MME GHEZALI A DEMANDE LA CREATION D'UNE COMMISSION INTERNATIONALE D'ENQUETE SUR LES MASSACRES EN ALGERIE
Agence Europe, 18/12/1997
Lors de la remise, mercredi, du prix Sakharov (voir JP d'hier, p. 5), la journaliste algérienne Salima Ghezali, lauréate 1997, s'est adressée aux parlementaires européens en ces termes : "c'est avec beaucoup d'émotion que je prends ici la parole qu'on me confisque dans mon pays". Après avoir souligné combien les figures d'Ernesto Che Guevara, de Thomas Sankara ou de Nelson Mandela avaient illuminé sa jeunesse et évoqué la "peur intime, insoutenable, qui fait frissonner chaque fibre de l'être et ployer des peuples entiers avant qu'ils ne se rebellent avec une violence sans égale", elle a estimé que "devant les charniers, face à la fureur des terrorismes et à la brutalité cynique des Etats, la conscience malheureuse des intellectuels est une abdication et l'impuissance des politiques une complicité, entraînant à terme, la disqualification des uns et des autres". "Poser le problème de l'Algérie en termes de choix entre la dictature militaire, même déguisée en démocratie bouffonne, et une théocratie islamiste, c
'est se condamner à perdre de vue une société porteuse de revendications précises", a-t-elle dit, en évoquant le quotidien de 28 millions d'hommes, de femmes et d'enfants: terreur, mort, insalubrité, "paupérisation brutale des classes moyennes et exclusion massive dans des conditions infra-hummaines de centaines de milliers de personnes". Et de souligner la nécessité d'une réelle volonté politique
même si celle-ci suppose une triple "prise de risque"
maintenir; ii) un enchevêtrement de réseaux d'affaires qui,
face à : i) un régime qui a besoin de la guerre pour se
"des deux côtés de la Méditerranée, engrange les
bénéfices d'une corruption sans vergogne"; iii) une sorte "d'engourdissement éthique qui empêche une solidarité humaine sincère dès qu'il s'agit d'Islam". Elle a réclamé une commission internationale d'enquête sur les massacres "pour qu'aucun des belligérants n'ait la possibilité d'attribuer la responsabilité de ses crimes aux autres" et a invité le PE à prendre une initiative politique en faveur de la paix et des libertés dans son pays. En signe de protestation contre la remise du prix à Mme Ghezali, le radical italien Olivier Dupuis a quitté l'hémicycle lors de cette cérémonie. Dans un communiqué de presse, il a reproché à Mme Ghezali des prises de position ambigües à l'égard des tenants du terrorisme. Il affirme que "en accueillant comme il l'a fait les propos de Mme Ghezali, élevant au rang des belligérants les terroristes, le Parlement européen se couvre de honte". Lors d'une conférence de presse, Mme Ghezali a refusé de s'exprimer sur les responsabilités dans les massacres. Après avoir rappelé que ce s
ujet n'avait jamais été traité dans son journal parce que toutes les informations liées à la sécurité auraient dû recevoir l'aval des autorités, elle a dit qu'elle n'était "ni devin ni prophète", qu'il était impossible de faire du journalisme d'investigation dans son pays à l'heure actuelle et que c'était pour toutes ces raisons qu'elle souhaitait la constitution d'une commission internationale d'enquête.