Le Courrier (Quotidien de Genève)
Mardi 25 Février 1997
UNE MARCHE POUR LE TIBET RABOTEE PAR LE SALON DE L'AUTO
par Michel ROY
Les militants en faveur du Tibet libre revoient leur "grande marche" à la baisse. Pour cause de trafic automobile.
La police genevoise vénère-t-elle l'automobile au point de refuser de détourner la circulation pendant deux heures? C'est la question que se posent les associations européennes de soutien au peuple tibétain, qui ont prévu de longue date une grande marché de solidarité à Genève, le dimanche 9 et le lundi 10 mars. Cette seconde journée commémorera, d'une part, le trentehuitième anniversaire de l'insurrection non-violente de la capitale tibétaine Lhassa contre l'annexion du "Toit du monde" par la Chine. D'autre part, elle inaugurera la session des droits de l'homme de l'ONU, où les militants des libertés fondamentales réclament depuis des années une condamnation du régime chinois.
A Genève, depuis trois semaines, le comité d'organisation de la "grande marche" européenne en faveur de la cause tibétaine se fait renvoyer d'un service de police à l'autre. Au bout du compte, il n'est pas parvenu à obtenir une autorisation, même pour un parcours limité. Au point qu'Olivier Dupuis, député européen et secrétaire du Parti Radical Transnational(1), a adressé une communiqué aux autorités concernées à la fin de la semaine dernière: "Genève aurait-elle déjà renoncé aux charges et aux devoirs que sa qualité d'hôte de la plus haute instance de la communauté internationale lui confère?"
VOITURES ET DROITS HUMAINS
Hier, Tiziana Falletti, membre du comité d'organisation, ne cachait pas son amertume: "L'année dernière à Bruxelles, pour la première grande marche européenne, nous avons réussi à résoudre tous les problèmes alors qu'il y avait une autre manifestation sociale de vaste envergure. Genève donne-t-elle plus d'importance au trafic des voitures qu'aux droits de l'homme?"
Car c'est là le noeud du problème. Le dimanche 9 mars coïncide avec le premier week-end du Salon de l'automobile. D'où une abondance de voitures, de cars et de bus dans le secteur de la place de Nations, où les manifestants veulent précisément aboutir.
Secrétaire adjoint au Département de justice et police et des transports, Eric Balland se dit navré de cette juxtaposition de dates, tout en faisant remarquer que pour montrer une manifestation qui doit réunir plusieurs milliers de manifestants, ses organisateurs auraient dû s'y prendre plus tôt: "De notrecôté, on ne pouvait revoir tous nos plans de circulation à un mois du salon". Et d'ajouter: "Comme compromis, nous avons accepté que la manifestation se tienne sur une parti de la place des Nations. Mais pour un cortège qui partirait du centre-ville, c'est impossible".
Une solution minimaliste à laquelle s'est résolu en désespoir de cause le comité d'organisation de la "grande marche". Avec un nouveau programme à établir....MICHAEL ROY
(1) Le Parti Radical transnational (PRT) n'a rien à voir avec le Parti radical suisse. C'est une association de citoyens et de parlementaires provenant de divers pays. Ses membres ne se présentent d'ailleurs à aucune élection sous cette bannière. En fait, le PRT est une organisation non gouvernementale, avec statut consultatif auprès des Nation Unies, qui dit poursuivre "sous le signe e la non-violence gandhienne, de la désobéissance civile et de la démocratie, des objectifs concrets" tels que la création d'un Tribunal pénal permanent, l'abolition universelle de la peine de mort, l'adoption d'une langue neutre de communication internationale, (l'espéranto), la révision dans un sens antiprohibitioniste des lois en matière de drogue ou encore la liberté pour le Tibet et la démocratie pour la Chine.
Contacts: Parti radical transnational, rue Belliard 97-113, 1047 Bruxelles, tel 00322 2 230 41 21