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Partito Radicale Centro Radicale - 18 marzo 1997
UE/Albanie

LA COûTEUSE INERTIE DE L'EUROPE EN ALBANIE

par Daniel Vernet

Le Monde, mardi 18 mars 1997

COMME un mauvais film qui repasse, l'attitude des Européens à propos de l'Albanie nous ramène quelques années en arrière, à la veille du conflit en Yougoslavie. Pendant l'été 1991, quand l'année fédérale yougoslave, à dominante serbe, entreprit de réduire par la force les indépendances slovène et croate, la communauté internationale afficha sa perplexité. Elle feignit de ne pas croire à l'éclatement de la fédération, lança des appels à la modération, donna la priorité à une solution politique, écarta pendant des mois l'idée d'envoyer une force d'interposition qui aurait au moins limité les exactions et soulagé les souffrances des populations civiles. Les experts affirmaient qu'il aurait fallu plus de 300 000 hommes pour rétablir la paix. L'Europe ferma les yeux sur les risques d'extension du conflit. Que serait-elle allée faire dans cette galère alors quelle était divisée sur les solutions à proposer! Faute de vouloir risquer la vie de leurs soldats pour une cause incertaine, les Etats européens expédièrent

en Yougoslavie, en juillet 1991, des observateurs désarmés - dans tous les sens du terme - ironiquement surnommés les marchands de glaces à cause de leurs blouses blanches. Le groupe d'experts dépêchés par l'Union européenne à Tirana pour évaluer la nécessité d'y envoyer une mission militaire et civile, prélude à l'éventuel déploiement d'une force de police internationale, fait penser à ces marchands de glaces Même les regrets affichés ici ou là que l'Union européenne n'ait pas encore de politique extérieure et de sécurité commune rappellent de fâcheux précédents. L'Albanie n'est certes pas la Yougoslavie, comme l'a justement déclaré le chancelier Kohl. La crise albanaise ne ressemble à aucune autre. Les comparaisons avec la Bosnie, les analyses sur le postcommunisme, voire les références à l'homo sovieticus ne rendent pas compte d'une révolte qui tarde à se donner des chefs. Les interlocuteurs font défaut, les solutions négociées sont improbables, les structures pour les mettre en oeuvre inexistantes. L'Alb

anie n'est même pas la Somalie, où la communauté internationale s'était au moins donné pour but de séparer des chefs de clans qui se prenaient pour des seigneurs de la guerre. LA HANTISE DE L'ENGRENAGE Sans doute les dirigeants de l'Union européenne ont-ils quelques raisons de se montrer prudents, de ne pas vouloir se lancer dans ce que le ministre allemand des affaires étrangères Klaus Kinkel a appelé une aventure. Ils sont comptables de la vie de leurs concitoyens, y compris de leurs soldats, qu'ils ne sauraient engager à la légère. S'ils le faisaient, ceux-là mêmes qui critiquent leur pusillanimité, seraient les premiers à le leur reprocher. Avant d'envoyer une force d'interposition, ils doivent avoir la réponse à des questions simples: avec qui ? où? comment ? pour quoi faire ? pour combien de temps ? C'est ce que les Américains appellent une exit strategy, une stratégie de sortie. Les Etats-Unis ont tenté de la mettre en oeuvre en Bosnie en limitant strictementla présence de leurs troupes, mais l'expéri

ence prouve que les délais ne peuvent pas toujours être respectés sans risquer de faire sombrer l'ensemble de l'entreprise. Cette hantise de l'engrenage explique aussi que les hommes d'Etat hésitent à s'engager dans un processus qu'ils craignent ne pas pouvoir contrôler. il n'en reste pas moins que les discours sur les responsabilités de l'Europe, la diplomatie préventive, la défense européenne, la volonté de s'émanciper de la tutelle américaine, etc., ont quelque chose de dérisoire, comme si les hommes d'Etat étaient pris de paralysie quand il s'agit de passer de la théorie à la pratique, comme si la crise du moment était toujours prématurée par rapport à l'avancement de la réflexion. Les palinodies à propos de l'Albanie n'ajoutent pas à la crédibilité de l'union européenne et donnent aux négociations de la conférence intergouvernementale sur la réforme de Maastricht un caractère irréel, Contrairement à ce que déclarent certains responsables pour justifier l'attentisme, les chancelleries ne sont pas aussi d

émunies. Nous devons agir sur trois fronts, explique un diplomate français: envoyer une force de police pour aider à rétablir l'ordre; apporter une aide d'urgence et dégager des fonds pour compenser, ne serait-ce qu'en partie, les pertes subies par les Albanais dans l'écroulement des pyramides financières. Ce sont aussi les conclusions que Franz Vranitsky, mandaté par l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), avait tirées de ses entretiens vendredi avec le nouveau premier ministre albanais et les représentants des insurgés du Sud. L'ancien chancelier autrichien avait saisi à la fois l'urgence de la situation et la relative modicité des moyens à mettre en oeuvre. Il était tellement conscient de l'inertie des procédures internationales habituelles que proposait la formation d'une coalition de volontaires. Les pays agissants auraient pu le faire dans le cadre de l'OSCE, sans attendre un mandat formel de l'ONU, de l'OSCE ou de l'Union européenne, puisque toutes les parties plus ou moins

représentatives de l'Albanie le demandaient. L'ÉPREUVE DES FAITS On n'a pas manqué de brocarder les organisations internationales, et l'ONU entre autres, pour la lenteur de leurs décisions! Franz Vranitsky, qui ne saurait être soupçonné d'être un va-t-en guerre ou de nourrir quelque nostalgie pour les splendeurs passées de l'Autriche impériale, suggérait un moyen de passer outre. Les Européens ne l'ont pas saisi. Ils ne sont plus divisés, comme en 1991, ni par des analyses divergentes de la situation dans les Balkans, ni par des solidarités historiques opposées, ni par des intérêts contradictoires. Ils n'ont pas de peine à se mettre d'accord sur la gravité de la crise et, s'ils se gardent de trop parier des risques de débordements sur le Kosovo et surtout la Macédoine, c'est pour conjurer le mauvais sort. Seuls les pays qui sont en première ligne, comme l'Italie et la Grèce, font pression pour une action immédiate, mais leurs partenaires les soupçonnent de nourrir quelques arrière-pensées. L'attentisme géné

ral tient à l'absence de volonté politique partagée par les Quinze qui leur fait toujours rechercher le plus petit dénominateur commun. Dans les négociations de la CIG, les Français et les Allemands ont proposé de sortir de cette impasse par la création de coopérations renforcées pour des actions communes spécifiques. Sur le papier, l'idée est séduisante. A l'épreuve des faits - la crise albanaise est révélatrice - elle risque fort de n'être pas plus efficace. Affrontés à des criseséconomiques et sociales, obnubilés par la préparation de la monnaie unique, soumis à une opinion publique versatile qui oscille entre l'indignation et l'indifférence, les responsables politiques européens se raccrochent à l'espoir que les choses s'arrangeront d'elles-mêmes, avec un minimum d'implication, et que si ce n'est pas le cas il sera toujours temps de réagir. Ils semblent avoir oublié une des grandes leçons de la Bosnie: plus l'intervention est tardive, plus son coût est élevé.

 
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