LA JOURNALISTE SALIMA GHEZALI DENONCE LE SILENCE DE L'EUROPE
AFP, le 17 décembre 1997
La journaliste algérienne Salima Ghezali, qui a reçu mercredi le Prix Sakharov du Parlement européen à Strasbourg, a dénoncé à cette occasion "le silence scandaleux" de l'Europe devant la situation de millions d'algériens vivant "depuis cinq ans dans la peur". Dans un plaidoyer d'une grande intensité, interrompu à plusieurs reprises par les applaudissements des députés européens, debout dans l'hémicycle, cette frêle jeune femme a reclamé "une commission d'enquête internationale" sur les assasinats et les massacres en Algérie "pour qu'aucuns des différents belligérants n'ait la possibilité d'attribuer la responsabilité de ses crimes aux autres". En signe de protestation, un député de l'Alliance radicale européenne, Olivier Dupuis, a quitté la salle estimant que le Parlement européen "se couvre de honte", en applaudissant ainsi les propos de Salima Ghezali qui "élèvent les terroristes au rang de belligérants". La journaliste, rédactrice en chef du journal algérien La Nation, qui n'a plus paru depuis fin 1996,
a invité les députés européens "à prendre une initiative politique en faveur de la paix dans son pays. Evoquant les assasinats d'intellectuels et d'étrangers, les attentats aveugles à l'explosif, les massacres de civils désarmés, les opérations militaires, la torture", la journaliste a souligné qu'"à quelques heures d'ici couve un désespoir qu'il serait hasardeux d'ignorer en se préparant à le contenir, militairment si nécessaire". Cinq ans de guerre en Algérie ont entraîné non seulement des dizaines de milliers de morts, la violation des droits de l'Homme, et la destruction de richesses" mais aussi "une régression sociale scandaleuse" a-t-elle martelé. Le Président du Parlement européen José Maria Gil Robles a salué "la clarté de pensée", "l'indéniable intégrité", "l'ingagement à l'égard du dialogue et de la réconciliation" et la "générosité d'ésprit " de la journaliste. Il a rappelé que le PE, première instance internationale à debattre du problème algérien avec des ONG algériennes, en organisant des audit
ions en novembre dernier, enverra début 1998 dans ce pays une délégation afin de rencontrer "tous ceux avec lesquels le dialogue est possible". Les groupes parlementaires sont en train de choisir leurs représentants dans cette délégation qui comptera une dizaine de personnes.