proposition d'article (03-01-97)
Face à un système dont chacun s'accorde pour dire qu'il devra être revu de fond en comble sous peine de produire d'ici peu des dérives aux effets plus dévastateurs encore de celles produites par cinquante années de particratie, le débat ouvert par "Le Soir" a le mérite de s'attaquer à la plus urgente et à la plus importante des réformes: celle du système électoral.
D'accord avec le Professeur Frognier, il n'existe point de système électoral parfait. Ceci dit, l'histoire récente et moins récente est particulièrement généreuse en démonstrations de la supériorité du système majoritaire (le vrai, l'anglosaxon, l'uninominal à un seul tour, et non le majoritaire à deux tours qui n'est qu'un maquillage du système proportionnel) sur le système proportionnel.
Premier élément d'importance: ni les Etats-Unis, ni le Royaume-Uni (et le raisonnement vaut pour d'autres pays tels que le Canada, l'Australie, ...) n'ont produit, ni de près, ni de loin, au cours des deux derniers siècles, la moindre ombre d'Etat totalitaire. Alors que l'on ne compte plus les monstres de ce type nés sur le terreau extrêmement fertile du proportionnalisme et de la soi-disante démocratie de représentation. Le nazisme naît, se développe et accède au pouvoir sous la République proportionnaliste de Weimar. Même chose pour Mussolini qui, contrairement à ce qu'affirme le Professeur Frognier, fait son entrée au Parlement italien en 1922, trois ans après l'introduction (par Nitti en 1919) de la proportionnelle. Sans parler des effets dévastateurs du proportionnalisme dans la France d'avant-guerre, en Belgique avec le rexisme et dans la majorité des autres pays européens. A tel point qu'à l'exception de la Grande-Bretange, aucun d'entre eux ne résistera réellement à l'envahisseur nazi...
Deuxième raison: le système majoritaire anglosaxon privilégie la démocratie de gouvernement. L'électeur choisit à la fois son programme de gouvernement, son député et son premier ministre. Avec, comme le souligne le Professeur Frognier, tout ce que cela comporte en termes de clarté mais aussi en termes de responsabilité (à l'inverse de ce qui se passe en Belgique où aucun parti ne "perd" jamais les élections, où un parti de gouvernement peut toujours décharger sa responsabilité sur le ou les autres partenaires de la coalition, ...). Mais la responsabilité de gouvernement c'est aussi la démocratie de l'alternance. Chose inconnue chez nous qui sommes gouvernés depuis 1946 (à l'exception d'une brève période à la fin des années cinquante) par la "famille catholique", pilier d'un régime que l'on peut définir de "monopartisme imparfait".
Le système majoritaire privilégie le projet de gouvernement, les solutions concrètes aux problèmes concrets et non, come le système proportionnel, les promesses démagogiques, les critères d'appartenances "ethniques", "idéologiques", "cléricales" qui, l'histoire l'a démontré, donnent naissance dans le meilleur des cas au lent pourrissement des institutions, dans le pire aux dérives totalitaires. Le système proportionnel est nourri d'idéologies. Dans notre monde en rapide évolution, le proportionnalisme est le véhicule "occidental" privilégié des fondamentalismes, de l'idolâtrie pour les petites "patries", des particularismes étroits ...
Enfin, le système majoritaire - et c'est ce qui fait le plus peur à la multitude de ceux qui émargent du système particratique actuel - c'est la possibilité concrète de voir l'Etat et les partis politiques refluer des innombrables sphères de la société où ils n'ont absolument rien à faire. C'est la possibilité réelle de libérer notre télévision publique, de "départicratiser" (beaucoup mieux que "dépolitiser") ministères, structures "parapubliques", entreprises publiques, intercommunales, administrations communales, régionales, nationales, ... C'est la fin des partis omniprésents. Ce qui ne signifie pas la fin des idéaux ou des religiosités libérale, socialiste, chrétienne ou autre. Que du contraire ! C'est le début de leur recommencement !
La leçon italienne est d'importance. Mais elle est loin d'être terminée. En ce moment même, une lutte décisive et inégale a lieu entre, d'un côté, le grand bloc des conservateurs, rassemblant les familles des catholiques, des ex-communistes, des bureaucrates de l'industrie publique, du capital assisté par l'Etat - tous proportionnalistes - et, de l'autre, les réformateurs, les libéraux, ceux qui veulent le retrait de l'Etat de l'économie, la réduction coûte que coûte du déficit public, l'institution d'un système majoritaire "sec" (sans ces résidus de proportionnelle qui permettent la survivance de dizaines de partis, ...).
L'enjeu: 20 référendums déposés par le Mouvement des Réformateurs de Marco Pannella (12 millions de signatures recueillies en présence d'officiers de l'Etat civil !), sur l'admissibilité desquels la Cours Constitutionnelle devra statuer dans quelques jours. Selon la jurisprudence particratique de ces quarante dernières années ou selon la constitution ... C'est toute la question.
Olivier Dupuis
Député européen
Secrétaire du Parti Radical