SATYAGRAHA: DANS LA RESPONSABILITE UNIVERSELLE, LA RESPONSABILITE DE CHACUN
Pour qui s'intéresse depuis un certain temps au sort du Tibet et de son peuple, une évidence s'impose avec une insistance croissante: cette lutte-là est exemplaire de la fin de ce siècle, ou du millénaire. C'est un combat de décolonisation, de libération nationale, auquel s'ajoutent des aspects culturel, linguistique, spirituel, de défense des droits fondamentaux de l'être humain et de l'environnement, qui le complètent et lui confèrent un poids singulier. S'y adjoint le choix, raisonné et probablement le seul possible, de la nonviolence comme unique arme valable en vue de réaliser un but qui a pour nom "liberté".
A n'en pas douter, ce choix est le plus exigeant qui soit, comme l'avait clairement expliqué Samdong Rimpoché en lançant l'idée du Satyagraha. Il confine en un sens à l'ascèse, dans un monde qui en a perdu jusqu'au sens et à l'habitude. En outre, l'ascèse ne peut être exigée de tout un chacun. Mais quand plus rien n'est à perdre, sinon des chaînes, quelle autre voie choisir justement? Pour ceux qui sont véritablement touchés par ce qui se passe au Tibet et qui perçoivent la responsabilité qui incombe à chacun de nous de tenter au moins de rendre notre monde plus vivable et plus ouvert, des voies plus modestes existent. D'abord persévérer et dire sans se lasser ce que l'on sait, ne renoncer à aucune occasion de porter témoignage - même si les mots s'usent et peuvent paître par moments dérisoires tant il est difficile de se faire écouter de qui ne veut pas entendre. Le Tibet meurt aussi de nos silences dans des sociétés où la course à ce qui semble le bonheur passe immanquablement par l'argent et le profit, au
mépris des qualités essentielles qui fondent l'humain.
Etablir des réseaux de soutien dans les organismes institutionnels vise à maintenir vive l'écoute et la présence du Tibet. Accentuer la pression de l'opinion pour faire comprendre aux responsables élus combien nous sommes concernées par le rétablissement de la liberté au Tibet et l'ouverture démocratique en Chine. Partout où cela faire se peut, travailler main dans la main avec les Tibétains exilés et leurs organisations, afin qu'eux comprennent pourquoi il importe tant à l'ensemble de la communauté humaine que leur pays puisse se joindre en pleine souveraineté au concert des nations. Ne pas se perdre dans mille initiatives de bonne volonté, mais trop éparpillées souvent pour dépasser l'efficacité locale et limitée: coordonner les initiatives et les efforts, et respecter ses propres engagements, ne pas prendre sur soi plus que l'on est à même de réaliser, mais mener sa tâche à bon terme. L'efficacité réelle est à ce prix, sans chercher noise ou querelle au compagnon de route.
Utopie, disent d'aucuns: idéalisme, prétendent d'autres. Mais sans doute faut-il être réaliste pour exiger l'impossible: jusqu'ici, c'est la seule méthode ayant fait ses preuves pour réaliser dans la vie de tous les jours ce qui nous tient le plus à coeur. Et le Tibet nous tient à coeur. Le défi est pour chacun: le Satyaghraha à préparer et à organiser ne peut réussir que si chacun y contribue, si modeste soit sa contribution. Divers points de vue ont été énoncés dans les numéros précédents, avec des indications pratiques et immédiates. Commençons par les traduire dans les faits, en mobilisant toutes les bonnes volontés, aucune n'est de trop: immanquable, le succès est à la mesure de l'effort.