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TPI

UNE JUSTICE RENDUE TROP VITE N'EST PAS UNE BONNE CHOSE

La magistrate canadienne estime que le tribunal a beaucoup de choses à prouver mais ne s'inquiète pas de la lenteur des procédures.

Propos recueillis par Chaterine Simon

Le Monde, mardi 7 janvier 1996

Le génocide perpétré au Rwanda en 1994 a fait entre 500 000 et 1 million de morts. Deux ans plus tard, vingt et une personnes seulement ont été inculpées par le tribunal pénal international pour le Rwanda (TPR) (treize sont en prison), et aucun procès n'a eu lieu. C'est un bilan dérisoire...

- Ce n'est qu'un début. Ce serait décevant si ce nombre représentait la totalité définitive des inculpations. Et puis il faut se rappeler que, si la décision de création du TPR remonte à novembre 1994, le tribunal a commencé à fonctionner il y a quatorze mois à peine. Dans ce contexte, vingt et une inculpations prononcées, grâce au travail d'enquêteurs qui ne parlent pas la langue locale, qui travaillent sans aucune infrastructure judiciaire, est un résultat plutôt honorable.

- En théorie, il revient au TPR de juger les principaux responsables du génocide et à la justice rwandaise de s'occuper des autres. Comment le TPR négocie-t-il le droit de traiter ses dossiers ?

- La concurrence existe entre les deux juridictions, mais elle est de nature juridique, elle ne s'exprime pas en termes de compétition. Notre mandat ne nous permet pas de lancer des accusations contre des dizaines de milliers de personnes. Le TPR cible donc des niveaux de culpabilité très élevés. Dans le cas où le TPR porte des accusations à l'encontre de personnes que les autorités rwandaises ont déjà arrêtées, il a le droit de se saisir du dossier: il a primauté sur les juridictions nationales. La plupart des suspects concernés par le TPR se trouvent à l'étranger.

- Les dirigeants du Front patriotique rwandais (FPR) ont été les premiers à prôner la création d'un tribunal international. Pourtant, lis se montrent aujourd'hui très réservés. Cette hostilité vous gêne-t-elle ?

- A l'automne 1994, quand les dirigeants du FPR ont demandé à l'ONU de mettre sur pied un tribunal semblable à celui qui avait été créé pour la Yougoslavie, le Rwanda était membre du Conseil de sécurité. Pourtant, au moment de passer au vote, le Rwanda s'est prononcé contre: Kigali regrettait que le mandat du TPR ne comporte pas l'application de la peine de mort, il contestait le lieu choisi pour le siège du TPR et l'envergure de son mandat. Il n'était pas d'accord non plus sur la période retenue [entre le 1er janvier et le 31 décembre 19941 pour mener les enquêtes, etc. Nos relations avec les autorités et le gouvernement rwandais seront donc toujours entachées d'ambiguïté. jusqu'à présent, cela ne gêne pas notre travail. Le peuple rwandais a toutes les raisons de ne pas avoir une confiance aveugle dans ce que la communauté internationale peut lui apporter. Malheureusement, le tribunal est victime de ces circonstances. Mais c'est inévitable: nous avons beaucoup de choses à prouver. Le concept de justice péna

le internationale commence à peine à se développer dans un pays qui a espéré beaucoup et reçu très peu de la communauté internationale. J'espère qu'avec le temps la coopération entre le TPR et les autorités rwandaises réussira à dépasser le simple niveau de la tolérance.

- Selon l'article 28 du statut du TPR, les Etats sont tenus de l'aider. La plupart des pays l'ont fait, à l'exception du Cameroun, qui tarde à livrer quatre inculpés dont le transfert a été demandé depuis plusieurs mois. Parmi eux figurent le colonel Théoneste Bagosara, ancien chef de cabinet au ministère rwandais de la défense, et Ferdinand Nahimana, ancien directeur de la Radio-Télévision des Mille Collines. Des rumeurs font état de pressions françaises, Paris craignant, dit-on, d'éventuelles révélations sur son soutien à l'ancien régime rwandais et sa responsabilité dans le génocide.

- Les quatre inculpés dont vous parlez ont fait l'objet d'une demande de transfert, l'été dernier. Les procédures judiciaires ont été suivies et respectées à la lettre. On n'attend plus que la signature du président Biya, afin de rendre effectif ce transfert. Mais rien ne vient - ni signature présidentielle, ni explication à ce retard. C'est donc une situation extrêmement inquiétante, car soit il s'agit d'une négligence administrative - et il est intolérable qu'une ordonnance d'un tribunal international fasse l'objet d'une telle négligence -, soit il existe d'autres raisons - dont je n'ai pas eu connaissance - et elles n'ont pas lieu d'être. On s'est penché avec beaucoup de sérieux sur le rejet des autorités de l'ex-Yougoslavie à l'encontre du tribunal international. Il serait déplorable de ne pas faire de même pour le Rwanda et de passer l'éponge sur le manquement du Cameroun. Il est urgent que les Etats qui s'intéressent au sort de la justice au Rwanda se posent des questions et interrogent les autorités

camerounaises sur l'état de ce dossier.

- Des demandes analogues de transfert ont été adressées par le TPR à la Belgique et à la Suisse. Ont-elles été honorées ?

- Dans le cas de la Belgique, oui. Deux demandes de transfert, concernant joseph Kanyabashi, ex-bourgmestre de Ngoma, et Elie Ndayambaje, ex-bourgmestre de Muganza, ont été adressées à Bruxelles, les 9 et 22 juillet respectivement. Les deux inculpés ont été transférés de leurs cellules belges à la prison d'Arusha, le 8 novembre. Quant à la Suisse, le transfert d'Alfred Musema devrait avoir lieu incessamment. En général, la coopération des Etats est très bonne. On l'a vu avec la Zambie, mais aussi, plus récemment, avec le Kenya, qui, à la demande du TPR, a arrêté et transféré un suspect rwandais vers Arusha. En Côte-d'Ivoire et aux Etats-Unis, des procédures analogues sont en cours. Que ces procédures soient lentes n'a rien d'inquiétant.

- Le procès de Jean-Paul Akayesu, premier génocidaire présumé à comparaître à Arusha, a été reporté deux fois. M. Akayseu devrait comparaître de nouveau, le jeudi 9 janvier 1997. En obtenant du tribunal le report des procès, les avocats de la défense gagnent du temps. Le TPR, lui, y perd en crédibilité...

- Je comprends très bien l'impatience de la communauté internationale. Mais on n'est pas à un point où l'on doive s'inquiéter de retards injustifiables, choquants, provoqués par la défense. La méthode est assez classique dans les procédures pénales. Les avocats de la défense doivent avoir les moyens detravailler, de contacter et d'interroger d'éventuels témoins à décharge. Il faut leur laisser le bénéfice du doute. Ils ont droit à une certaine tolérance, ce qui n'empêche pas le TPR de regarder de très près les motifs allégués pour un report. Une justice rendue trop vite n'est pas une bonne chose.

- Le travail du tribunal international - la collecte de témoignages, par exemple - est-il plus facile à mener en ex-Yougoslavie ou au Rwanda?

- On a travaillé plus lentement au Rwanda, mais pour des raisons purement techniques. Dans l'un et l'autre pays, les enquêteurs travaillent en anglais ou en français - langues qui ne sont naturellement parlées ni dans l'ex-Yougoslavie ni au Rwanda. Mais il est plus facile de trouver des gens qui savent traduire le yougoslave que le kinyarwanda. Autre différence de taille : pour l'ex-Yougoslavie, le TPI dispose de bureaux d'enquêtes à Belgrade, à Sarajevo et à Zagreb, mais le siège du tribunal, greffe et bureau du procureur compris, se trouve à La Haye ; en revanche, pour le Rwanda, le siège du tribunal - autrement dit, toute l'infrastructure administrative - est installé à Arusha, alors que le bureau du procureur est à Kigali, comme le bureau d'enquêtes. Ce qui se règle facilement à La Haye prend des jours à Kigali.

Les conditions de travail sont assez difficiles, c'est vrai, mais cela n'explique pas tout. La récente conférence de Londres, consacrée à la Bosnie, n'a pas son équivalent pour le Rwanda -et sans doute n'est-ce pas un hasard. La présence de la communauté internationale, son soutien aux efforts de reconstruction ne sont pas les mêmes ici et là. Le TPR est plus isolé. Le retour massif de réfugiés, qui a ramené l'attention de la communauté internationale sur les problèmes du Rwanda, nous bénéficiera peut-être, je l'espère.

 
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