UE/ANTIDUMPING: SELON LA TURQUIE, L'UE DEVRAIT REVOIR SA POLITIQUE ENVERS ELLE, SUITE A L'ENTREE EN VIGUEUR DE L'UNION DOUANIERE
01/08/1997 (Agence Europe)
- Ainsi qu'EUROPE l'a annoncé Commission européenne mène actuellement, suite à une plainte déposée par Eurocoton, une nouvelle enquête sur les importations de tissus de coton écru en provenance de pays asiatiques, dont la Turquie, seul pays dont la part de marché dans l'UE n'a pas augmenté. L'Association turque des exportateurs de textile et habillement (ITKIB) avait organisé, à la fin du mois de mai dernier à Istanbul, une conférence au cours de laquelle les préoccupations de la Turquie concernant la politique antidumping menée par l'UE avaient été précisées et des hauts fonctionnaires de la Commission européenne avaient, pour leur part, expliqué les fondements de cette politique et son articulation avec l'Union douanière. Quelques jours auparavant, le Conseil de l'UE avait rejeté les droits antidumping définitifs proposés par la Commission à l'issue de sa précédente enquête. "Il est dur pour nous d'être traités par l'Union, dans les procédures antidumping, comme les pays tiers": cette formule utilisée par
Evrensel Erdogan, président de l'une des commissions d'ITKIB, résume parfaitement l'état d'esprit qui prévaut dans le secteur turc des exportateurs de textile. Pour l'Association, représentée à Bruxelles par Haluk Ozelçi, l'UE devrait revoir sa politique antidumping en tenant compte du fait que la Turquie n'est plus du fait de l'Union douanière entrée en vigueur le 1er janvier 1996, un pays tiers comme les autres. Pour Evrensel Erdogan, "l'Union douanière a provoqué un changement radical pour le secteur textile turc" car elle a entraîné la fin des quotas et un alignement des taxes sur le moule européen, et amené les autorités turques à procéder à une harmonisation des règles de concurrence avec celles en vigueur dans l'UE. "Chaque année la Turquie fait un pas de plus pour appliquer la législation communautaire en matière de concurrence et d'antidumping,", explique M. Ozelçi. Concrètement, ITKIB considère que l'Union douanière a, de facto, étendu le Marché unique au marché turc et que la Turquie doit dès lors
se positionner comme l'UE face au "monde extérieur", c'est-à-dire appliquer des quotas aux pays tiers si l'Union le fait. Dans ce contexte, l'Association observe que: a) les pays de Visegrad (qui ne paient plus de droits de douane depuis le début de 1997 tandis que la levée des quotas est prévue pour le début 1998) bénéficient d'un avantage dans la mesure où, n'étant pas liés à l'UE par une Union douanière, ils ne sont pas obligés de signer des accords avec les pays tiers; b) la politique antidumping ne devrait plus pouvoir s'appliquer à un pays qui prolonge de facto le Marché unique: si une difficulté venait à apparaître dans un secteur quelconque, il conviendrait que l'UE et la Turquie le résolvent bilatéralement, les autorités turques étant disposées à entamer de tels pourparlers au cas où il y aurait le moindre doute. Hans-Adolf Neumann, directeur à la DG I où il est responsable de la stratégie antidumping, a répondu à ce point de vue turc en développant l'argumentation suivante pour expliquer la positi
on de la Commission en matière de défense commerciale: 1) la possibilité que des mesures antidumping puissent continuer à être prises n'est pas incompatible avec l'Union douanière, dont l'article 44 CUA stipule que l'Union a, tout comme la Turquie, le droit d'appliquer des mesures de défense commerciale (M. Newmann a précisé que cette question est sujette à révision); 2) la possibilité de prendre des mesures de défense commerciale est l'un des principes de base de la politique commerciale de l'UE. Seul l'accord établissant l'Espace économique européen ne la prévoit pas, à cause de: a) la similarité des économies concernées; b) la mise en oeuvre quasi complète, par les anciens pays de l'AELE, de l'acquis communautaire, y compris les "quatre libertés" (des mesures de défense restent possibles, dans le domaine de la pêche en particulier); c) l'existence d'un cadre institutionnel qui assure le contrôle conjoint de l'application de l'acquis communautaire.
La combinaison de ces trois éléments ne se retrouve dans aucun autre pays avec lequel l'UE a conclu des accords préférentiels, pas même dans le cadre de l'Union douanière, et l'application de l'acquis communautaire en Turquie ne peut pas encore être comparée avec la situation au niveau de l'EEE; 3) l'Union douanière a toutefois créé un environnement qui devrait contribuer de manière significative à diminuer l'importance du facteur dumping, et le renforcement des contacts entre industries est appelé à jouer un rôle substantiel dans ce contexte. Au niveau gouvernemental, il faut développer les procédures d'information et de consultation prévues dans le Protocole additionnel, ce qui pourrait se faire en: a) assurant une meilleure information préalable, avant l'ouverture d'une procédure; b) activant le rôle du Conseil d'association dans la recherche d'une solution au conflit; c) donnant une claire préférence à la solution d'éventuelles difficultés par le biais d'engagements, quand la spécificité du cas le permet
; 4) l'article 44 CUA de l'Accord Union douanière prévoit la possibilité d'une suspension de l'application des instruments de défense commerciale à la Turquie, pourvu que celle-ci ait mis en oeuvre de manière effective les dispositions de l'acquis communautaire relatives à la concurrence et au contrôle des aides d'Etat, et toutes les dispositions qui, de manière plus large, sont liées au Marché intérieur. Ce qui implique, dans l'esprit de la Commission, la création d'un marché intégré dans le cadre de l'Union douanière. Dans ce contexte, l'installation en Turquie d'une Autorité compétente en matière de concurrence est importante (tout dépendra toutefois de la manière dont elle fonctionnera), mais d'autres éléments sont nécessaires pour créer un marché intégré: application du système commercial extérieur, normes industrielles communes, protection efficace de la propriété intellectuelle... Autant de domaines où des progrès doivent encore être accomplis par la Turquie, raison pour laquelle la Commission juge pe
u réaliste qu'une révision de l'article 44 CUA, puisse à ce stade, être couronnée de succès. Elle estime également que, lors de la révision de cet article, la manière dont les instruments de défense commerciale auront été utilisés (notamment sur le plan de la fréquence) sera un élément d'appréciation important; 5) le souci d'éviter toute discrimination entre la Turquie et les pus d'Europe centrale est, pour la Commission, un principe fondamental: les mêmes critères seront appliqués à l'une et aux autres lorsqu'il est question du rôle des instruments de politique commerciale; 6) la mise en oeuvre du tarif extérieur commun a ouvert le marché turc. La Commission s'en réjouit, mais observe que la Turquie doit naturellement être capable de se défendre contre des pratiques commerciales déloyales. Pour cette raison, elle est disposée à poursuivre la coopération qu'elle a nouée depuis des années avec l'Autorité antidumping turque.