-dix ans de saignée, d'élimination sélective de tous les éléments actifs protestataires, suivis de dix années où l'on a

précipité massivement les gens dans la misère tandis que la population russe perdait un million d'individus par an, les forces manquent pour une explosion de ce type, et elle ne se produira pas.

On sait beaucoup plus de choses en Occident sur l'état économique de la Russie et sur ce qu'on est convenu d'appeler les réformes économiques, d'abord de Gorbatchov (1987-1990), puis de Ieltsine en 1992-95. Gorbatchov, qui avait proclamé à son de trompe le mot d'ordre de la pérestroïka, était sans doute plus préoccupé de faire passer en douceur les cadres du Parti dans de nouvelles conditions économiques, puis de sauver les capitaux du PCUS. Il n'engagea aucune action pour faire naître de petites et moyennes entreprises de production, mais n'en réussit pas moins à démolir et jeter bas tout le système de liaisons horizontales et verticales de l'ancienne économie communiste qui, tant bien que mal, fonctionnait malgré tout. C'est ainsi qu'il fraya la voie au chaos économique en Russie, qu'ont amplifié par la suite avec succès la réforme de Gaïdar et la privatisation de Tchoubaïs. Je mets réforme entre guillemets, car une vraie réforme est un système conjugué, cohérent, de nombreuses mesures constructives qui mè

nent au but unique que l'on s'est assigné. Ce n'est pas un hasard si pareil programme n'a jamais été rendu public en Russie depuis 1992 . La raison en est toute simple. Le gouvernement n'a tout bonnement aucun programme. Toute la réforme, irréfléchie et commencée à un rythme vertigineux, a consisté en deux actions distinctes, pas même coordonnées entre elles, pour ne rien dire de leur utilité économique pour le pays. L'une, celle de Gaïdar en 1992, a consisté à libérer les prix, alors qu'il n'existait dans le pays aucun milieu concurrentiel; c'était donc la possibilité, ouverte aux producteurs monopolistes de toutes branches hérités du communisme, de gonfler sans limite les prix de vente de leurs produits, tout en abaissant le volume de la production et les charges entraînées par celle-ci. Pareille réforme a commencé à détruire rapidement l'appareil de production et rendu inaccessibles à une énorme partie de la population les biens de consommation et de nombreuses denrées alimentaires. L'autre action a consi

sté en une privatisation effrénée, menée à un rythme dont le monde n'a jamais vu l'équivalent (dixit Tchoubaïs). La première étape, destinée à tromper la population et à masquer les buts ultérieurs, a été la privatisation par vaoutchers [de l'anglais voucher, certificat, attestation (NdT)], lorsque chaque citoyen s'est vu remettre par le gouvernement un titre de paiement attestant soi-disant sa part de tous les biens nationaux concentrés sous les communistes.Pratiquement, le montant total des vaoutchers ne représentait qu'une petite fraction du centième de ces biens, et la procédure mise en oeuvre a été menée de telle façon que la population s'est retrouvée lésée même sur ce faible volume. La seconde étape a consisté à revendre, pour ne pas. dire distribuer quasi gratuitement (parfois au centième d'un pour cent de la valeur réelle) un grand nombre d'entreprises d'Etat -gigantesques- à des individus qui, pour la plupart, ne recherchaient qu'un gain facile et n'avaient ni l'expérience de la production, ni le d

ésir de la développer. (Le maire de Moscou, Loujkov, a appelé la privatisation de Tchoubaïs la plus grande catastrophe de l'histoire mondiale). Exemple frappant de ce qui se passe lorsqu'un gouvernement remet le patrimoine de la nation à de troubles personnes privées sans en retirer lui-même le moindre revenu notable. C'est là que réside la cause principale de l'impuissance actuelle - et destinée à durer encore - du pouvoir d'Etat en Russie. A cette cause s'en ajoutent encore au moins deux. La première: les possibilités sans contrôle (et même les facilités officielles) de pillage à grande échelle ouvertes aux individus, si bien que, chaque année, ce ne sont pas moins de vingt-cinq milliards de dollars acquis frauduleusement ou illégalement qui s'en vont rejoindre à l'étranger les comptes personnels des profiteurs. Seconde cause: l'ingérence incompétente du Fonds monétaire international dans le chaos économique créé en Russie et l'obéissance inintelligente des autorités russes à ses recommandations catégoriqu

es, telles que, par exemple, la suppression des taxes douanières à l'exportation de ressources énergétiques d'une utilité vitale pour la Russie, contre la promesse de recevoir par la suite une part de ce manque à gagner sous forme de prêts consentis par le FMI! Tout le processus donne l'impression d'une gigantesque pompe mise en marche pour aspirer irrémédiablement hors de Russie ses richesses naturelles, ses capitaux, ses cerveaux. Bien plus: ces capitaux si facilement tombés aux mains des pillards (des gains aussi aisément accessibles sont sans précédent dans l'histoire de l'Occident) recherchent et trouvent des canaux de jonction avec le pouvoir d'Etat; des exemples existent déjà même à un niveau élevé et, pour ce qui est des niveaux intermédiaires, la corruption est désormais insaisissable et dépasse l'idée qu'on s'en fait en Occident. Cette intrication d'un nouveau et puissant capital d'origine criminelle avec l'Etat bloquera définitivement toute possibilité de naissance d'une économie concurrentielle d

e marché. Cette dernière n'a pas encore vu le jour et, au train où vont les choses, elle ne le verra pas. Le système d'Etat oligarchique et verrouillé est parachevé par le diktat économique du grand capital. L'état actuel de la Russie s'est manifesté avec tout son relief dans la tuerie tchétchène. Celle-ci est liée naturellement aux vices originaux et organiques de l'actuel pouvoir en Russie, et les manifeste de façon spectaculaire. En octobre 1991, lorsque Doudaïev eut proclamé l'indépendance de la Tchétchénie, le pouvoir central decréta en toute hâte l'état d'urgence dans ce pays, mais le rapporta au bout de trois jours et n'entreprit absolument plus rien dans les trois années qui suivirent. On a vu ce tableau inouï: un morceau d'Etat doté de sa propre et puissante armée, ainsi que de tout un armement, lourd et léger (lequel lui avait été laissé par le même pouvoir central), a proclamé son indépendance; commence alors le pillage massif de la population non-tchétchène (qui se montait jusqu'àun demi-million

d'habitants); on les éjecte de leurs appartements en les passant même carrément par les fenêtres d'immeubles à nombreux étages, on les expulse de Tchétchénie, on tue, on enlève les femmes, on les viole: trois années durant, le pouvoir central ne se manifeste en aucune façon pour défendre les victimes! Impossible d'expliquer cette attitude par l'aveuglement ou l'insensibilité du pouvoir central. L'explication peut résider dans le fait que certaines personnes importantes et influentes avaient intérêt à partager clandestinement avec Doudaïev les revenus du pétrole qui arrive de Tioumen dans les raffineries de Grozny, et dont la plus grande partie disparaît ensuite. Ce contact secret s'est-il rompu? Toujours est-il que, de façon tout aussi inexplicable, alors qu'en trois ans on n'avait entrepris aucune action, voici qu'en décembre 1994, sont soudain déclenchées des opérations militaires. Et, fait lui aussi caractéristique du pouvoir actuel, cette guerre entamée est, au niveau des généraux, conduite avec une parf

aite nullité, au prix de pertes énormes non pas tant pour l'adversaire que pour nos propres appelés inexpérimentés et pour la population mélangée tchétchèno-russe de Grozny et d'autres lieux. A l'été de 1995, au prix donc d'énormes pertes et destructions, les troupes fédérales ont tout de même occupé la majeure partie de la Tchétchénie. Mais c'est alors que se produit l'action terroriste de Boudionnovsk, et, nouvelle énigme, le pouvoir moscovite capitule non seulement devant ces terroristes, mais aussi devant les Tchétchènes en guerre avec nous: arrête toutes les opérations militaires et laisse les combattants tchétchènes reprendre sans combat toutes les localités qu'ils avaient perdues. Alors commencent deux nouvelles comédies tandis que se poursuivent escarmouches et échanges de coups de feu: la comédie des élections pour donner le pouvoir aux fonctionnaires de Zavgaïev, et la comédie de la restauration de la Tchétchénie et de la reconstruction de ses bâtiments carrément sur le théâtre des opérations milit

aires et en plein milieu de combats incessants ! Sottise? Non pas, mais un calcul sans risque: les milliards envolés se dispersent dans des poches privées, tandis que les maisons non construites sont passées au compte de nouvelles destructions... Hébété en pensées et en actions, notre gouvernement a montré son incapacité obtuse à sortir de l'impasse des opérations militaires. Mais parut à ce moment un homme frais, le général Lébed, totalement étranger à notre oligarchie et à ses vices. Il eut le courage et l'énergie de reconnaître le fait déjà accompli: la perte par les autorités russes de cette campagne militaire, et il fit sortir la Russie de la guerre. (En guise de remerciement, il fut congédié illico.) La sortie est donc acquise? Non. Comme auparavant, le pouvoir russe en son sommet croupit dans son idée fixe: il est prêt à sacrifier ses créatures zavgaïéviennes - et que la Tchétchénie reçoive tous les privilèges imaginables, quelle vive aux crochets du reste de la Russie, pourvu quelle reste en son sein

! Mais il est trop tard, et ce n'est plus possible. La Tchétchénie ravagée commencera naturellement par accepter de la Russie toutes sortes de réparations, elle prendra son temps, puis, inéluctablement, elle se séparera de nous: n'est-ce pas pour cela quelle nous a fait la guerre? Tout le cours destructeur des événements qui se sont déroulés en Russie au cours de ces dix dernières années vient de ce que le pouvoir, empruntant sans le moindre talent des modèles étrangers, a totalement négligé tant l'activité créatriceoriginale du peuple que sa mentalité et toutes les traditions multiséculaires de la Russie dans le domaine spirituel comme dans l'organisation de la vie publique. Seul le déblocage de ces voies-là peut sortir le pays de l'état de pré-agonie où il est actuellement plongé.

 
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